Concert pour la fête de Saint Benoit

Daniel Baremboim dirige les Ve et VIe symphonies de Beethoven à Castelgandolfo.
"De la multiplicité des timbres d'instruments différents, peut sortir une symphonie". Le discours du Saint-Père (11/7/2012)

A l'occasion de la fête de Saint Benoît, le Pape a assisté dans la cour du palais pontifical de Castelgandolfo, en présence de Giorgio Napolitano, à un concert donné en son honneur par le West-Eastern Divan Orchestra dirigé par Daniel Barenboïm. Un orchestre composé de musiciens juifs, chrétiens et musulmans en provenance notamment d’Israël, des Territoires palestiniens, de Syrie, du Liban et d’Iran.
A l'issue du concert, le Pape a prononcé un discours, où il s'est servi une fois de plus de la métaphore musicale, pour illustrer l'engagement pour la paix. Un thème qui anticipe son prochain voyage au Liban.
Texte en italien (Raffaella)
Ma traduction.

Monsieur le Président,
Vénérés Frères,
Mesdames et Messieurs,



Nous avons vécu un moment d'écoute très intense et enrichissante pour notre esprit, et nous en rendons grâce au Seigneur.
Je tiens à exprimer ma vive gratitude au Maestro Daniel Barenboim et aux musiciens du West-Eastern Divan Orchestra, qui au cours de leur tournée estivale ont aimablement voulu m'offrir ce concert, en ce jour de la fête de saint Benoît.
Ainsi, non seulement ils m'ont permis d'apprécier en personne leur excellente exécution, mais aussi de participer plus directement à leur parcours, initié il y a treize ans par vous, Maestro, avec le regretté Sir Edward Saïd (ndt: http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Said , 1935-2003, théoricien littéraire, critique et intellectuel palestino-américain né à Jérusalem de parents chrétiens. Il a fondé avec son ami le chef d'orchestre argentin et israélien Daniel Barenboïm une fondation visant à promouvoir la paix au Proche-Orient par le biais de la musique classique, grâce à la formation d'un orchestre symphonique composé d'Israéliens et d'Arabes : l'Orchestre Divan occidental-oriental).
Je salue cordialement le Président de la République italienne, M. Giorgio Napolitano, que je remercie de sa présence, et d'avoir encouragé cette initiative. Et mon "merci" va également au cardinal Ravasi, qui a introduit le concert avec trois citations belles et significatives. J'étends mes salutations aux autres Autorités et à vous tous, chers amis,.
Vous pouvez imaginer à quel point je suis heureux d'accueillir un orchestre comme celui-ci, qui est fondé sur la conviction, et même l'expérience que la musique rassemble les gens, au-delà de chaque division; parce que la musique est harmonie des différences, comme c'est le cas chaque fois que commence un concert avec le «rituel» de l'accord.
De la multiplicité des timbres d'instruments différents, peut sortir une symphonie. Mais cela n'arrive pas par magie ou automatiquement! Cela ne se réalise que grâce aux efforts du chef d'orchestre et de chaque musicien. Un engagement patient, laborieux, qui réclame beaucoup de temps et de sacrifices dans l'effort de s'écouter les uns les autres, évitant tout vedettariat excessif et donnant la priorité à la meilleure réussite de l'ensemble.

Tout en exprimant ces pensées, l'esprit se tourne vers la grande symphonie de la paix entre les peuples, qui n'est jamais complètement réalisée.
Ma génération, comme celle des parents du Maestro Barenboim, a vécu les tragédies de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah. Et il est très significatif que vous, Maestro, après avoir atteint les objectifs les plus élevés pour un musicien, ayez voulu donner vie à un projet comme celui du West-Eastern Divan Orchestra, un groupe dans lequel jouent ensemble des musiciens Israéliens, Palestiniens et d'autres pays arabes; des personnes de religion juive, musulmane et chrétienne. Les nombreuses récompenses qui ont été accordées à vous et à cet Orchestre démontrent dans le même temps, l'excellence professionnelle et l'engagement éthique et spirituel. Nous l'avons encore entendu ce soir, en écoutant les Cinquième et Sixième Symphonies de Ludwig von Beethoven.

Dans ce choix, dans cette approche, nous pouvons aussi voir un sens qui nous intéresse.
Ces deux très célèbres symphonies expriment deux aspects de la vie: la tragédie et la paix, la lutte de l'homme contre le destin adverse, et la plongée apaisante dans l'environnement bucolique. Beethoven a travaillé sur ces deux œuvres, en particulier leur achèvement, presque simultanément. Tant et si bien qu'elles ont été exécutées pour la première fois ensemble - comme ce soir - dans le concert mémorable du 22 Décembre 1808, à Vienne.
Le message que je voudrais en tirer aujourd'hui est le suivant: pour parvenir à la paix, il faut s'engager, laissant de côté la violence et les armes, s'engager avec la conversion personnelle et communautaire, avec le dialogue, avec la patiente recherche d'arrangements possibles.

Remercions donc de tout cœur le Maestro Barenboim et le West-Eastern Divan Orchestra de nous avoir rendu témoignage de cette voie.
A chacun d'eux, les voeux et la prière de continuer à semer dans le monde l'espoir de la paix à travers le langage universel de la musique.
Merci et bonne soirée à tous!