Un préfet à coeur ouvert

Le dernier billet de Restàn est consacré à l'interviewe de Mgr Müller dans l'Osservatore Romano. Traduction de Carlota (28/7/2012)

>>> Article original en espagnol:
www.paginasdigital.es
>>> Voir aussi:
Document: une interviewe de Mgr Müller dans l'OR

Un préfet à cœur ouvert: c’est très beau.
José Luis Restán
27/07/2012
-----------------------
"La foi commence avec des rencontres personnelles, en commençant par les parents, les prêtres, les amis, dans la paroisse, dans le diocèse, dans la grande famille de l’Église universelle…et elle ne doit jamais craindre la confrontation intellectuelle, parce que nous n’avons pas une foi aveugle…c’est une relation personnelle avec Dieu qui porte avec soi tous les trésors de la sagesse… Je souhaite à tous d’avoir une expérience comme la mienne : s’identifier d’une manière simple et non pas problématique avec la foi catholique et la pratiquer. C’est très beau”.

Celui qui parle ainsi c’est Gerhard Ludwig Müller, le nouveau Préfet pour la Doctrine de la Foi qui récemment atterri dans son nouveau lieu de séjour romain. Dans ce premier grand entretien public publié par l’Osservatore Romano, Müller parle à cœur ouvert, avec l’équilibre et l’absence de complexes si typiques du catholicisme rhénan. Et il fait référence à l’empreinte romaine dans le cœur de l’antique Germanie, particulièrement visible autour de Mayence. « C’est quelque chose qui nous a laissé une empreinte », reconnaît-il, peut-être en faisant référence au mythe de l’opposition instinctive des Allemands face à Rome. Ensuite il décrit avec simplicité l’éducation reçue de ses parents (lui, ouvrier chez Opel : elle, mère au foyer). Une proposition claire, sans extravagances ni exagérations, un développement tranquille à l’intérieur d’une foi joyeuse et simple qui avait à voir avec tous les aspects de la vie.

C’est très intéressant de découvrir cette « mélodie » de la foi dans la trajectoire du Préfet. « La foi se caractérise par une ouverture maximale…notre raison finie est toujours en mouvement vers le Dieu infini…Nous pouvons toujours apprendre quelque chose de nouveau et comprendre avec une plus grande profondeur la richesse de la Révélation, jamais nous ne pourrons l’épuiser ». Dans la conception dynamique qui a caractérisé le bienheureux Newman et qu’incarne également le Pape Ratzinger, qui le 15 juillet dernier disait à l’Angélus que « en Jésus Dieu a tout dit et tout donné, mais étant donné que Lui est un trésor inépuisable, l’Esprit Saint n’en finit pas de révéler et d’actualiser son mystère. C’est pour cela que l’œuvre du Christ et de l’Église ne recule jamais, mais progresse toujours ». Peut-être un message à l’unisson pour les membres de la Fraternité Saint Pie X et leur vision congelée (*) de la Tradition.

Naturellement Müller parle aussi de son nouvel emploi et reconnaît le danger que le bruit généré par les polémiques de groupes « qui penchent à gauche ou à droite », « nous fasse perdre de vue notre tâche principale : annoncer l’Évangile de Jésus Christ comme une réponse aux grandes questions de l’homme de notre temps. Müller n’a pas peur de la polémique et il soutient sans ambages que la vision séculaire et immanentiste (ndt de ce qui est par lui-même et à l’intérieur de lui-même) est radicalement insuffisante. À un moment de l’entretien il pose la question « aux athées et aux ennemis de l’Église de s’interroger avec un esprit d’autocritique de savoir s’ils ont eu mêmes des moyens de salut à offrir à l’homme d’aujourd’hui ». Au contraire l’Église doit « redécouvrir et faire resplendir de nouveau la foi comme une puissance positive et comme une force d’espérance ».

Il y avait de la curiosité pour la fameuse affaire des sympathies du nouveau Préfet envers la Théologie de la Libération, une question qui a fait courir des fleuves d’encre. Et de nouveau il démontre son style franc et direct : « un jeune catholique de Mayence et j’en ressens de la fierté ». Il raconte sa rencontre avec Gustavo Gutiérrez au Pérou et sa compréhension pour l’inquiétude sur la façon de parler de l’amour et de la miséricorde de Dieu face à la souffrance de tant de personnes qui manquent d’alimentation, d’eau et qui ne savent pas comment offrir un avenir à leurs propres enfants. Une question sérieuse à laquelle on a offert des réponses justes et erronées, que le Magistère de l’Église a du discerner. Évidemment Müller rejette le méli-mélo de l’auto-rédemption marxiste avec le salut que Dieu nous offre, mais il évalue l’effort de montrer comment la foi est un facteur décisif pour le véritable développement. Quelque chose qu’il a expérimenté personnellement sur le terrain en Afrique et en Amérique, et non pas comme une simple réflexion intellectuelle.

Nous consacrerons un dernier point de ce large et substantiel entretien à sa relation avec Benoît XVI, qui a été pour lui un point de référence et plus encore : « un ami paternel ». Il raconte que lorsqu’en 1968 a été publié « L’introduction au christianisme » de Ratzinger, lui et ses compagnons, l’ont absorbé comme des éponges, parce que dans beaucoup de domaines ecclésiaux l’incertitude régnait. Dans ce livre « la profession de foi de l’Église est exposé de façon convaincante, analysée avec l’aide de la raison et expliquée avec maestria ». De fait le lien entre la foi et la raison est la clef de toute l’œuvre théologique de Joseph Ratzinger et sûrement du pontificat de Benoît XVI. Habemus Prefectum (*) mais pas seulement. Un grand collaborateur près du Pape, un témoin de la foi amie de la raison, et un homme qui n’a pas peur des attaques de son temps.

-

Notes de traduction

(*) « Congelée » : c’est un adjectif qui ne reflète peut-être pas la complexité de l’engagement de nombreux prêtres et fidèles de la FSSPX au-delà du monde « traditionnaliste » catholique romain en général, un monde qui forme actuellement près de 20% des séminaristes français (FSSPX et instituts Ecclesia Dei), alors que le nombre d’églises laissées par les évêques français au culte catholique romain de la forme extraordinaire est peut-être d’un pour cent. José María Restán n’a pas forcément cette vision depuis son pays et sa sensibilité est plus « communautés nouvelles ». L’Espagne et la France ont un vécu et des sensibilités différentes, - tout comme l’Allemagne d’ailleurs, et c’est naturel.

(**) pour les non « congelés » et les non spécialiste du latin, Habemus prefectum , « nous avons un Préfet », clin d’œil aussi au Habemus Papam , phrase prononcée dans la langue de l’Église catholique romaine quand la fumée blanche sort de la cheminée du conclave, à l’élection du Pape.