Un Congrès "Foi et économie" à Madrid

Une variante informelle du "Parvis des gentils", à Madrid: des réflexions sur la réponse chrétienne à la crise économique (avec une intervention de Victor Orbàn) et sur le rapport entre foi et raison, et le précieux apport du magistère de Benoît XVI. Traduction de Carlota (18/11/2012)

Le congrès « Catholiques et Vie publique », en ce moment à Madrid
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Les 16, 17 et 18 novembre 2012 se déroule à Madrid le XIVème congrès « Catholiques et Vie Publique », organisé par la Fondation Universitaire San Pablo "CEU" (Centre d’Études Universitaires).
Lors de l’ouverture officielle, était notamment présent le nonce apostolique en Espagne.
Voir le détail du programme en cliquant sur le bandeau ci-dessous.

J’ai traduit quelques résumés d’interventions
(Carlota)

     

a) La conférence « Espérance et Réponse chrétienne à la Crise» a vu les interventions de Jaime Mayor Oreja, ancien ministre espagnol et actuellement eurodéputé et vice-président du Parti Populaire au parlement européen, et du premier ministre hongrois Viktor Orban.

(original ici http://www.religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=26002)
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Le premier ministre de Hongrie, Viktor Orban, voit d’une façon particulièrement claire que la crise économique à laquelle est soumise l’Europe ne répond pas à une « conjoncture » mais qu’elle est la conséquence d’une crise d’ordre spirituelle. Concrètement, comme il l’a expliqué lors de son intervention […] ce qui arrive à l’Europe est un produit de l’oubli des valeurs chrétiennes qui ont été la base de sa prospérité. Ces valeurs ont fait du vieux continent une « puissance économique » grâce surtout au développement en des temps où il était conforme à des principes. Oui, le crédit existait, a dit Orban, mais même dans ce cas, il était soumis au « rabot » de la chrétienté.
Dans une Europe avec ces caractéristiques, dans une « Europe chrétienne », lui semble-t-il, les excès qui ont été à l’origine des actuelles difficultés n’auraient pas été possibles. « Une Europe chrétienne » aurait signalé que pour chaque euro demandé il faut le travail correspondant. Une Europe chrétienne n’aurait pas permis que des pays entiers s’enfoncent dans l’esclavage du crédit », a-t-il ajouté. Une situation de servitude dans laquelle « l’Espagne est très près de tomber », a déclaré Orban, juste avant de dire qu’il y avait deux manière de rendre esclaves les nations : « Avec l’épée ou avec le crédit ».

Le discours d’Orban a abouti à un appel à réaliser des politiques inspirées des fondements chrétiens. Politiques, en somme, qui aideraient « à en finir avec les charges liées à la crises » et qui différeraient de l’imposition à outrance de l’austérité, quelque chose qui « provoque la perte de confiance des gouvernés pour les gouvernements », ce qui implique le risque de « décomposition » de l’État et des certitudes.
Orban a exposé sa conviction que derrière toute économie qui réussit, il y a « une espèce de force motrice spirituelle ».
Il a cité les exemples actuels de l’Amérique ibérique, l’Inde, la Chine, en les associant au christianisme, hindouisme et bouddhisme respectivement. « Une Europe régie en conformité avec les valeurs chrétiennes se régénérerait » a-t-il souligné à la lumière de son raisonnement.
L’homme politique hongrois a aussi invoqué la légitimité du pouvoir politique, qui aujourd’hui se voit subjugué par la sévérité des conditions d’obtention de crédit, quelque chose qui « met en danger la souveraineté » et qui favorise une situation dans laquelle « les créanciers obligent à enlever de l’argent à ceux qui devraient en recevoir ».

Viktor Orban a été introduit par l’Eurodéputé Jaime Mayor Oreja qui a signalé le relativisme comme origine de la crise et un grand mal qui doit être combattu. « Le débat dans la décennie à venir ne va pas être strictement politique, entre la gauche et la droite traditionnelle. Le dénouement de la crise va nous conduire à un débat culturel de caractère anthropologique, dérivé de la conception de la personne que nous avons chacun ».

L’exemple de la trajectoire publique d’Orban est, pour Jaime Mayor Oreja, une expression de cet affrontement. La « tempête politique » déchaînée autour de sa personne n’est pas la réponse de l’opposition à des mesures concrètes mais celle des « porte-paroles du relativisme qui ne lui ont pas pardonné son courage dans la défense des valeurs et des racines chrétiennes de l’Europe » : « L’objectif c’était qu’il n’y ait aucun Vicktor Orban dans l’horizon européen ».

     

b) Débat « Foi, Raison et Vie »
(original ici http://www.religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=26008)

Les trois participants au débat « Foi, Raison et Vie » [Gabriel Albiac, professeur de philosophie de l’Université Cumplutense (de Madrid); Francisco Vázquez, ex-ambassadeur d’Espagne auprès du Saint Siège et ex-maire socialiste de la Corogne; et Javier Maróa Prades, recteur de l’Université ecclésiastique San Dámaso] ont été d’accord pour reconnaître le précieux apport du magistère de Benoît XVI au dialogue entre Foi et Raison.
Albiac a consacré une grande partie de son intervention à exposer la confluence dans une logique commune des traditions grecques et chrétiennes. Une convergence, qui d’après lui, est ce que l’actuel Souverain Pontife a voulu marquer à Ratisbonne. « L’alliance que Ratzinger a essayé de tracer est celle de la reconnaissance de la profonde identité de raisonnement entre la pensée grecque et le christianisme ».

Francisco Vázquez a argumenté sur une ligne analogue, soulignant les fondements profonds de l’Église, dont Benoît XVI fait la promotion. En fin de compte, cet effort amène à la conclusion que les principes en question sont, dans une large mesure, « des valeurs partagées par tous ». Tel est le danger que, d’après l’ex- ambassadeur, certains secteurs voient dans le Pape : « Ratzinger est attaqué car il a réarmé idéologiquement l’Église ».

Des désaccords entre les participants ont aussi surgi autour de l’interprétation différente qu’ont faite Albiac et Prades de la coïncidence entre la pensée classique et le christianisme. Pour le philosophe, les deux cultures étaient « soudées » par le point commun de la « tragédie ». Une tragédie qui provient du fait que « la réponse jamais n’arrive à épuiser la question. Ce qui nous fascine nous les non croyants c’est cette situation de blessure incurable du fait de ce combat avec Dieu, cette blessure que vivent les croyants, quoique peut-être nous nous trompons, » a dit Albiac.
Face à cette approche, Prades a évoqué, ce qui, selon lui, est un fait original chrétien : que la foi chrétienne est envers un Dieu « en contact avec la réalité », non conçu comme une divinité abstraite mais inséré dans les réalités terrestres. « Le christianisme a fait irruption dans le monde antique en un dialogue avec la philosophie plus qu’avec les religions parce qu’il avait la prétention d’être une lumière pour la compréhension de ce qui est réel », a-t-il précisé. C’est tellement vrai que Prades a été jusqu’à avertir : « ce qui serait très dangereux ce serait un Dieu qui n’aurait rien à voir avec la réalité ». Une façon de comprendre un Dieu de ce type amènerait à « la logique du ghetto » ou à « exercer la violence sur les autres ».

Et ce que Prades comprend c’est que c’est précisément dans le contraste avec l’expérience humaine que la foi déploie tout son potentiel pour la compréhension de l’existence. En ce sens, il voit les difficultés que pose la crise comme un défi, « une provocation » d’immenses possibilités pour l’homme. Cela se manifeste dans l’action sociale de l’Église, qui comme il le considère, ne sert pas qu’à résoudre des problèmes matériels mais à tracer le sillon pour l’action persuasive du témoignage. Il dit ainsi que quand: « une forme d’humanité avec les caractéristiques de l’Évangile se met en contact avec la réalité, s’ouvre alors un espace pour que la raison se dilate » (*).

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(*) Ndt : C’est ce qui rend toujours plus indispensable la prédication pleine et entière de l’Évangile qui ne doit surtout pas se camoufler derrière une fausse normalité pour soi-disant toucher le plus grand nombre. La charité n’est aussi possible que dans la cohérence et la vérité, en dénonçant tous les mensonges même les plus sophistiqués.