Revenir à l'Eglise dont on s'est éloigné

Carlota a traduit le témoignage d'un prêtre madrilène d'expérience, d'une paroisse moderne du nord de Madrid, la cinquantaine, et pas forcément en soutane. Et pourtant...! (10/11/2012)

Le père Jorge, un prêtre madrilène d’expérience d’une paroisse moderne du nord de Madrid, mais qui a le beau et très ecclésial bon sens à la Don Camillo, nous parle de l’importance de la rigueur liturgique, ce qui est un minimum, même sans célébrer selon l’usus antiquior (pour faire bref, la messe en latin), et plus particulièrement pour ceux qui se sont éloignés de l’église.
(original berbellin.wordpress.com)

     

Quand ceux qui s’en sont éloignés viennent à l’église
--------------------

Le cardinal archevêque de Madrid, Monseigneur Antonio María Rouco, nous disait une fois, en parlant de ceux qui s’étaient éloignés de l’Église et de la façon d’aller à leur rencontre, que nous n’avions pas besoin de sortir pour les chercher, que même une grande majorité d’entre eux vient à nous sans que nous nous en rendions compte. Que le problème est, que lorsqu’ils viennent, ils trouvent quelque chose qui en vaille la peine.

C’est certain. Combien de personnes complètement éloignées de l’Église viennent encore quelques fois dans l’année, même si ce n’est que pour un engagement familial ou social. Encore des baptêmes, des premières communions, des mariages et des funérailles attirent à l’église beaucoup de gens éloignés ou même non croyants. Les fêtes patronales, les pèlerinages, les processions… agglutinent ensemble un nombre énorme de gens qui manquent de foi.

Je ne sais pas si nous sommes conscients, nous les prêtres et les communautés chrétiennes de ce que cela signifie, parce que le grand risque que nous avons c’est de croire que ce qui attire et rapproche de l’Église ceux qui s’en sont éloignés et qui viennent pour une célébration, c’est de leur offrir une célébration « infantiloïde », « light », « très comme à la maison », très sécularisée, éloignée des normes liturgiques, pleine de rajouts verbaux du célébrant et en transmettant une doctrine qui souvent, en plus d’être fausse [du genre, si à la mode aujourd’hui, que tout défunt va directement au ciel (*)], décaféine jusqu’à des extrêmes incroyables. Je me rappelle dans le même sens d'une noce où le prêtre, au lieu de demander aux contractants « Êtes-vous disposés à recevoir de Dieu avec responsabilité et amour, les enfants et de les éduquer selon la loi du Christ et de son Église ? », leur a demandé: «Êtes-vous disposés à recevoir de Dieu avec responsabilité et amour les enfants et de les éduquer pour qu’ils soient de bonnes personnes ? ». Et bien ça, c’est ce qui s'appelle tout décaféiner.

Il n’y a rien à faire dans une célébration pour qu’un éloigné de l’Église s’y sente bien. La liturgie est ce qu’elle est et a une richesse immense que nous ne finissons pas de comprendre et de valoriser.

Un éloigné de l’Eglise, quand il y vient pour quoi que ce soit (baptême, communion, mariage, funérailles…), ce qu’il doit voir c’est une communauté qui croit en ce qui est célébré, un prêtre qui prend au sérieux la célébration, des lectures correctement proclamées, une homélie qui émeut les cœurs, une liturgie soignée, une église décorée avec de la beauté, de l’élégance, de la propreté, du respect. Rien de plus et rien de moins. La liturgie catholique célébrée correctement, impressionne.

En ce qui me concerne la seule chose que j’ajoute quand la présence d’éloignés de l’Eglise est notoire (ces célébrations spéciales auxquelles je fais réfèrence) c’est une petite annonce au début en rappelant que c’est une célébration religieuse dans une église catholique, et en demandant le silence, qu’on ne se promène pas dans église, que les téléphones portables doivent être éteints et avant que ne se termine la célébration, pas de caméras. Les gens habituellement le respectent.

Les éloignés de l’Eglise en sont éloignés mais ils ne sont pas idiots. Leur montrer une célébration super méga chouette, changer une lecture pour un texte d’un poète à la mode, faire la liturgie selon nos idées à nous, comme pour dire qu’au Vatican ce sont des rétrogrades (ndt et ne parlons pas des « tradis » !) mais que moi je suis un moderne, remplir la célébration de communications autant improvisées qu’inutiles, ou transformer l’homélie en quatre fois rien et une blague, cela ne convertit personne. Le plus qu’on obtient c’est que quelques uns disent : « Quel curé sympa, au moins il ne ressemble pas à un curé » (ce qui est pour que nous le pensions) et d’autres s’exclament directement : « quel idiot ».

-

(*) Je confirme ! Récemment j’évoquais avec une personne d’environ 70 ans le décès d’une autre personne particulièrement sympathique, et j’ai dit : « oh, même si c’est l’affaire du Bon Dieu, c’était vraiment une très brave personne et elle ne restera peut-être pas aussi longtemps que d’autres au Purgatoire ». Mon interlocuteur m’a rétorqué : «je croyais que le Purgatoire n’existait plus ». J’avoue m’être trouvée bête car je ne voulais pas blesser inutilement, alors j’ai dit : « oui, oui, le Purgatoire existe toujours, même si l’on en parle moins qu’avant. À ma connaissance, seule la Sainte Vierge est montée directement au Ciel… ». Comme quoi il faudrait avoir toujours sur soi un bon petite catéchisme de poche!