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Une interviewe de Michael Heseman, le co-auteur du livre "Mon frère le Pape", par le site en allemand Kath.net. (14/1/2012)


Plusieurs articles sur Maria Ratzinger, la soeur du Pape, sont éparpillés dans ce site.
En voici quelques-uns.


Et je pense que tôt ou tard, quelqu'un écrira une biographie de cette belle et émouvante figure de femme, difficile à comprendre de nos jours, qui, dit-on, a vécu "dans l'ombre" de son frère, simplement par amour, et parce que c'est le "charisme" que Dieu avait prévu pour elle. Ce rôle ne peut revenir qu'à un allemand, ou au moins un germanophone.

En attendant, le site allemand kath.net vient de publier une longue interviewe de Michael Heseman, déjà l'auteur du livre interviewe de Georg Ratzinger "Mon frère le Pape".

La silencieuse intermédiaire des frères Ratzinger
Original en allemand: http://www.kath.net/detail.php?id=34692
Traduction VB
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L'historien Michael Hesemann (MH), dans une interviewe à kath.net (KN) parle de Maria Ratzinger, la sœur du pape Benoît XVI, qui « était jusque là considérée comme silencieuse et priante au service des frères Ratzinger ».
Maria Ratzinger, avec son regard sage, ouvert, curieux, de femme intelligente a toujours profondément pensé qu'aucun intellectualisme ne pouvait se passer d'un solide enracinement paysan».

KN: M. Hesemann, Maria Ratzinger est la sœur du pape Benoît XVI, mais elle est très peu connue. Pourquoi?

MH: Oui, vous avez raison, Maria Ratzinger, au moins à première vue, passe pour une personne calme, effacée et priante au service des frères Ratzinger. En cela, elle se rapproche de sa Sainte Patronne, la Mère de Dieu. A premier abord , cela peut nous dérouter: Parce que les parents, Joseph et Maria Ratzinger, un gendarme de campagne et une cuisinière spécialisée, n'ont pas seulement élevé deux fils prêtres, mais deux véritables génies, un directeur de chorale de renommée mondiale, et un des plus grands théologiens de langue allemande, qui a finalement été élu comme successeur de Pierre, et entre ces deux géants, qu'on pourrait presque comparer aux deux tours d'une cathédrale gothique, elle semble à première vue disparaître totalement, ou au moins se tenir dans l'ombre.
Ce n'est qu'en regardant de plus près qu'elle se révèle, pour en rester à une image, comme un véritable vitrail gothique, clair, riche de couleurs somptueuses, laissant passer la lumière et portant en son centre, au cœur, la Mère de Dieu.

KN: Pourquoi cela?

MH: Elle a choisi cette voie parce qu'elle était tellement discrète, pleine d'abnégation, certes, mais aussi curieuse, cherchant un vrai défi. En cela, elle ne diffère pas beaucoup de sa mère, qui avait longtemps été indépendante, qui ne s'est mariée qu'à 36 ans et précédemment, seule et active, avait vécu à Salzbourg, Munich et Hanau, et qui était tout sauf une fille de la campagne naïve. Les photos de famille montrent toujours la mère du Pape comme une belle femme élégante; en plus, elle était une personne de ressources, qui savait s'adapter à toutes les situations de la vie; et lorsque l'argent manqua, parce que les deux frères voulaient aller au petit séminaire, elle travailla dans un hôtel de Reit im Winkl pour soutenir financièrement la famille.
Non, le fait que la fille Maria n'ait joué dans l'orchestre familial que comme «second violon» n'est pas dû à l'image de la femme au sein de la famille Ratzinger.

KN: A quoi, alors?

MH: Intelligente, elle l'était, en tout cas, elle voulait même être institutrice, mais elle semble y avoir renoncé pour deux raisons. D'abord, il y a probablement les circonstances de l'époque. Maria Ratzinger est née en 1921, elle aurait donc dû faire ses études pendant la guerre, alors que les nazis étaient au pouvoir. Elle a alors réalisé que tous les jeunes instituteurs de l'époque avaient été depuis longtemps transformés en auxiliaires de l'idéologie brune, et tout comme son père et ses frères, elle ne voulait pas, même indirectement, servir les nazis qu'elle détestait. En outre, l'entrée au séminaire des deux frères, leur décision de devenir prêtres, pesaient lourdement sur le budget familial. Ces deux facteurs l'ont probablement conduite à la décision de s'inscrire à l'école des Soeurs du couvent d’Au, où elle reçut, à côté de leçons d'économie domestique, une très bonne formation en sténographie, comptabilité et dactylographie. Cela lui permit après la guerre de devenir secrétaire dans un cabinet d'avocats.

KN:: Pourriez-vous nous donner quelques éléments biographiques remarquables de la sœur du Pape?

MH: Volontiers. Maria Ratzinger est née le 7 Décembre 1921 a Pleiskirchen, elle a donc un peu plus de deux ans de plus que son frère Georg (né le 15 Janvier 1924) et cinq ans et demi de plus que Joseph Ratzinger (né le 16 avril 1927), notre Pape.
Elle est allée à l'école pour la première fois à Marktl, et à l'école primaire supérieure de Tittmoning, enfin, à l'école de formation ménagère des Soeurs d'Au am Inn.
Après son examen de fin d'étude, elle a d'abord accompli l'année de service obligatoire dans l'agriculture qui à cette époque était imposée à toutes les jeunes filles. Ensuite, elle a pris un emploi de bureau dans une entreprise de Traunstein. Après la guerre, elle a travaillé comme secrétaire juridique pour un cabinet d'avocats à Munich, avant que son frère Joseph, en 1959, ne soit nommé professeur de théologie dogmatique à l'Université de Bonn. A cette époque, elle décida de s'occuper de sa maison et de son bureau. Elle est restée à ses côtés, lorsqu'en 1982, il fut appelé à Rome par le pape Jean-Paul II - et cela jusqu'à sa mort le 2 Novembre 1991 à Ratisbonne, où elle voulait se rendre sur la tombe de ses parents. Elle a d'abord fait un infarctus, et elle est morte peu après d'une hémorragie cérébrale. Elle alors 69 ans. A l'époque, sur la notice nécrologique rédigé par son frère Georg Ratzinger, on lisait: «Pendant 34 années, elle a été au service de son frère Joseph à toutes les étapes de son chemin avec un inlassable dévouement et avec beaucoup de bonté et d'humilité»

KN: Y avait-il dans la vie de Maria Ratzinger, une décision consciente de travailler avec et pour son frère? Pourquoi ne s'est-elle jamais mariée?

MH: Certainement, c'était sa décision de travailler pour et avec son frère Joseph! Cette décision a été prise en 1958. À l'époque, Joseph Ratzinger a eu sa nomination à Bonn, tandis que Georg Ratzinger est retourné à Traunstein en tant que directeur de la chorale. Bien que les frères ait d'abord fait déménager leurs parents dans l'appartement de fonction du Professeur Ratzinger à Freising, il leur sembla qu'un nouveau déménagement sur les bords du Rhin serait déraisonnable pour eux, tandis qu'un retour dans leur pays bien-aimé leur paraissait bienvenu. Là, leur mère pourrait tenir la maison de George.
Maria proposa alors à Joseph, de venir à Bonn avec lui et de tenir son ménage, ce qu'il accepta avec gratitude, car il n'était pas doué pour les questions pratiques. Auparavant, elle vivait seule, plus précisément en sous-location à Munich.

KN: Pourquoi ne s'est-elle jamais marié?

MH: je ne sais pas. Peut-être avait-elle apprécié l'indépendance. Peut-être sa mère lui servait-elle de modèle, car elle aussi, au regard des habitudes de l'époque, s'était mariée assez tard, à 36 ans. Certainement, elle ne se voyait pas dans le rôle traditionnel des femmes de son temps, comme il était alors répandu surtout dans les campagnes, où les jeunes filles étaient mariées très tôt.
Georg Ratzinger m'a raconté qu'au lycée de Traunstein, ils étaient 38 garçons et trois filles, qui étaient toutes protestantes et filles de «nouveaux venus». "A cette époque, la plupart des gens dans notre région étaient de simples artisans et des paysans, et ce n'était tout simplement pas la coutume d'envoyer une fille au lycée".
Intelligente, Maria s'est donc détachée résolument de cette manière de faire. Comme je le disais, elle a même voulu être institutrice, même si les circonstances de l'époque l'ont finalement contrainte à un travail de secrétaire. Aussi je vois sa décision de seconder son frère Joseph comme gouvernante et secrétaire, non pas comme une indication qu'elle voulait s'orienter vers le rôle traditionnel auquel les femmes aspiraient. Au contraire, je pense qu'elle se sentait en tant que secrétaire d'avocat, simplement intellectuellement sous-employée. Ce que le travail avec et pour son frère lui offrait était tout simplement plus attrayant: Une vie dans une ville universitaire, dans un milieu entièrement académique, aux côtés d'un professeur, sans pour autant être réduite au rôle traditionnel de «femme au foyer et mère», le rôle de l'épouse d'un professeur. Cela a dû la séduire, pour elle, c'était un vrai défi! Et puis, bien sûr, il y a aussi le rôle joué par le lien étroit qui unissait les Ratzinger. Elle ne pouvait certes pas imaginer laisser partir au loin, tout seul, son jeune frère si aimé.

KN: Est-ce qu'elle s'est consacrée entièrement à l'activité ménagère pour son frère Joseph? Ou bien lui donnait-elle également des conseils et des corrections?

MH: En fin de compte, elle était son assistante: elle tapait et relisait ses manuscrits, elle rassemblait la documentation et elle était présente quand un professeur ou des étudiants venaient lui rendre visite. Apparemment, elle aimait également participer à des cours et des conférences, il y a notamment plein de photos la montrant au premier rang à côté de son frère, toujours avec ce regard curieux, ouvert, avisé de femme intellectuelle. Ce fut donc pour elle une activité enrichissante dans tous les domaines.
Cela changea, bien entendu, lorsqu'il devint archevêque de Munich et Freising, puis vint à Rome. Dans ses fonctions, il avait droit à une secrétaire, de sorte que Maria devint «seulement» sa confidente personnelle et sa gouvernante. Mais là encore, contrairement à ce qu'on pourrait penser, elle se trouva confrontée à un autre défi intellectuel. J'en suis convaincu. En fin de compte, elle a continué à l'accompagner à des conférences, des concerts et des réceptions, comme en témoignent des photos de cette période. Mais bien sûr elle s'est sacrifiée pour son frère, il n'y a aucun doute à ce sujet, et c'est aussi ce qui fait sa grandeur.

KN: Quels sont les sujets de conversation qu'elle avait avec ses frères? Ses relations avec ses frères étaient-elles sans tension? Se contentait-elle de prier en silence pour les tâches qui incombaient à ses frères?

MH: Comme les deux frères prêtres et elle-même étaient très croyants, leur conversation traitait sûrement souvent de questions de foi, mais aussi de théologie scientifique, de l'évaluation de collègues et d'étudiants, de leur amour commun pour la musique, mais aussi du souci pour les parents, décédés en 1959 et 1963. Heureusement, dans les deux cas, les trois enfants ont pu leur dire adieu. La relation de Maria avec ses frères, en dehors des frictions et rivalités de l'enfance, était de fait toujours harmonieuse, comme l'était l'atmosphère dans la famille Ratzinger; les différends familiaux se résolvaient dans la prière commune!
Cependant, durant l'enfance, il est clair que les deux frères étaient davantage liés entre eux par leurs jeux, qu'avec la sœur aînée, ce qui est tout à fait normal; c'est ce qui fait qu'elle s'est davantage rapprochée de sa mère, avec qui elle a passé plus de temps, bien sûr, qu'avec les deux petits polissons.

KN: Grâce à son frère Joseph, elle a eu des contacts avec l'Église universelle comme peu d'autres.

MH: Bien sûr, elle a eu ces contacts privilégiés car finalement, le frère et la sœur ont vécu ensemble à Rome pendant neuf ans, au cours desquels Joseph Ratzinger a exercé la troisième fonction la plus importante au sein de l'Eglise mondiale. Même si son frère ne pouvait emmener personne avec lui lorsqu'il s'entretenait en privé avec le pape, il y a eu maintes occasions non officielles, où elle a rencontré Jean-Paul II et peut-être Mère Teresa.

KN: Où et comment la sœur du Cardinal Ratzinger puisait-elle cette force et ce courage ? Maria Ratzinger était membre du Tiers Ordre de Saint-François, y a-t-il là une source de spiritualité?

MH: Elle les tirait de sa foi profonde et vivante, dont son bon sens populaire ne l'a jamais éloignée, malgré son caractère intellectuel.
Et oui, Maria Ratzinger a été membre du Tiers Ordre, ce qui lui a certainement donné une possibilité de suivre un appel intérieur à une vie de prière, tout en restant au contact du monde. Finalement, à partir du moment où il s'est installé à Rome, le service de son frère est devenu un service de l'Église universelle!

KN: Le pape Benoît a écrit dans son autobiographie de 1997, à propos de la canonisation de frère Conrad de Parzham: «Plus tard, j'ai souvent pensé à la remarquable capacité qu'a l'Eglise, dans ce siècle du progrès et de foi dans la science, de se sentir de plus en plus représentée par des hommes très simples ». Et plus loin, il demande: « Est-ce un signe que la claire vision de l'essentiel soit donnée, aujourd'hui encore aux humbles, alors que les avisés, les intelligents, en sont si souvent dépourvus». Maria Ratzinger s'est-elle identifiée à cet idéal? Peut-être même inconsciemment?

MH: Ah, vous savez, le regard sur l'essentiel, elle ne l'a jamais perdu. Ce regard, le Saint-Père ne l'a jamais perdu non plus, mais je ne pourrais jamais décrire aucun d'eux comme aussi simple que le frère Conrad, un ancien paysan qui faisait fonction de portier du couvent. Je dirais plutôt que nous trouvons chez les trois frères et sœurs Ratzinger, un merveilleux mélange de pureté du cœur, d'humilité, de serviabilité et de brio intellectuel.
Bien sûr, Maria aimait se tenir à l'arrière plan, mais Joseph Ratzinger lui non plus ne s'est jamais mis en avant, et puis tous les deux ont été non seulement littéralement, mais spirituellement des natures sœurs, qui se complétaient mutuellement magnifiquement.

KN: On insiste sans cesse sur le caractère discret du Pape. Dans l'exercice de son ministère, il résiste à la tentation de se mettre en avant. L'homme Joseph Ratzinger sert le devoir et la responsabilité de sa charge. Dans cette optique, ne rejoint-il pas l'attitude de sa sœur, même si le destin lui a confié d'autres tâches? Peut-on dire que dans la famille Ratzinger, il y a une tendance à la vertu de modestie?

MH: A coup sûr, oui! L'exemple du père joue ici naturellement un rôle car, bien qu'il fût, comme gendarme d'une petite ville sorti du rang, une figure d'autorité, il n'a jamais été décrit par les contemporains comme «autoritaire» ou «hautain», mais au contraire toujours correct, humble et poli.
Ce sont des gens tout simplement merveilleux, ces Ratzinger, comme on peut le voir aujourd'hui encore avec les deux frères.

KN: Et qu'est-ce qui les a rendus ainsi?

MH: Seulement une foi profonde et vécue, qui fut pratiquement la colonne vertébrale de toute la dynamique familiale.
Ils sont vraiment un modèle pour chaque famille chrétienne!