Procès Valileaks

Deux articles de la presse italienne pour remettre les choses dans une juste perspective: Gabriele, le soi-disant "martyr laïc", et l'avis éclairé de Sandro Magister (4/10/2012)

Les ragots ne m'intéressent pas plus que cela, les pratiques d'une certaine presse commencent à m'être très familières (et très prévisibles, donc très lassantes), et je préfère me consacrer à d'autres sujets.
Je ne parlerai donc pas des comptes-rendus du procès ouvert samedi dernier, que l'on trouvera sans difficulté ailleurs.
Cet article paru sur la revue catholique italienne Famiglia Cristiana reflète parfaitement mon sentiment.

Extrait (ma traduction)
http://www.famigliacristiana.it/chiesa/news_1/articolo/gabriele.aspx
Gabriel, un martyr de la presse laïque
Si c'est Gabriele qui le dit ... Une partie de la presse répand comme argent comptant les déclarations de l'accusé. Alors que pour le reste des italiens, une accusation équivaut au pilori.

(..) Jetez un coup d'oeil à ce que l'on écrit sur le Vatican, et en quels termes. Ressortez de la poussière, par exemple, ce que l'on a dit des relations entre le Saint-Siège et MONEYVAL, l'organe du Conseil de l'Europe chargé d'évaluer si oui ou non la législation nationale correspond avec les normes internationales de lutte contre le blanchiment d'argent. Vous comprendrez aisément qu'on n'en parle plus aujourd'hui, car alors, on a tout simplement écrit des torrents d'âneries.
Ou bien laissez passer quelques semaines et puis essayez de lire ce qui est écrit ces jours-ci sur le procès de Paolo Gabriele, le maître d'hôtel qui restera dans les mémoires pour avoir dérobé des documents en provenance du bureau du Pape. Bien sûr, et comme tous les accusés qui ne peuvent pas nier avoir commis le délit, Gabriele parle d'autre chose. Nous apprenons qu'il a été maltraité, torturé peut-être, dans une cellule où il ne pouvait même pas étendre les bras et où la lumière était toujours allumée. Que d'illustres "monsignore" l'ont inspiré, peut-être même lui ont donné un coup de main. Et qu'un large cercle de personnes et de personnalités ont partagé sa «mission».

Qui dit cela? Pensez un peu: lui-même! Pour les journaux les plus "forcaioli" (ndt: "justicialistes forcenés", je ne trouve pas de mot français), ceux pour lesquels tout mis en examen devrait démissionner, et, s'il n'occupe pas de charge, s'effondrer de honte, c'est plus que suffisant: si Gabriele le dit ... Gabriele, qui, bien sûr, a agi avec de bonnes intentions. Il voulait réformer l'Église, sauver le pape, redresser les torts, rétablir l'honnêteté..., peut-être même redresser les jambes des chiens et peigner les poupées.
Le tout en trahissant son employeur et sa foi (car Gabriele, bien sûr, est la fleur des catholiques, et donc le Pape, pour lui, n'est pas seulement une source de salaire) , et en volant des documents pour les refiler à un journaliste.

Le deuxième article est une interviewe de Sandro Magister, parue dans Il Sussidiario, et qui "tord le cou aux idées reçues", selon l'expression consacrée.
Là, la théorie du complot en prend un gros coup. Et l'on voit, sans aucune ambiguïté, combien c'est une forme d'ingénuité qui prévaut dans les relations inter-personnelles au "Vatican". Une ingénuité presque touchante, et bien sûr incompréhensible dans le monde cynique des medias.

VATILEAKS / Magister: au Vatican, la confiance envers autrui est vraiment une valeur
Il Sussidiario (ma traduction)
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La deuxième audience de «Vatileaks", le procès contre l'ancien majordome du pape, Paolo Gabriele, accusé d'avoir volé des documents confidentiels et les avoir rendus disponibles aux fins de publication, a eu lieu. Gabriele est en effet accusé de vol, aggravé du fait qu'il s'est fait aux dépens de personnes (le Pape et ses secrétaires personnels) dont il jouissait de la confiance. Pour toutes ces raisons, il pourrait risquer de deux à six ans de prison. Sur l'affaire en question, on a dit un peu tout, montant un cirque médiatique qui reconstituait le scénario d'une véritable conspiration au sein de la Curie romaine, pour mettre dans l'embarras le pape lui-même.
Selon Sandro Magister, contacté par Ilsussidiario.net, «ce qu'a dit Gabriele lui-même dans son témoignage montre que la théorie du complot était quelque chose de peu sérieux et peu véridique». Nous sommes en face d'un personnage, ajoute-t-il , à la double personnalité, mais il vaut la peine de souligner «que la confiance dont cette personne avait joui prouve combien, au sein du Vatican, prévaut une relation basée sur la familiarité et la confiance personnelle, y compris au coût de risques comme celui-la».

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- Dans sa déposition, l'autre jour Gabriel a rappelé qu'il avait toujours agi seul. Et vous, quelle est votre opinion sur le personnage en question?

- Personnellement, j'ai toujours été plutôt sceptique à propos de la théorie du complot, et je dirais que l'interrogatoire m'a confirmé hier dans mon scepticisme. Cela n'enlève rien au fait que la personnalité de l'accusé, comme elle ressort du procès, comporte de nombreux éléments qui sont impressionnants (ndt: troublants).

- Comme quoi?

- Par exemple, sa proximité avec le Saint-Père a été extraordinaire. C'était une personne qui s'asseyait à table avec le Pape, entendaient parler de gens qui s'entretenaient avec lui et intervenait lui-même, avait un bureau dans le bureaucontigu à celui du Pape avec une porte communicante. Il avait également une photocopieuse et travaillait dans la même pièce où travaillaient les deux secrétaires personnels du Pape. Donc en présence d'une quantité importante de papiers très confidentiels. Cela surprend de manière très forte.

- Qu'est-ce qui vous surprend en particulier?

- L'absence absolue de suspicion qui a entouré ce personnage jusqu'à ce que, pour l'essentiel, il ait été découvert en flagrant délit.

- Il semblerait que cette grande confiance en Gabriele et, sans doute, en ceux qui travaillent au Vatican, montre une idée des rapports très différente de celle que l'on peut voir dans n'importe quel environnement de travail.

- Bien sûr, c'est vrai. Ce type de relation entre lui et les gens qui était côte à côte avec lui est la photographie d'un système curial dans lequel les éléments de connaissance et de confiance réciproque prévalent sur les mesures de sécurité qui dans toute grande institution ou entreprise, sont en vigueur et observées. Il y avait l'incroyable facilité de passer un papier confidentiel d'une main à l'autre, ce qui ne se produit pas et ne devrait pas se produire dans de nombreuses institutions.

- Gabriel a dit avoir agi pour le bien de l'Eglise, inquiet de quelque chose, qu'il n'a toutefois pas précisé.

- À mon avis, cette déclaration peut être considérée comme sincère, elle montre la personnalité de l'accusé partagé entre des comportements lésant fortement la fidélité à l'Église et les sentiments de loyauté, et en même temps, des sentiments de loyauté. Il a dit qu'il avait une affection filiale envers le Saint-Père, il pensait agir en sa faveur. Ce dédoublement de la personnalité est ce qui émerge du procès et il est plausible de le prendre comme vrai (ndt: je ne partage pas cette affirmation; l'explication par la schizophrénie est vraiment trop facile!).

- Pensez-vous que, comme certains l'ont dit, le pape concèdera la grâce?

- Le Souverain Pontife a en son pouvoir d'accorder la grâce après un jugement; ceci est dans les pouvoirs de n'importe quel chef d'Etat. Donc, théoriquement, il pourrait le faire. D'autre part, on peut également dire, cependant, que le pape avait la possibilité d'intervenir avant un procès, et d'octroyer la grâce, évitant ainsi que le procès ait lieu: chose qu'il n'a pourtant pas fait.

- Pourquoi, selon vous?

- Quand il y a eu la réunion rendue publique de toutes les personnes impliquées dans l'enquête, le Pape a recommandé une diligence absolue dans le déroulement du procès. Il convient de garder cela à l'esprit: le pape s'est senti très blessé par la trahison d'une personne en qui il avait placé toute sa confiance.