La paix n'est pas une utopie: elle est possible

Hier a été publié le message du Pape pour la journée mondiale de la paix. Une "petite encyclique". Premier grand texte pontifical post-twitter. Comment trouver en équilibre entre les partisans des 140 caractères, et ceux qui "interdisent" de le fractionner? (15/12/2012)

Vers le Texte intégral
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Une petite encyclique

Hier a été publié le message du Pape pour la journée mondiale de la paix.
Dans son éditorial sur l'OR, Gian Maria Vian (http://www.news.va/fr/news/comme-une-petite-encyclique) fait observer à juste titre: En raison de sa vision étendue, on a tenté de qualifier de petite encyclique le message pour la Journée mondiale de la paix.

Autant dire qu'on ne peut pas le résumer en quelques formules lapidaires, et qu'il faut bien sûr le lire en entier, ce que personne n'est empêché de faire, puisque le texte est librement et intégralement disponible sur le site du Vatican dans les différentes langues (www.vatican.va).
A cet égard, il semble que les limites de Twitter et de la "communication" gérée par le spin doctor aient éclaté au grand jour. Mon amie Raffaella est particulièrement sévère, et parle de débâcle communicative. Elle constate, faisant allusion aux titres de la presse italienne, honteux, au point que le Père Lombardi a dû remettre les pendules à l'heure:

Cela n'a pas de sens de présenter un message aussi complexe sans l'expliquer et laisser les gens se déchaîner contre le Pape, allant jusqu'à l'annoncer de fomenter la violence sans prononcer une parole: il y en a même qui l'accusent d'avoir "béni" la peine de mort pour les homosexuels en Ouganda". Et le Vatican n'a élevé aucune parole de contestation...

Capture d'écran

(Fides et forma)

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Je ne sais pas s'il fallait "expliquer" le texte. Expliquer quoi? Que le pape n'a pas dit, tout en disant? Autant dire la quadrature du cercle.
De toutes façons, la capture d'écran ci-dessus est éloquente. L'absolue mauvaise foi du contenu réduit à néant les arguments de ceux qui imputent les attaques contre le Pape à de simples maladresses de com'!!!

En outre, Twitter n'est pas l'instrument adapté. Il n'y a pas de miracle, de ce point de vue, et même un génie ne pourrait pas résumer un texte de 7 pages, 81 paragraphes, 4167 mots et 20704 caractères, sans compter les notes et le titre, en seulement 140 caractères! Gian Maria Vian propose bien une phrase de Paul VI, repris dans le message de Benoît XVI (§3): «La paix n’est pas un rêve, elle n’est pas une utopie: elle est possible».
On pourrait aussi suggérer «Qui veut la paix ne peut tolérer des atteintes ou des crimes contre la vie», ou bien «Le développement économique authentiquement humain, a besoin du principe de gratuité comme expression de fraternité et de la logique du don», ou encore «Nul ne peut ignorer ou sous-évaluer le rôle décisif de la famille, cellule de base de la société du point de vue démographique, éthique, pédagogique, économique et politique» (formules de moins de 140 caractères toutes extraites du texte du Pape).
Mais ce sont au mieux des titres, et réduire un texte à son titre, c'est un peu léger.
On voit donc toutes les limites (et la difficulté) de la "communication" d'aujourd'hui.

Ceci étant dit, on ne peut pas non plus s'interdire d'extraire des passages, sauf à se priver de la substance que le message entend nous apporter.
A cet égard, je trouve assez surprenant le ton comminatoire d'un certain blogue (ici) pourtant très respecté en haut lieu, qui nous admoneste sévèrement d'emblée, et en rouge: In Extenso , et reproduit effectivement le texte... in extenso, mais en mettant comiquement en relief des passages bien précis par tous les moyens typographiques d'emphase permis par le traitement de texte: soulignement, gras, italiques, couleurs. N'aurait-il pas été plus simple de ne reproduire que ces seuls passages, et de renvoyer le lecteur au document original pour le tout. A moins que ce qui n'est pas souligné ne soit considéré comme d'importance mineure, et donc à oublier très vite, comme de simples slogans destinés à ces enfoirés (sic!) d'ultrapapistes ... ultralibéraux?

Voici donc ce que je mettrais personnellement en couleurs . Cela ne veut évidemment pas dire que le reste ne doit pas être lu.

     

www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi
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Les artisans de paix sont ceux qui aiment, défendent et promeuvent la vie dans son intégralité
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4. Le chemin de réalisation du bien commun et de la paix est avant tout le respect pour la vie humaine, considérée dans la variété de ses aspects, à commencer par sa conception, dans son développement, et jusqu’à son terme naturel. Les vrais artisans de paix sont alors ceux qui aiment, défendent et promeuvent la vie humaine en toutes ses dimensions : personnelle, communautaire et transcendante. La vie en plénitude est le sommet de la paix. Qui veut la paix ne peut tolérer des atteintes ou des crimes contre la vie.

Ceux qui n’apprécient pas suffisamment la valeur de la vie humaine et, par conséquent, soutiennent la libéralisation de l’avortement par exemple, ne se rendent peut-être pas compte que de cette façon ils proposent la recherche d’une paix illusoire. La fuite des responsabilités qui avilit la personne humaine et, encore davantage, le meurtre d’un être sans défense et innocent, ne pourront jamais produire ni bonheur ni paix. Comment peut-on penser en effet construire la paix, le développement intégral des peuples ou la sauvegarde même de l’environnement sans que soit défendu le droit des plus faibles à la vie, à commencer par les enfants à naître ? Toute atteinte à la vie, en particulier à son origine, provoque inévitablement des dégâts irréparables pour le développement, pour la paix, pour l’environnement. Il n’est pas juste non plus de codifier de manière sournoise de faux droits ou des abus qui, fondés sur une vision réductrice et relativiste de l’être humain et sur l’utilisation habile d’expressions ambiguës destinées à favoriser un prétendu droit à l’avortement et à l’euthanasie, menacent le droit fondamental à la vie.

La structure naturelle du mariage doit être aussi reconnue et promue, c’est-à-dire l’union entre un homme et une femme, face aux tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes radicalement différentes d’union qui, en réalité, la dénaturent et contribuent à la déstabiliser, éclipsant son caractère particulier et son rôle social irremplaçable.

Ces principes ne sont pas des vérités de foi ; ils ne sont pas non plus seulement une conséquence du droit à la liberté religieuse. Ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même, identifiables par la raison, et donc communs à toute l’humanité. L’action de l’Église en faveur de leur promotion ne revêt donc pas un caractère confessionnel mais s’adresse à toutes les personnes, quelle que soit leur appartenance religieuse. Cette action est d’autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal compris, car cela constitue une offense faite à la vérité de la personne humaine, une grave blessure infligée à la justice et à la paix.

C’est pourquoi la reconnaissance par les ordonnancements juridiques et par l’administration de la justice du droit à l’usage du principe d’objection de conscience face à des lois et à des mesures gouvernementales portant atteintes à la dignité humaine, comme l’avortement et l’euthanasie, est aussi une importante contribution à la paix.

Parmi les droits fondamentaux, concernant aussi la vie pacifique des peuples, il y a également celui des particuliers et des communautés à la liberté religieuse. En ce moment de l’histoire, il devient de plus en plus important qu’un tel droit soit promu non seulement du point de vue négatif, comme liberté face à – par exemple des obligations ou des restrictions relatives à la liberté de choisir sa propre religion –, mais aussi du point de vue positif, en ses différentes articulations, comme liberté de : par exemple de témoigner de sa propre religion, d’annoncer et de communiquer ses enseignements ; d’accomplir des activités éducatives, de bienfaisance et d’assistance qui permettent d’appliquer les préceptes religieux ; d’exister et d’agir en tant qu’organismes sociaux, structurés selon les principes doctrinaux et les fins institutionnelles qui leur sont propres. Malheureusement, même dans les pays de vieille tradition chrétienne, se multiplient les épisodes d’intolérance religieuse, en particulier contre le christianisme et contre ceux qui revêtent simplement les signes distinctifs de leur propre religion.

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Construire le bien de la paix par un nouveau modèle de développement et d’économie

5. ...
Pour sortir de la crise financière et économique actuelle – qui a pour effet une croissance des inégalités – il faut des personnes, des groupes, des institutions qui promeuvent la vie en favorisant la créativité humaine pour tirer, même de la crise, l’occasion d’un discernement et d’un nouveau modèle économique. Le modèle prévalant des dernières décennies postulait la recherche de la maximalisation du profit et de la consommation, dans une optique individualiste et égoïste, tendant à évaluer les personnes seulement par leur capacité à répondre aux exigences de la compétitivité. Au contraire, dans une autre perspective, le succès véritable et durable s’obtient par le don de soi, de ses propres capacités intellectuelles, de son esprit d’initiative, parce que le développement économique vivable, c’est-à-dire authentiquement humain, a besoin du principe de gratuité comme expression de fraternité et de la logique du don. Concrètement, dans l’activité économique, l’artisan de paix se présente comme celui qui instaure avec ses collaborateurs et ses collègues, avec les commanditaires et les usagers, des relations de loyauté et de réciprocité. Il exerce l’activité économique pour le bien commun, vit son engagement comme quelque chose qui va au-delà de son intérêt propre, au bénéfice des générations présentes et futures. Et ainsi, il travaille non seulement pour lui, mais aussi pour donner aux autres un avenir et un travail décent.

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Éducation pour une culture de paix : le rôle de la famille et des institutions
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6. Je désire rappeler avec force que les nombreux artisans de paix sont appelés à cultiver la passion pour le bien commun de la famille et pour la justice sociale, ainsi que l’engagement en faveur d’une éducation sociale valable.

Personne ne peut ignorer ou sous-évaluer le rôle décisif de la famille, cellule de base de la société du point de vue démographique, éthique, pédagogique, économique et politique. Elle a une vocation naturelle à promouvoir la vie : elle accompagne les personnes dans leur croissance et les incite au développement mutuel par l’entraide réciproque. La famille chrétienne, tout particulièrement, porte en elle le projet embryonnaire de l’éducation des personnes à la mesure de l’amour divin. La famille est un des sujets sociaux indispensables à la réalisation d’une culture de la paix. Il faut protéger le droit des parents et leur rôle premier dans l’éducation des enfants, tout d’abord dans le domaine moral et religieux. Dans la famille, naissent et grandissent les artisans de paix, les futurs promoteurs d’une culture de la vie et de l’amour.

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Une mission spéciale concernant la paix est remplie par les institutions culturelles scolaires et universitaires. Il leur est demandé une contribution importante non seulement à la formation de nouvelles générations de leader, mais aussi au renouvellement des institutions publiques, nationales et internationales. Elles peuvent aussi contribuer à une réflexion scientifique qui enracine les activités économiques et financières dans un solide fondement anthropologique et éthique. Le monde actuel, particulièrement le monde politique, a besoin du support d’une nouvelle pensée, d’une nouvelle synthèse culturelle, pour dépasser les approches purement techniques et harmoniser les multiples tendances politiques en vue du bien commun. Celui-ci, considéré comme un ensemble de relations interpersonnelles et institutionnelles positives, au service de la croissance intégrale des individus et des groupes, est à la base de toute éducation véritable à la paix.