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L'évêque de Raguse, en Sicile, avait laissé entendre à la presse italienne qu'il n'était pas contre les unions homosexuelles... à condition de ne pas les appeler mariage. Massimo Introvigne lui répond, et nous rappelle les multiples interventions du Saint-Père sur le sujet - trop souvent oubliées (18/1/2012)

L'évêque de Raguse

... invite l'Etat à reconnaître les unions gay



Le 11 janvier dernier, Mgr Paolo Urso, évêque de Raguse, en Sicile, dans une interviewe à un journal italien, laissait entendre qu'il n'était pas opposé aux unions "gays".
Ses propos ont peut-être été instrumentalisés, mais lorsqu'il s'exprime devant les medias sur des sujets aussi "sensibles", un dignitaire ecclésiastique doit user de la plus grande prudence.
Or, voici ce qu'il disait, à la fin de l'interviewe:

- En 2005, lors du référendum sur la fécondation assstée, vous avez déclaré au Corriere della Sera que vous iriez voter, laissant la liberté de conscience aux fidèles. Pourtant, l'ancien président de la CEI, le cardinal Camillo Ruini, avait été très clair en appelant l'Eglise à s'abstenir. Vous referiez ce choix?
- Sans aucun doute, je le ferais. J'ai été éduqué à la laïcité de l'état et au respect des lois civiles. Lorsque le citoyen est appelé à faire des choix pratiques, la tâche de l'Eglise est d'offrir aux fidèles les outils pour décider, en autonomie et conscience. C'est pourquoi j'ai dit à mes gens: «Informez-vous, documentez-vous, voyez si ces solutions sont correctes et jugez par vous-mêmes."

- S'agissait-il d'un geste politique de la part du cardinal Ruini?
- C'était un acte de stratégie politique. Mais je crois que les évêques ne devraient rien avoir à faire avec la politique et sa logique.

- Il y a six ans le débat portait sur la fécondation assistée. Aujourd'hui, ce qui fait discuter, surtout parmi les jeunes, c'est la cohabitation (le concubinage). Quelle est votre opinion?
- La question est très complexe, notamment parce que ce pourrait être un signe de peur d'assumer ses responsabilité. Dans le même temps, cela pourrait témoigner d'un manque de considération du mariage. Dans tous les cas, la cohabitation me semble un élément de peu de sécurité.

- Devant lequel on devrait avoir quelle attitude?
- Si le problème est le manque de considération du mariage, comme Eglise, nous avons un devoir d'insister sur la beauté et l'importance du mariage; si au contraire, à la base, il y a une peur, il faut pousser les jeunes à avoir du courage...

- Pour les homosexuels, la coexistence civile est la seule solution possible afin de vivre une relation stable. Ne pensez vous pas que l'Italie a besoin d'une reconnaissance législative de ces situations?
- Quand deux personnes décident, même si elles sont du même sexe, de vivre ensemble, il est important que l'Etat reconnaisse ce fait. Qui doit être appelé par un nom différent du mariage, sinon, nous ne sommes pas d'accord.

- Nous sommes en retard sur la feuille de route?
- Un Etat laïque comme le nôtre ne peut pas ignorer le phénomène de la cohabitation, il doit avancer et définir les droits et devoirs des partenaires. Ensuite l'évaluation morale sera faite par d'autres.

- Pour le Catéchisme catholique, l'homosexualité est «objectivement désordonnée».
- L'Eglise fait ses propres évaluations, mais le fait demeure qu'elle doit toujours être une maison aux portes ouvertes, même pour les gay et les lesbiennes. Il ne faut pas confondre le péché avec le pécheur.

Tout cela est généreux, bel et bon.
Mais on admettra que de tels propos sont "ouverts" à différentes interprétations, voire à de graves malentendus.

Cela n'a pas échappé aux medias (voir par exemple ici).
Encore moins à Massimo Introvigne, qui lui adresse, sur la Bussola, une lettre ouverte.
Indépendamment d'une polémique qui semble exclusivement transalpine, elle nous rappelle à nous aussi les mutiples prises de position du Saint-Père contre la "cohabitation", et le mariage ..... entre un homme et une femme!!!

Texte en italien:
http://www.labussolaquotidiana.it/


Cher Mgr Urso, sur les couples gay, vous vous trompez

Massimo Introvigne
18/01/2012
-----------

[Massimo Introvigne commence par rappeler les termes de l'article traduit ci-dessus, et d'un autre, paru dans la presse locale, où le prélat (sans doute poussé par de vives réactions à ses prises de position forcément très médiatisées) apportait quelques précisions.]

Vous affirmez que le jugement moral, et l'évaluation politique - à laquelle vous vous livrez comme citoyen italien - sont deux choses distinctes.
En tant que citoyen "éduqué à la laïcité de l'Etat", vous affirmez que l'Etat doit reconnaître les "unions de fait"....
Et cette reconnaissance doit s'étendre aux couples homosexuels...
Ici, naturellement, nous ne parlons plus de théologie morale - dont les évêques sont par définition des Maîtres - mais de politique, un milieu où l'instauration chrétienne de l'ordre temporel, comme l'enseigne Vatican II, revient en premier aux laïcs.
...

Je commence avec une question de fait. Il est appréciable que vous ayez répété que, de toute façon, une union homosexuelle n'est pas un mariage, et que si on en venait à appeler «mariage» une union entre personnes du même sexe, ce serait la cause de graves problèmes sociaux.
En réalité, cependant, la majorité des pays qui ont accordé des formes de reconnaissance à des unions entre personnes du même sexe ont introduit des lois qui ont effectivement créé un «mariage» homosexuel, appelé justement de ce nom.
Le Magistère catholique a parlé à plusieurs reprises d'une «loi du plan incliné»: Si on ouvre la porte à la reconnaissance de telles unions, sous le nom de PACS, DICO ou autre, le mariage est derrière le tournant comme prochaine étape.

Je me permets de vous recommander la lecture du livre sur le mariage homosexuel du philosophe français Thibaud Collin. Collin se définit comme un partisan repenti du PACS, né en France et à partir de là, exporté vers de nombreux autres pays. Il avait accepté le PACS, écrit-il, parce qu'il était convaincu qu'il s'agissait de l'alternative au mariage homosexuel, que Collin considére comme un danger mortel pour la famille. Donnez le PACS aux homosexuels militants, lui disaient ses amis: ils résoudraient ainsi leurs problèmes, et n'exigeraient plus le mariage. Sauf que l'encre de la signature du président Jacques Chirac sur la loi sur le PACS n'était pas encore sèche que déjà, les mêmes qui avaient utilisé cet argument se hâtaient de soumettre des propositions de loi pour le mariage entre personnes de même sexe, qui ont fait leur chemin et sont désormais de retour dans la campagne électorale française. Donc, ils mentaient : le PACS (ou DICO, ou tout autre nom) n'est pas l'alternative mais le précurseur du mariage homosexuel. Après quoi, ce sera - comme l'enseigne la Grande-Bretagne - le droit des couples homosexuels à adopter des enfants, et l'obligation pour les institutions, même privées (y compris les catholiques, sous peine de fermeture) qui s'occupent d'adoptions, de ne pas faire de discriminaion entre couples hétérosexuels et homosexuels quand il s'agit de choisir à qui donner à un enfant en adoption. «Loi du plan incliné», justement.

En fait, le glissement sur le plan incliné commence avant la reconnaissance de couples de même sexe. Elle commence lorsqu'on reconnaît les "couples de fait", y compris ceux composés de personnes de sexes différents. Contrairement à ce que vous avez affirmé, cette reconnaissance est une réelle menace pour le mariage.
Le 12 Janvier 2006, le Pape rappelait aux administrateurs de Rome et du Latium que "c'est une grave erreur d'occulter la valeur et les fonctions de la famille légitime fondée sur le mariage, en attribuant aux autres formes d'union des reconnaissances juridiques impropres, qui ne reposent, en réalité, sur aucune exigence sociale effective".
Le 11 Janvier 2007, parlant à nouveau aux mêmes administrateurs de Rome et du Latium Benoît XVI est revenu sur ce point, qualifiant de "dangereux et contre-productif [le fait] de soutenir des projets qui visent à attribuer à d'autres formes d'unions impropres des reconnaissances juridiques, en finissant inévitablement par affaiblir et par déstabiliser la famille légitime fondée sur le mariage".

J'aurais peur de vous ennuyer, Excellence, en énumérant les nombreuses autres fois où le Pape a répété le même concept. Ces reconnaissances sont «impropres», «dangereuses», «contre-productives»; elles déstabilisent le mariage, le soutien est une "grave erreur". Mais peut-être que le pape ne cesse de répéter les mêmes choses parce que beaucoup ne les écoutent pas.

Quant à la reconnaissance des unions homosexuelles, dans le discours de vœux de Noël à la Curie romaine - comme vous le savez, un genre littéraire qui offre toujours l'occasion au Pontife d'interventions particulièrement importantes - du 22 Décembre 2006 Benoît XVI a observé que le problème est encore plus grave, parce qu'il touche la nature même de la personne humaine. En fait, ces reconnaissances ne proposent rien de moins que "la relativisation de la différence entre les sexes. Ainsi, que ce soit un homme et une femme qui se mettent ensemble, ou deux personnes du même sexe revient au même. Avec cela sont tacitement confirmées les théories funestes qui ôtent toute importance à l'aspect masculin ou féminin de la personne humaine, comme s'il s'agissait d'un fait purement biologique; des théories selon lesquelles l'homme - c'est-à-dire son intellect et sa volonté - déciderait de manière autonome de ce qu'il est ou n'est pas. Il existe en cela une dépréciation de l'aspect corporel, qui a pour conséquence que l'homme, en voulant s'émanciper de son corps - de la "sphère biologique" - finit par se détruire lui-même"

Encore une fois, le pape a répondu à l'objection habituelle , qui sonne désormais comme un disque rayé, selon lequel la laïcité de l'État impose ces reconnaissances, et que l'Eglise doit se taire. "Si on nous dit que l'Eglise ne doit pas s'immiscer dans ces questions, nous ne pouvons que répondre: l'homme ne nous concerne-t-il pas? Les croyants, en vertu de la grande culture de leur foi, n'ont-il pas le droit de se prononcer sur tout cela? N'est-il pas plutôt de leur - de notre - devoir, d'élever notre voix pour défendre l'homme, cette créature qui, précisément dans l'unité inséparable du corps et de l'âme, est à l'image de Dieu".

Ici, Excellence, vous êtes connu de vos diocésains pour d'élever la voix en faveur de nombreuses causes, parmi lesquelles, comme le rappelle la récente interviewe, vous sont particulièrement chères la lutte contre la base de l'OTAN à Comiso et une meilleure liaison routière entre Raguse et Catane (ndt: !). Cette dernière cause est certainement populaire à Raguse. Mais, voyant les choses de plus loin, j'aimerais - avec tout le respect dû - qu'il y ait un meilleur ajustement entre vos prises de position sur la reconnaissance des unions de fait, même - ou surtout - entre personnes du même sexe, et celles du Magistère pontifical: pour la clarté et l'édification des catholiques, pour éclairer la politique qui en a tant beson, et pour la plus grande gloire de Dieu, même sociale.