Discours aux membres de l’Internationale démocrate

... ex-chrétienne. Le Saint-Père cite l'avertissement du Livre de la Sagesse, selon lequel «le jugement est sévère contre ceux qui sont en haut» (22/9/2012)

Le Saint-Père a reçu hier matin à Castelgandolfo une délégation de quelques 110 personnes venues du monde entier, participants à la rencontre de l’Internationale démocrate centriste (ex Internationale démocrate chrétienne), dont en France l'UMP est membre.
Voir la notice wikipedia.

On notera que d'emblée, dans le discours prononcé en italien, le pape n'utilise pas le nouveau nom de l'Organisation, dont le qualificatif "chrétien" a été courageusement remplacé par un tiède "centriste".
Le ton est exceptionnellement ferme: le Saint-Père cite l'avertissement du Livre de la Sagesse, selon lequel «le jugement est sévère contre ceux qui sont au-dessus».
Je ne veux pas parler à sa place, mais il me semble que l'élément central est "la dignité inaliénable de la personne humaine" (et donc le respect de la vie, la famille, le mariage), et que les symptômes (parmi lesquels la crise économique) passent au second plan, voire sont carrément ignorés (l'environnement...)

Texte original: http://press.catholica.va
Ma traduction.

Je suis très heureux de vous recevoir au cours des travaux du Comité exécutif de l'Internationale démocrate chrétienne. Je voudrais, tout d'abord, adresser mes salutations cordiales aux nombreuses délégations provenant de tant de pays à travers le monde ...

Un lustre (cinq ans) s'est écoulé depuis notre dernière rencontre, durant lequel l'engagement des chrétiens dans la société n'a pas cessé d'être un fermant vivace pour améliorer les relations humaines et les conditions de vie. Cet engagement ne doit pas connaître de flexion ou de repli, mais au contraire doit être offert avec une vitalité renouvelée, compte tenu de la persistance et, dans certains cas, l'aggravation des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

La situation économique actuelle revêt une importance croissante, sa complexité et sa gravité inquiétent à juste titre. Pourtant, face à cette situation, les chrétiens sont appelés à agir et à s'exprimer avec un esprit prophétique - c'est-à-dire capable de voir dans ces transformations la présence incessante autant que mystérieuse de Dieu dans l'histoire - et assumant ainsi avec réalisme, confiance et espoir les nouvelles responsabilités émergentes. «La crise actuelle nous oblige à reconsidérer notre chemin, à nous donner de nouvelles règles et à trouver de nouvelles formes d'engagement, devenant ainsi une occasion de discernement, et de nouvelle vision pour l'avenir » (enc. Caritas in veritate , 21).

C'est dans cet esprit, confiant et non pas résigné, que l'engagement civil et politique peut recevoir un nouvel élan et une nouvelle impulsion à la recherche d'un fondement éthique solide, dont l'absence dans l'économie a contribué à créer la crise financière mondiale actuelle (discours à Westminster Hall , Londres, 17 Septembre 2010).
La contribution politique et institutionnelle dont vous êtes porteurs ne pourra donc pas se limiter à répondre aux urgences d'une logique de marché, mais devra continuer à assumer comme élément central et incontournable la poursuite du bien commun, correctement compris, ainsi que la promotion et la protection des la dignité inaliénable de la personne humaine.
Résonne aujourd'hui plus que jamais d'actualité l'enseignement du Concile selon lequel « dans l'ordonnancement des choses, on doit ajuster l'ordre aux personnes et non l'inverse» ( Gaudium et Spes , 26). Un ordre, celui des personnes qui «a pour fondement la vérité, s'édifie dans la justice» et «est animé par l'amour» ( Catéchisme de l'Église Catholique , 1912) et dont le discernement ne peut pas se faire sans une attention constante à la Parole de Dieu et au Magistère de l'Eglise, en particulier de la part de ceux qui, comme vous, inspirent leur activité aux principes et aux valeurs chrétiennes.

Malheureusement, les offres de réponses hâtives, superficielles et privées de souffle aux besoins les plus fondamentaux et profonds de la personne sont nombreuses et bruyantes. Cela nous fait considérer comme tristement actuel l'avertissement de l'Apôtre, quand il met en garde son disciple Timothée contre le jour «où ils ne supporteront plus la saine doctrine, mais, à condition d'entendre quelque chose, les hommes s'entoureront de maîtres selon leurs caprices, refusant d'écouter la vérité pour se perdre derrière les fables »(2 Tm 4:3).

Les domaines dans lesquels s'exerce ce discernement décisif sont justement ceux qui concernent les intérêts les plus vitaux et délicats de la personne, là où ont lieu les décisions fondamentales concernant la signification de la vie et la poursuite de la félicité. Ces domaines, par ailleurs, ne sont pas séparés, mais profondément liés, puisque subsiste entre eux un évident continuum constitué par le respect de la dignité transcendante de la personne humaine (cf. Catéchisme de l'Église Catholique , 1929), enracinée dans son être image du Créateur et fin ultime de toute justice sociale authentiquement humaine.
Le respect de la vie à toutes ses ses phases, de la conception à sa fin naturelle - d'où le rejet de l'avortement provoqué, de l'euthanasie et de chaque pratique eugéniste - est un engagement qui s'entrecroise en effet avec celui du respect du mariage, comme union indissoluble entre un homme et une femme et comme fondement, à son tour, de la communauté de vie familiale.
C'est dans la famille «fondée sur le mariage et ouverte à la vie» ( Discours aux Autorité, Milan, 2 Juin 2012), que la personne expérimente le partage, le respect et l'amour gratuit, recevant en même temps - de l'enfant aux malades et aux personnes âgées - la solidarité dont il a besoin. Et c'est toujours la famille qui constitue le principal et le plus incisif lieu d'éducation de la personne, à travers les parents qui se mettent au service des enfants pour les aider à tirer (« e-ducere ») le meilleur d'eux-mêmes. La famille, cellule originelle de la société, est donc la racine qui nourrit non seulement l'individu, mais aussi le fondement même de la coexistence sociale. A juste titre, donc le bienheureux Jean-Paul II avait inclus parmi les droits de l'homme «le droit de vivre dans une famille unie et dans un climat moral favorable au développement de sa personnalité» (Encyclique Centesimus Annus , 44).

Un authentique progrès de la société humaine ne pourra donc pas se faire sans des politiques de protection et de promotion du mariage et des communautés qui en dérivent, politiques qu'il reviendra non seulement aux Etats, mais aussi à la communauté internationale elle-même d'adopter en vue d'inverser la tendance à l'isolement croissant de l'individu, source de souffrance et d'aridité à la fois pour l'individu et pour la communauté elle-même.

Mesdames et Messieurs, s'il est vrai que de la défense et de la promotion de la dignité de la personne humaine «sont rigoureusement et de façon responsable débiteurs les hommes et les femmes à tous les moments de l'histoire» ( Catéchisme de l'Église Catholique , 1929), il est tout aussi vrai que cette responsabilité concerne en particulier ceux qui sont appelés à jouer un rôle de représentation. Eux, surtout s'ils sont animés par la foi chrétienne, doivent être «capables de transmettre aux générations de demain des raisons de vivre et d'espérer» (Gaudium et Spes, 31). Résonne utilement dans ce sens, l'avertissement du Livre de la Sagesse, selon lequel «le jugement est sévère contre ceux qui sont au-dessus» ( Sg 6:5); avertissement donné, non pas pour effrayer, mais pour inspirer et encourager les gouvernements, à chaque niveau, à réaliser toutes les possibilités de bien dont ils sont capables, selon la mesure et la mission que le Seigneur a confiée à chacun d'eux.

Je souhaite donc à chacun de vous de poursuivre avec enthousiasme et décision, dans l'engagement personnel et public, et je vous assure de mon souvenir dans la prière pour que Dieu vous bénisse, vous et votre famille.
Je vous remercie de votre attention.