Oecuménisme et nouvelle évangélisation

Discours aux participants à l'Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens: "nous ne devons pas oublier que le but de l'œcuménisme est l'unité visible entre les chrétiens divisés". C'est une invitation très concrète, et d'une grande actualité. (15/11/2012)

     

Alors que la FSSPX semble avoir accueilli par une fin de non recevoir la main généreusement tendue par le Saint-Père (homélie de Mgr Fellay, le 11 novembre, à Saint-Nicolas du Chardonnet, cf. www.lavie.fr, et vaticaninsider.lastampa.it), et que (ce n'est pas sans rapport) certains "catholiques adultes" se réjouissent mesquinement de la division des catholiques qui se préparent à manifester en cette fin de semaine contre le prétendu mariage pour tous (ici) et règlent leurs comptes avec de prétendus "intégristes", Benoît XVI adressait un discours aux participants à l'Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, nous rappelant que "nous ne devons pas oublier que le but de l'œcuménisme est l'unité visible entre les chrétiens divisés".
Evidemment, le Pape pense en premier aux orthodoxes, et aux protestants. Mais les catholiques eux-mêmes sont, à n'en pas douter, au coeur de ses préoccupations.

Ma traduction du texte en italien.

     

Cette année, votre Assemblée plénière se concentre sur le thème: «L'importance de l'œcuménisme pour la nouvelle évangélisation».
Avec ce choix, vous vous posez opportunément en continuité avec ce qui a été pris en considération lors de la récente Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, et, en un sens, vous voulez donner une forme concrète, selon le point de vue particulier de votre Dicastère, à ce qui a émergé lors de cette rencontre. En outre, la réflexion que vous menez s'intègre très bien dans le contexte de l'Année de la Foi que j'ai voulue comme moment propice pour rappeler à tous le don de la foi dans le Christ ressuscité, dans l'année où nous célébrons le 50e anniversaire du début du Concile Vatican II.

Comme on le sait, les Pères du Concile voulaient souligner la relation étroite entre la tâche de l'évangélisation et le dépassement des divisions entre chrétiens. «Cette division - est-il affirmé au début du décret Unitatis redintegratio - s'oppose ouvertement à la volonté du Christ, elle est un scandale pour le monde et fait tort à la sainte cause de la prédication de l'Evangile à chaque créature» (n. 1). L'affirmation du Décret conciliaire fait écho à la «prière sacerdotale» de Jésus, quand, s'adressant au Père, Il demande que ses disciples «soient une seule chose afin que le monde croie» ( Jn 17,21). Dans cette grande prière, à quatre reprises, il invoque l'unité de ses disciples d'alors et de ceux du futur, et indique par deux fois comme but de cette unité que le monde croie, qu'Il le «reconnaisse» comme envoyé par le Père. Il y a donc un lien étroit entre le sort de l'évangélisation et le témoignage de l'unité des chrétiens.

Un authentique chemin œcuménique ne peut être poursuivi en ignorant la crise de la foi que traversent de vastes régions de la planète, y compris celles qui ont reçu la première annonce de l'Évangile et où la vie chrétienne a été florissante pendant des siècles.
D'autre part, on ne peut ignorer les nombreux signes qui attestent de la persistance d'un besoin de spiritualité, qui se manifeste de différentes façons. La pauvreté spirituelle de beaucoup de nos contemporains, qui ne perçoivent plus comme une privation l'absence de Dieu de leur vie, cette pauvreté spirituelle représente un défi pour tous les chrétiens. Dans ce contexte, à nous qui croyons en Jésus-Christ, il est demandé de revenir à l'essentiel, au cœur de notre foi, pour rendre ensemble témoignage au monde du Dieu vivant, d'un Dieu qui nous connaît et nous aime, sous le regard duquel nous vivons; d'un Dieu qui attend la réponse de notre amour dans la vie quotidienne. L'engagement des Églises et Communautés ecclésiales pour une annonce renouvelée de l'Evangile à l'homme contemporain est donc une raison d'espérer. En effet, témoigner du Dieu vivant, qui s'est fait proche en Jésus-Christ, est l'impératif le plus urgent pour tous les chrétiens, et c'est également l'impératif qui nous unit, en dépit de la communion ecclésiale incomplète dont nous faisons encore l'expérience. Nous ne devons pas oublier ce qui nous unit, c'est-à-dire la foi en Dieu, le Père et Créateur, qui s'est révélé dans son Fils Jésus Christ, répandant l'Esprit qui donne la vie et sanctifie. Telle est la foi du baptême que nous avons reçu, c'est la foi que, dans l'espérance et dans la charité, nous professons.
A la lumière des priorités de la foi, nous comprenons l'importance des dialogues théologiques et des conversations avec les Eglises et les Communautés ecclésiales, dans lesquels l'Église catholique est impliquée. Même lorsque nous n'entrevoyons pas, dans un proche avenir, la possibilité de la restauration de la pleine communion, ils nous permettent de saisir, en même temps que les résistances et les obstacles, la richesse de l'expérience, de la vie spirituelle et des réflexions théologiques, qui deviennent un stimulant pour un témoignage toujours plus profond.

Mais nous ne devons pas oublier que le but de l'œcuménisme est l'unité visible entre les chrétiens divisés
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Cette unité n'est pas une oeuvre que nous pouvons simplement réaliser, nous autres hommes. Nous devons nous engager de toutes nos forces, mais nous devons également reconnaître que, finalement, cette unité est un don de Dieu, ne peut venir que du Père par le Fils, parce que l'Eglise est Son Eglise. Dans cette perspective, apparaît l'importance d'invoquer du Seigneur l'unité visible, mais émerge aussi combien la poursuite de cet objectif est important pour la nouvelle évangélisation. Le fait que nous marchions ensemble vers cet objectif est une réalité positive, à condition, toutefois, que les Églises et les Communautés ecclésiales ne s'arrêtent pas en chemin, acceptant les diversités contradictoires comme quelque chose de normal ou comme le mieux que l'on puisse obtenir. C'est en revanche dans la pleine communion de la foi, dans les sacrements et dans le ministère, que deviendra évidente de manière concrète la force présente et active de Dieu dans le monde.
A travers l'unité visible des disciples de Jésus, unité humainement inexplicable, on pourra reconnaître l'action de Dieu qui dépasse la tendance du monde à se désintégrer.

Chers amis, je veux souhaiter que l'Année de la Foi contribuera aussi au progrès du chemin œcuménique. L'unité est d'une part, le fruit de la foi et de l'autre, un moyen, presque une condition préalable pour annoncer la foi de façon de plus en plus crédible à ceux qui ne connaissent pas encore le Seigneur, ou qui, après avoir reçu l'annonce de l'Evangile, ont presque oublié ce don précieux.
Le véritable oecuménisme, en reconnaissant la primauté de la volonté divine, nécessite avant tout patience, humilité, abandon à la volonté du Seigneur. En fin de compte, nouvelle évangélisation et œcuménisme nécessitent tous deux le dynamisme de la conversion, entendue comme un désir sincère de suivre le Christ et à se conformer pleinement à la volonté du Père.
En vous remerciant une fois de plus, j'invoque volontiers sur vous tous la Bénédiction apostolique. Merci.