Vatileaks: vers le dénouement? (II)

Selon Andrea Tornielli. Voir l'article original ici: La prima verità sui Vatileaks (14/8/2012)

>> Vatileaks: vers le dénouement?

Le bureau de presse du Vatican a rendu public lundi 13 août le texte du réquisitoire et du renvoi en procès pour vol du majordome Paolo Gabriele, 46 ans, qui a avoué avoir photocopié des documents confidentiels du secrétariat particulier de Benoît XVI et les avoir remis personnellement au journaliste Gianluigi Nuzzi , qui les a utilisés au cours de deux épisodes de l'émission «Les intouchables» sur La 7 et en a ensuite tiré un livre, «Sua Santità. Le carte segrete di Benedetto XVI» (Sa Sainteté. Les documents secrets de Benoît XVI).

Une première nouveauté est l'existence d'un deuxième suspect, un technicien en informatique de la secrétairerie d'Etat, Claudio Sciarpelletti , qui est inculpé seulement pour complicité: le jugement montre que son arrestation - qui a eu lieu le 25 mai au Vatican et a duré une seule journée - est motivé par le fait qu'on a trouvé en sa possession une enveloppe contenant des documents relatifs aux enquêtes de la gendarmerie du Vatican (qui ont terminé dans le livre Nuzzi) et qu'il ait donné des versions contradictoires au sujet de sa rencontre avec Paolo Gabriele.

Une autre nouveauté est le père spirituel de Gabriele, dont le nom - comme celui d'autres témoins entendus - n'est pas divulgué, mais est indiqué par une initiale ("B"): le majordome du pape lui a remis une caisse de documents (sans doute les mêmes donnés à Nuzzi). Le prêtre l'a gardée, mais a ensuite décidé de tout détruire, en réalisant - mais pas immédiatement - la gravité de l'infraction et la sensibilité de la matière. En outre, ce même directeur spirituel aurait conseillé dans un premier temps au maître d'hôtel de nier ses responsabilités et de les admettre seulement devant le pape.

Ce qui est également intéressant, c'est le récit - contenu dans l'acte d'accusation - que Paolo Gabriele a fait sur les motivations qui l'ont amené à prendre contact avec Gianluigi Nuzzi. Le majordome a dit qu'il avait été impressionné par le premier livre du journaliste, «Vaticano SPA», (ndt: traduit en français sous le titre Vatican S.A.) basé sur l'archive de Mgr Dardozzi et entièrement axé sur l'IOR et des affaires financières du Vatican, et d'avoir pris connaissance par Internet que Nuzzi préparait une émission intitulée «Les intouchables». Il a ensuite trouvé l'adresse de la rédaction romaine de l'émission et a contacté le journaliste, le rencontrant en personne à plusieurs reprises, dans un appartement du Viale Angelico, où a eu lieu l'interviewe camouflée que le majordome lui-même a admis avoir donnée.

L'enquête est close en ce qui concerne le renvoi en jugement pour vol aggravé (Gabriele) et corruption (Sciarpelletti), mais se poursuit en ce qui concerne d'autres hypothèses de délits plus graves (crimes contre l'État; crimes contre les pouvoirs de l'État; diffamation des institutions de l'État; calomnie; diffamation; vol aggravé; délit en bande organisée; inviolabilité des secrets), et continue donc à l'égard de la divulgation des documents et d'autres personnes impliquées à divers titres.

Une autre histoire frappante concerne la découverte à la maison de Gabriele, au cours de la perquisition effectuée par les gendarmes le 23 mai, en plus de plusieurs documents confidentiels, d'un chèque de 100 mille euros payables à «Santidad Benedicto XVI», don de l'Université catholique San Antonio Guadalupe (ndt: il s'agit évidemment d'un don pour la charité du pape, et il aurait été bien que cela soit précisé, que fait le nouveau "spin doctor"?). Le chèque est daté du 26 Mars, 2012. En outre, dans la maison du majordome papal ont été trouvés une pépite d'or et un ouvrage de valeur, du XVIe siècle, la traduction de l'Enéide par Annibal Caro, imprimé à Venise en 1581: là aussi, il s'agissait de cadeaux destinés au Pape. Concernant le livre, Paolo Gabriele a dit aux magistrats du Vatican qu'il avait demandé secrétaire du Pape la permission de le ramener chez lui pour le montrer au professeur de son fils, qui venait de commencer la lecture de l'Enéide en classe.

L'acte d'accusation du promoteur de justice Nicola Picardi, et la sentence de renvoi en jugement du juge instructeur du procès Piero Antonio Bonnet informent aussi de l'existence de deux expertises psychiatriques différentes de Paolo Gabriele, qui fournissent un profil psychologique problématique de l'accusé, se réfèrant à sa "suggestibilité". Dans tous les cas, le majordome, selon le tribunal du Vatican reste coupable. Fait intéressant, plusieurs témoins - parmi eux don Georg Gänswein - ont attesté la bonne réputation qui entourait Gabriel et sa religiosité, confirmant ainsi la surprise de ses responsabilités (ndt: j'ai lu le document, et le jugement de Mgr Gänswein me paraît plutôt réservé...). Le majordome, comme un motif de ses actes, a répété son désir d'aider le pape, qui, selon lui n'était pas «bien informé» de ce qui se passait au Vatican . Gabriel a également affirmé qu'il se sentait «un infiltré du Saint-Esprit».

Alors qu'il est clair à partir des initiales et des faits rapportés qu'il y a d'autres personnes impliquées à des titres divers (le père Federico Lombardi lui-même, lors du briefing aujourd'hui, a rappelé que des documents ont été divulgués et publiés après l'arrestation de Gabriele, une référence possible aux pages de la Rpubblica du 3 Juin dernier), rien ne se dégage de l'acte d'accusation et du jugement sur la possibilité d'instigateurs moraux de l'opération "Vatileaks" qui peuvent avoir en quelque sorte influencé le principal et jusqu'ici unique accusé du vol. Il est possible que cela soit l'objet d'enquêtes futures, tandis qu'il est probable que les détails sur l'environnement dans lequel l'événement a mûri sont inclus dans l'enquête menée par les trois cardinaux nommés par le pape Benoît XVI pour faire la lumière sur la question.

Une note finale, plus «médiatique»: dans le jugement et dans les morceaux de l'interrogatoire de Paolo Gabriele, on parle toujours et seulement de Nuzzi, de l'émission de La7, du livre de la Nuzzi lui-même, et jamais du journal "Il Fatto Quotidiano" qui, dans les premiers mois de cette année a publié plusieurs documents, dont beaucoup se sont retrouvés par la suite dans l'essai du journaliste de La7.