Brūler les étapes, c'est brūler l'amour

(rappel): Discours aux fiancés, le 11 septembre 2011, à Ancône (11/9/2012)

Le dimanche 11 septembre 2011, il y a juste un an, le Saint-Père était à Ancône, pour céléber la clôture du Congrès Eucharistique italien (cf. http://benoit-et-moi.fr/ete2011).

Il s'est en particulier adressé aux jeunes fiancés, et le discours qu'il leur a adressé mérite de rester dans les annales, du "magistère pontifical en direction des jeunes"

Cet article n'a rien à voir avec la rubrique "Nostalgie", je suis re-tombée sur lui au hasard d'une recherche, et ce n'est qu'après que j'ai lu la date du 11 septembre. Coïncidence providentielle.
Je recopie ci-dessous ma traduction d'alors.

Chers fiancés !

Je suis heureux de conclure cette journée intense, point culminant du Congrès eucharistique national, en vous rencontrant, comme pour confier l'héritage de cet événement de grâce à vos jeunes vies. Du reste, l'Eucharistie, don du Christ pour le salut du monde, indique et contient l'horizon le plus vrai de l'expérience que vous vivez: l'amour du Christ comme plénitude de l'amour humain.
Je remercie l'Archevêque d'Ancône-Osimo, Mgr Edoardo Menichelli, pour son salut cordial, et vous tous pour votre participation vivante; merci aussi pour les questions que vous m'avez posées et que j'accueille confiant dans la présence parmi nous du Seigneur Jésus: Lui seul a les paroles de la vie éternelle, paroles de vie pour vous et votre avenir!

Celles que vous posez sont des questions qui, dans le contexte social actuel, assument un poids encore plus grand. Je voudrais seulement vous offrir quelque orientation pour une réponse.
À certains égards, notre époque n'est pas facile, surtout pour vous les jeunes. La table est dressée avec tant de choses délicieuses, mais, comme dans le récit évangélique des noces de Cana (ndt: c'est la lecture qui ouvrait la rencontre), il semble que le vin de la fête soit venu à manquer. Surtout, la difficulté de trouver un emploi stable étend un voile d'incertitude sur l'avenir. Cette condition contribue à reporter la prise de décisions définitives, et affecte de façon négative la croissance de la société, qui ne réussit pas à valoriser pleinement la richesse d'énergies, de compétences et de créativité de votre génération. Il manque aussi le vin de la fête à une culture qui a tendance à faire abstraction de critères moraux clairs: dans la désorientation, chacun est poussé à se mouvoir de manière individuelle et autonome, souvent dans le seul périmètre du présent.
La fragmentation du tissu communautaire se reflète dans un relativisme qui attaque les valeurs essentielles: l'harmonie de sensations, d'états d'âme et d'émotions semble plus important que le partage d'un plan de vie. Même les choix fondamentaux deviennent alors fragiles, exposés à une perpétuelle révocabilité, qui est souvent considérée comme une expression de la liberté, mais qui en souligne plutôt la carence. L'apparente exaltation du corps, qui en réalité banalise la sexualité et tend à la faire vivre en dehors d'un contexte de communion de vie et d'amour, appartient elle aussi à une culture où manque le vin de la fête.

Chers jeunes, n'ayez pas peur de relever ces défis! Ne perdez jamais l'espérance. Ayez du courage, même dans les difficultés, tout en restant fermes dans la foi. Soyez certains qu'en toutes circonstances, vous êtes aimés et protégé par l'amour de Dieu qui est notre force. Il est donc important que la rencontre avec lui, surtout dans la prière personnelle et communautaire, soit constante, fidèle, comme l'est le chemin de votre amour: aimer Dieu et sentir qu'il m'aime. Rien ne peut nous séparer de l'amour de Dieu! Soyez certains, alors, que l'Eglise est proche de vous, vous soutient, ne cesse de vous regarde avec une grande confiance. Elle sait que vous avez soif de valeurs, les vraies, celles sur lesquelles cela vaut la peine de construire votre maison!
La valeur de la foi, de la personne, de la famille, des relations humaines, de la justice. Ne vous découragez pas devant les carences qui semblent éteindre la joie sur la table de la vie. Aux noces de Cana, quand le vin vint à manquer, Marie invita les serviteurs à se tourner vers Jésus et leur donna une indication claire: «Faites tout ce qu'il vous dira» (Jn 2,5). Mettez à profit ces mots, les derniers de Marie rapportés dans les Évangiles, comme son testament spirituel, et vous aurez toujours la joie de la fête: Jésus est le vin de la fête!
Comme fiancés, vous vous trouvez vivre une saison unique, qui ouvre à l'émerveillement de la rencontre et de découvrir la beauté d'exister et d'être précieux à quelqu'un, de pouvoir vous dire réciproquement : tu es important pour moi. Vivez ce chemin avec intensité, gradualité et vérité.
Ne renoncez pas à poursuivre un idéal élevé d'amour, reflet et témoignage de l'amour de Dieu!

Mais comment vivre cette étape de votre vie, témoigner l'amour dans la communauté?
Je voudrais vous dire tout d'abord d'éviter la fermeture dans les relations d'intimité, faussement rassurantes; faites plutôt en sorte que votre relation devienne le levain d'une présence active et responsable dans la communauté. N'oubliez pas, ensuite, que pour être authentique, l'amour aussi a besoin d'un processus de maturation: à partir de l'attraction initiale, du «se sentir bien» avec l'autre, apprenez à «vouloir du bien» (traduction littérale de l'expression 'voler bene', qui signifie 'aimer') à l'autre, à «vouloir le bien» de l'autre. L'amour vit de gratuité, de sacrifice de soi, de pardon et le respect de l'autre.

Chers amis, tout amour humain est un signe de l'Amour éternel qui nous a créés, et dont la grâce sanctifie le choix d'un homme et d'une femme de se livrer réciproquement leurs vies dans le mariage. Vivez ce temps des fiançailles dans l'attente confiante de ce don qui doit être accueilli en parcourant un chemin de connaissance, de respect, d'attentions que vous ne devez jamais perdre: ce n'est qu'à cette condition que le langage de l'amour restera significatif, même avec le passage des années. Eduquez-vous, ensuite, dès maintenant, à la liberté de la fidélité, qui conduit à se garder l'un l'autre, jusqu'à vivre l'un pour l'autre.
Préparez-vous à choisir avec conviction le «pour toujours» qui signe l'amour: l'indissolubilité, avant d'être une condition, est un don qui doit être désiré, cherché et vécu au-delà de toutes les situations humaines changeantes.
Et ne croyez pas, selon une mentalité répandue que la cohabitation est une garantie pour l'avenir. Brûler les étapes finit par «brûler» l'amour, qui au contraire a besoin de respecter les temps et la gradualité dans les expressions (ndt: ce passage a été très applaudi!); il a besoin de faire de la place au Christ, qui est capable de rendre un amour humain fidèle, heureux et indissoluble.

La fidélité et la continuité de votre amour vous rendront également capables d'être ouverts à la vie, d'être parents: la stabilité de votre union dans le sacrement du mariage permettra aux enfants que Dieu voudra vous donner de grandir confiants en la bonté de la vie. Fidélité, indissolubilité et transmission de la vie sont les piliers de toute famille, vrai bien commun, patrimoine précieux pour la société tout entière. Dès maintenant, fondez sur cette base votre chemin vers le mariage et témoignez-en à vos amis: il s'agit d'un service précieux! Soyez reconnaissant envers ceux qui, avec engagement, compétence et disponibilité, vous accompagnent dans la formation: ils sont un signe de l'attention et du soin que la communauté chrétienne vous réserve. Vous n'êtes pas seuls: recherchez et accueillez d'abord la compagnie de l'Église.

Je voudrais revenir encore sur un point essentiel: l'expérience de l'amour a en elle la tension vers Dieu. L'amour vrai promet l'infini! Faites donc de votre temps de préparation au mariage un itinéraire de foi: redécouvrez pour votre vie de couple la centralité de Jésus-Christ et de marcher dans l'Eglise.

Marie nous enseigne que le bien de chacun dépend de la docilité à écouter la parole du Fils. En ceux qui se confient en Lui, l'eau de la vie quotidienne se transforme en le vin de l'amour qui rend la vie bonne, belle et fructueuse. Cana, en effet, est l'annonce et l'anticipation du don du vin nouveau de l'Eucharistie, sacrifice et banquet où le Seigneur nous rejoint, nous renouvelle et nous transforme. Ne perdez pas l'importance vitale de cette rencontre: que l'assemblée liturgique dominicale vous trouvent pleinement participants: de l'Eucharistie jaillit le sens chrétien de l'existence et une nouvelle façon de vivre.
Vous n'aurez pas peur, alors, d'assumer la responsabilité exigeante du choix conjugal; vous n'aurez pas peur d'entrer dans ce «grand mystère», dans lequel deux personnes deviennent une seule chair (cf. Ep 5:31-32).

Très chers jeunes, je vous confie à la protection de saint Joseph et de Marie Très Sainte; suivant l'invitation de la Vierge Mère - «vous ferez tout ce qu'il vous dira» - vous ne manquerez pas du goût de la vraie fête et vous saurez apporter le «vin» meilleur, celui que le Christ donne à l'Église et au monde.
Je voudrais vous dire que moi aussi je suis proche de vous et tous ceux qui, comme vous, vivent ce merveilleux chemin de l'amour. Je vous bénis de tout mon coeur!