Questions posées aux blogueurs hors-système

Je réagis brièvement à un article publié sur le blog ami Belgicatho sous le titre "Notre fatigue" (22/8/2012, mise à jour le 23)

belgicatho.hautetfort.com
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Et demain ?
Demain, quel sera le nouveau motif d’un ixième buzz médiatique mettant en cause l’Eglise, le pape, Mgr Untel ou l’abbé Machin ?
Demain, quelle sera la nouvelle « révélation » qui alimentera le moulin de nos détracteurs ?
Demain, quel sera le nouveau fait divers susceptible de déclencher un élan médiatique compassionnel justifiant le recours à l’euthanasie, à l’avortement, à l'adoption par des couples gay, ou que sais-je encore ?
Demain, quelle sera la nouvelle provocation qui permettra de mobiliser les défenseurs des droits de l’homme pour des causes tordues ?
Demain, quel sera l’objet de notre prochain émoi ? Quelle nouvelle horreur ?
Et après-demain ? Et après-après-demain ?
Et nous ? Serons-nous encore et toujours au créneau pour dénoncer la manœuvre provocatrice, la stratégie subversive, la mobilisation manipulatrice, l'information qui intoxique ? Et jusqu’à quand ? Jusqu’à ce qu’on ne soit plus là pour voir la suite ?
Ne risque-t-on pas de s’exténuer à ce jeu-là ? Et cela a-t-il encore un sens de se tenir sur le rempart alors que la cité est investie ? De défendre des murs désertés ?
Tous nos sites, blogues et autres « observatoires », sont-ils condamnés à inventorier quotidiennement les progrès du désastre en cours ? A déjouer les « complots » ? A dénoncer les « coupables » ? Et tout cela pour en arriver à quoi, finalement ? Cela suffira-t-il à remettre le train sur les rails ? A orienter nos contemporains vers le Vrai, le Bien, le Beau ?
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Belle réflexion.
Il est certain que de tels propos - pessimistes - sont propres à susciter un sérieux examen de conscience chez ceux qui comme moi (et lui) tentent jour après jour de déposer non pas une pierre mais un minuscule caillou, voire un grain de sable, sur le fragile édifice de ce que nous pensons être la réinformation.

Les questions posées ici en appellent d'autres, en complément:

  • Ce que nous faisons sert-il à quelque chose?
  • Ne sommes-nous pas trop peu nombreux pour avoir une possibilité d'intervenir dans le "débat"?
  • Ne menons-nous pas un combat d'arrière-garde?
  • Est-ce vraiment le "bon" combat?
  • Ne fonctionnons-nous pas trop en circuit fermé?
  • Ne somme-nous pas inutilement agressifs?
  • Ne sommes-nous pas trop souvent négatifs?
  • Ne sommes-nous pas paranoïaques, nous sentant constamment (et peut-être à tort) agressés?
  • Qui nous lit, en fait?

Quant aux deux dernières questions posées plus haut (Cela suffira-t-il à remettre le train sur les rails ? A orienter nos contemporains vers le Vrai, le Bien, le Beau ?), nous sommes bien obligés de répondre "non". Le Saint-Père lui-même n'y parvient pas, ou du moins, très partiellement, comment pourrions-nous y arriver?

Dans un article paru en avril 2011 sur son site iconoclaste "Eschaton", Julien Gunzinger avait trouvé cette image géniale (http://www.wmaker.net ):

Avec nos blogs et nos sites nous sommes comme des porteurs d’eau dans des seaux percés qui cherchons à former une chaîne pour éteindre un incendie qui court à toute allure sur toute la surface de la terre. Nous n’arrêterons pas cet incendie par internet, c’est absolument certain !
Non ce n’est pas Internet qui permettra un sursaut général. Il n’est pas le véhicule d’une nouvelle pentecôte. Internet est globalement asservi aux forces sataniques du « monde ». Il peut certes de façon isolée mettre en mouvement quelques personnes vers plus de vérité, en soutenir d’autres dans leur combat, et pour ces raisons je continuerai d’y assurer une présence, mais son rôle bénéfique ne sera jamais que marginal.

Je suis peut-être naïve, mais je persiste - pour le moment - à penser que nous sommes utiles, étant en quelque sorte à la blogosphère ce "sel de la terre" dont parle le Saint-Père à propos des croyants dans la société.
Ayant déjà été moi-même en proie au découragement, et plus d'une fois pensé (en fait, presque chaque jour) "j'arrête tout, à quoi bon?", j'ai cherché des réponses, en voici une, que je re-propose ici.

En novembre 2006 (donc très peu de temps après les débuts de mon site) j'écrivais:

Si l'on essaie de s'informer, si l'on écoute ou lit quotidiennement les medias (mais pour quoi faire, au fond?), on peut céder au découragement.
On a beau être indifférent à l'opinion des autres (..), il est pénible de toujours ramer à contre-courant.
Les gens qui contrôlent les medias ont parfaitement compris que l'esprit grégaire est la principale motivation de tous les comportements - sinon, à quoi servirait le matraquage des sondages, par exemple?
Heureusement, dans cette grisaille, les belles paroles du Saint-Père auxquelles je rends - malgré tout - grâce à Internet d'avoir accès, sont une bouffée d'air pur, et une lueur d'espoir.
Voici un message trouvé sur le forum catholique. On dirait qu'il s'adresse à moi juste en ce moment. Ou à tous ceux qui doutent. Le message nous dit indirectement: "Ne cédez pas au découragement". Ou, si l'on veut "N'abandonnez pas le terrain aux autres".
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Le meilleur outil du diable

Il avait été annoncé que le diable allait cesser ses affaires et offrir ses outils à quiconque voudrait payer le prix. Le jour de la vente, ils étaient exposés d'une manière attrayante: malice, haine, envie, jalousie, sensualité, fourberie, tous les instruments du mal étaient là, chacun marqué de son prix.
Séparé du reste se trouvait un outil en apparence inoffensif, même usé, dont le prix était supérieur à tous les autres. Quelqu'un demanda au diable ce que c'était: « C'est le découragement », fut la réponse.
- Eh bien! Pourquoi l'avez-vous marqué aussi cher? »
- Parce que, répondit le diable, il m'est plus utile que n'importe quel autre. Avec ça, je sais entrer dans n'importe quel homme et une fois à l'intérieur, je puis le manoeuvrer de la manière qui me convient le mieux. »
« Cet outil est très usagé parce que je l'emploie avec presque tout le monde et très peu de gens savent qu'il m'appartient. »
Il est superflu d'ajouter que le prix fixé par le diable pour le découragement était si élevé que l'instrument n'a jamais été vendu. Le diable en est toujours possesseur, et il continue à l'utiliser...

Cette petite parabole, mine de rien, nous interpelle donc: ne cédons pas au découragement, ne laissons pas la place aux autres.

Même si nous sommes snobés par "ceux qui comptent", dans leurs "revues des blogues", nous sommes lus aussi par eux (j'en ai déjà eu la preuve à plusieurs reprises, en particulier une fois, certes pour une mauvaise raison, quand mon petit site a connu une notoriété énorme mais passagère parce que j'avais dénoncé les pratiques d'une présentatrice du JT que ses concurrents voulaient dégommer - ils y sont finalement parvenus!!); nous sommes un peu les poils à gratter de l'"establishment", des espèces de chiens de garde qui montrent les crocs (des crocs bien limés, quand même!) quand les choses vont trop loin.

Ne serait-ce que pour cela, je crois (aujourd'hui!) qu'il faut que nous existions. Tout en comprenant fort bien que l'on puisse se poser la question, et en admettant même que l'on puisse changer d'avis.

Mise à jour (23/8)

Carlota a réagi à l'article, son commentaire conclut nos réflexions sur une note résolument encourageante, et même optimiste:

Ces blogueurs se sont des petits guerrilleros qui attaquent, chacun leur tour, l'énorme armée qui se croit invincible. Quand l'un des groupes de guerrilleros craque ou est vaincu, un autre le remplace. Il faut savoir se mettre en retrait, chacun son tour, pour reprendre des forces et repartir à l'attaque, des petites banderilles...même une petite goutte de sang perdu par le colosse, cela l'affaiblit!
Je suis d'une incommensurable naïveté mais je crois que même si une seule personne lit le texte d'un blogueur et que cela lui permet de garder courage c'est déjà cela. Quand l'Union Soviétique dominait toute l'Europe de l'Est, Radio Liberté continuait à émettre et pourtant qui aurait cru qu'un jour le patriarche de Moscou viendrait en Pologne, qui aurait cru que le président russe Medvedev viendrait vénérer la couronne d'épines à Paris. Quand je vois sur votre compte visiteurs des petits drapeaux "exotiques" de pays où il ne fait pas bon être catholique, je trouve que c'est magnifique (c'est peut-être le nonce ou son secrétaire qui lit le txt et pas un autochtone, mais c'est déjà cela!). Mais il y a aussi les catholiques de France qui doivent être encouragés et avec internet ou tout au moins pour l'instant c'est étonnant de voir comment en tapant une phrase l'on peut arriver sur un site sans même y avoir pensé.