Retour sur une interviewe de Mgr Müller

Un lecteur m'écrit, mettant en perspective les vrais propos du Préfet de la CDF et les commentaires de La Croix (26/10/2012)

En fait, ces propos sont répartis sur deux entretiens: l'un avec Edward Pentin, du site National catholic Register (cf. Une interviewe de Mgr Gerhard Müller ), et l'autre avec la radio allemande Norddeutscher Rundfunk (NDR) (cf. Qu'a dit Mgr Müller... ), ils datent du début octobre.

     

Deux remarques "en creux"

Avant de lire ce qui suit, deux remarques, "en creux":

¤ D'abord, dans sa plus récente interviewe, (cf. Une interviewe de Mgr Müller par Paolo Rodari), Mgr Müller n'a pas parlé de la FSSPX.

¤ Ensuite, les vaticanistes ont abandamment glosé sur le mini-consistoire, qui a vu la nomination de six nouveaux cardinaux. L'angle choisi était généralement la nécessité de "corriger" une énième "bourde" (!!) papale, soit le précédent consistoire et son poids excessif accordé à l'Europe, et, plus encore, à la Curie Romaine. Peut-être.
On a aussi parlé de la volonté de solder l'affaire Vatileaks en accordant à Mgr Harvey, préfet de la Maison Pontificale dont dépendait Gabriele, et qui l'avait lui-même recommandé pour son job, une mise au placard en forme de promotion à la pourpre. Possible.
Certains ont même été jusqu'à s'interroger sur une prétendue hâte du Pape à "régler ses affaires" en vue d'un prochain conclave, faisant un parallèle avec le dernier consistoire de Paul VI. On ne peut pas non plus l'écarter.
Quelque chose, cependant, qui a peu été souligné, c'est que Mgr Müller ne fait pas partie de cette promotion. Certes il n'est préfet de la CDF que depuis le 2 juillet, c'est-à-dire moins de 4 mois. Mais justement, il convient de rappeler que Paul VI avait nommé Joseph Ratzinger comme archevêque de Munich et Freising le 24 mars 1977, et que dès le 27 juin de la même année, il le promouvait cardinal lors de ce dernier consistoire (un mini-consistoire, lui aussi, de 5 noms). Donc, en à peine plus de 3 mois, le simple Professeur de théologie de l'Université de Ratisbonne devenait cardinal. On connaît la suite.

Les deux nouvelles en négatif peuvent suggérer (ce n'est qu'une hypothèse personnelle!) qu'il ne faut pas surévaluer le rôle de Mgr Müller dans les relations avec la FFSPX.

     

Le commentaire d'un lecteur

L'entretien accordé par Mgr Müller à Edward Pentin doit combler d'aise les journalistes de la religion et autres vaticanistes pressés de dire aux masses ce que pense le nouveau Préfet :

Le chef de service religieux de la Croix, I. de Gaulmyn, connue pour faire la chasse aux "intégristes", ne s'appuie (pourquoi?) que sur une courte déclaration du Préfet à la radio allemande NDR, où il dit qu'il ne prévoit plus de discussions avec les traditionalistes qui refusent les réformes du concile Vatican II:
" Nous ne pouvons pas abandonner la foi catholique dans ces négociations.. Il n'y aura pas de compromis là-dessus (...) Je ne pense pas qu'il y aura de nouvelles discussions."

Or, IdG écrit : (cf. religion-gaulmyn.blogs.la-croix.com/les-integristes-et-la-verite-dun-concile/2012/10/07/).

Le symbole est fort. Juste avant de fêter les cinquante ans de l’ouverture de Vatican II, jeudi prochain, on apprend que la réconciliation entre les intégristes de la Fraternité Saint- Pie-X et l’Église catholique a échoué. Sauf retournement de dernière minute hautement improbable, les intégristes ne reviendront jamais dans le giron de l’Église. Et c’est précisément sur Vatican II que les discussions ont finalement achoppé.

A quelques jours du cinquantenaire, l’hypothèque est donc définitivement levée, pour ceux qui en doutaient encore: le concile Vatican II ne se négocie pas
….
Ces longues négociations aux multiples rebondissements, entamées depuis la levée des excommunications des évêques intégristes en 2009, auront eu un mérite : montrer que la rupture n’est pas seulement une question de liturgie et de messe en latin, en obligeant la Fraternité Saint-Pie-X à se prononcer sur les fondements de la foi. Les intégristes ont été amené à dire clairement ce sur quoi ils n’étaient pas d’accord: l’œcuménisme, le dialogue interreligieux, la liberté religieuse, et au fond, une certaine conception de la vérité telle qu’elle apparaît à travers les textes conciliaires.

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Mais Mgr Müller n'a jamais dit que les négociations étaient définitivement rompues. Il a même dit très explicitement que «D'un point de vue pastoral, la porte est toujours ouverte». Et aussi: «la Congrégation de la foi, en union avec le Pape, décidera de l'évolution future de la question».

Et on constate que sont complètement occultés ses propos concernant les libéralistes au sein de l'Église :

Le développement de la mentalité sécularisée, par exemple, n'a rien à voir avec le Concile. Il était venu avant le Concile, au 19ème siècle, quand nous avons eu le sécularisme promu par les libéralistes, qui niaient le surnaturel et voyaient l'Église seulement comme une institution de charité.
...
Le résultat est que nous avons maintenant non seulement le sécularisme venant de l'extérieur de l'Église, mais nous avons une sorte de libéralisme au sein de l'Église, qui nous a fait perdre quelque peu notre chemin.
...
Nous avons des groupes séparatistes, non seulement dans l'aile traditionaliste, mais aussi dans l'aile libérale. Je pense que certains ont développé des ensembles d'idées, qu'ils ont constitué en une idéologie, après quoi ils jugent toutes choses dans le contexte de cet ensemble d'idées."… La FSSPX n'est pas le seul groupe séparatiste dans l'Église. Il y a pire de l'autre côté aussi. … Ces mouvements sont pires, car ils nient souvent l'essentiel du christianisme.

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Il nous reste donc à conclure:
- Soit cette journaliste fait sciemment un travail de désinformation en occultant les propos de Mgr Müller et lui faisant dire ce qu'il n'a pas dit, et c'est une personne peu fiable.
- Soit elle est d'une grave naïveté ou ignorance en ne se sentant pas concernée par les remarques concernant le libéralisme au sein de l'Église, dont elle et son journal est une vivante représentante: Ces mouvements sont pires, car ils nient souvent l'essentiel du christianisme.

Et elle est alors pire que les traditionalistes qu'elle stigmatise.

(J.L, 24 octobre 2012)