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C'est ainsi que le Saint-Père a décrit les évêques dans l'homélie prononcée lors de l'Épiphanie. Article de notre cher José-Luis Restàn, traduction de Carlota. (13/1/2012)

Texte original :
http://www.paginasdigital.es/


Des hommes au cœur inquiet

José Luis Restán
11/01/2012
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Beaucoup voient surtout dans l’Église l’image d’une masse minérale qui résiste aux vicissitudes du temps, qui perdure et se maintient malgré tout, avec une espèce de solennel mépris des modes et des empires, mais aussi avec une irritante incapacité à s’adapter et à changer. En bien et en mal, cette image domine dans l’imaginaire des « amis » et des « ennemis ». Pour les uns c’est la cause de son poids et de son importance historique, pour d’autres, le motif de sa place qui est désormais manquante, de sa situation en dehors du jeu depuis plus de deux cents ans.

La réflexion me vient au fil de l’homélie prononcée par Benoît XVI dans la solennité de l’Épiphanie (http://www.vatican.va), où il utilise les traits des Rois Mages venus d’Orient pour décrire l’identikit (ndt dans le texte original, du néologisme anglo-américain identity et kit, identité, ensemble de, jeu de. Nous disons en français portrait-robot). Une fois de plus le Pape rompt les schémas et démonte des images qui, bien que très souvent répétées, n’en sont pas moins incapables de rendre compte du « Mystère de l’Église », pour le dire avec des paroles du cher Henri de Lubac.
« L’Évêque doit être un homme au cœur inquiet », dit le Pape, « qui ne se conforme pas aux choses habituelles de ce monde mais qui suit l’inquiétude de son cœur qui le pousse à se rapprocher intérieurement de Dieu, à chercher son visage, à mieux le connaître pour pourvoir l’aimer chaque fois plus ». Le cœur inquiet à peu à voir avec la dureté minérale qu’insinuait l’image du début, c’est un cœur qui ne se conforme pas à ce qu’il sait déjà, avec ce qu’il a déjà, y compris quand il « connaît » la doctrine et « a » tant de biens à administrer chez lui.

« Il doit être aussi rempli d’une vaillante humilité, qui ne s’intéresse pas à ce que l’opinion dominante dira de lui, mais qui suivra comme critère la vérité de Dieu », ajoute-t-il le même jour où il allait annoncer la création de 22 nouveaux cardinaux. L’évêque, le témoin, le guide que le peuple doit regarder, ne doit pas craindre les commérages ni ne doit calculer sa renommée avec les paramètres de ce monde. Il doit servir une vérité dont il n’est pas le maître, qu’il ne possède jamais, en se compromettant pour elle, d’une façon opportune ou non opportune…Et nous savons ce que cette inopportunité a entraîné tout au long de l’histoire, par exemple pour les évêques James Su Zhimin et Cosme Shi Enxiang (ndt cf http://www.christianophobie.fr) qui sont prisonniers depuis plus de 40 ans dans un endroit non connu de l’immense Chine.

Par ailleurs l’évêque, le père, le témoin, doit être capable d’aller de l’avant et montrer le chemin. Il ne peut se cacher dans le groupe, il ne peut s’abriter dans la masse, il ne peut éluder son jugement, parce qu’il doit avancer en premier, la poitrine à découvert. Décidément l’image d’une masse de pierre inamovible ne tient pas dans cette figure que nous offrent ces Rois Mages que le Pape aime tant. Ils arrivent au bout de leur chemin et se prosternent pour adorer l’Enfant, quelque chose de tellement inutile pour les gouvernements du monde ; Et c’est ainsi que l’évêque devra être le premier adorateur, le premier à tout confier à l’apparente impuissance de l’Enfant, ce qui est la même chose que de dire devant l’apparente impuissance du crucifié.

Ce cœur inquiet est un cœur qui aime, de sorte qu’il aura à prendre soin à la première personne de la miséricorde et de la charité envers ceux qui sont dans le besoin et les pauvres, dans laquelle se reflète l’amour miséricordieux de Dieu pour nous. Nouvelle incommodité, nouvelle rupture des schémas. Défier l’opinion, aller de l’avant, prendre soin de l’indigent, se prosterner devant un Dieu qui s’est fait vulnérable dans la chair. C’est cela l’image. De l’évêque en premier lieu, de chaque chrétien ensuite.

Le jour des Rois, l’on discutait beaucoup à propos du nouvel équilibre au sein du Collège des cardinaux, le nombre d’Italiens (augmenté de différents chefs de départements de la Curie), la perte du poids relatifs des Africains, la main longue du Secrétariat d’État…Des choses plus sensées les unes que les autres, des choses qui se trouvent en avant dernière position en tout cas. Je remarque des homme comme Timothy Dolan, archevêque de la grande pomme (ndt N.York) capable de parler du Christ dans un pub ou de soutenir la polémique face à face avec le tout puissant New-York Times, je remarque le jeune Rainer Woelki, appeler à diriger un Berlin sans mur, mais rempli de fantômes hostiles à la tradition chrétienne, ou l’archevêque d’Utrech, Jacobus qui doit rassembler et conforter et porter le petit reste d’une église [hollandaise]. Et je pense que ce sont des bonnes figures pour se regarder dans le miroir des Rois Mages.

Comme le sont ceux qui ont éprouvé la durée impie du totalitarisme, comme Dominio Duka lors du soulèvement de Pargue, ou John Tong qui a du se battre avec les mandarins chinois dans la petite parcelle de liberté de la péninsule de Hong-Kong, ou Lucian Mureşan, archevêque gréco-catholique de Farzobispo greco-católico de Făgăraş et d’Alba-Iulia, qui garde en sa mémoire les horreurs de la persécution du régime de Ceauceşcu (ndt Mgr Mureşan est né en 1931. L’Église catholique roumaine de rite byzantin rattachée à Rome, a vu son culte interdit et ses biens entièrement expropriés, tandis que les évêques et le clergé étaient mis en prison dès 1948. Ceauceşcu arrivé au pouvoir en 1965 n’a pas bien évidemment rétabli les gréco-catholiques et leur Église dans leurs droits).

« Le cœur de Dieu est inquiet » conclut le Pape, et il faut s’arrêter un moment pour comprendre la grandeur de ce qu’il est en train de dire. Et il continue : il s’est mis en chemin vers nous, vers Bethléem, vers le Calvaire. Dieu est inquiet pour nous et il cherche des personnes qui se laissent contaminer par sa même inquiétude, par sa passion pour nous. Ce sont ces personnes qui construisent l’Église dans le temps de l’histoire.