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Rétrospective 2011

A l'occasion de la sortie en Pologne d'un film consacré au prêtre polonais assassiné par les communistes, José Luis Restán revient sur des notions comme le patriotisme et l'attachement à la religion catholique fédératrice d'un peuple. Traduction de Carlota (3/2/2012)

Aujourd’hui pour certains cela s’appelle peut-être nationalisme exacerbé et xénophobie car nous ne devons croire que dans le globalisme et le multiculturalisme chez nous, bien sûr, pas chez les autres.
...

Certes nous sommes en 2012 et tous les peuples ont des histoires différentes, notamment en Europe. L’histoire de la Pologne n’est pas celle de la France, même si les liens furent souvent étroits entre les deux pays. Mais la résistance de la Pologne peut aussi nous faire penser à celle de l’actuelle Hongrie qui revendique sa magyarité et le respect de la vie ainsi que ses racines chrétiennes, et qui est mise pour cela au ban de la société bruxelloise des nations européennes, voire planétaire. Et donc nous, Français, avons-nous encore le droit de prendre comme exemple un Père Jerzy Popieluszko, en nous opposant aux ridicules remparts de papier des grandes déclarations universalistes de nos hommes politiques et de nos essayistes, contre des ennemis qui ne sont pas forcément ceux auxquels ils s’en prennent?

(Carlota)

Le secret de cette révolution unique
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José Luis Restán
02-02-2012
(original ici: www.paginasdigital.es )

Je suis de ceux qui ont revécu, pleins d’émotion, les images de la grande révolution polonaise à travers le film Popieluszko (1). Je ne prétends pas entrer dans les mérites artistiques mais dans la mémoire qu’elle ravive chez les gens de ma génération et, surtout, dans les leçons qui naissent de cette expérience et qui continuent à être d’une grande utilité pour nous.
Face au totalitarisme de tous types, il y a deux digues essentielles que la Pologne a su élever peut-être comme aucune autre nation dans l’histoire. La religiosité authentique et l’appartenance à un peuple. Toute expérience religieuse authentique dote celui qui la vit d’une conscience de sa propre dignité qui s’en remet à la relation avec l’Infini, et qui par conséquent ne peut accepter l’esclavage par rapport à aucune sorte de pouvoir. Il n’est pas étonnant que tous les projets de domination idéologiques aient essayé d’éradiquer ou au moins de contrôler et domestiquer la religiosité. Jerzy Popieluszko était un prêtre ordinaire, physiquement faible et malade, un homme qui ressentait la peur et l’angoisse (c’est quelque chose que le film communique avec une énorme efficacité), mais il était conscient de ce que ni les circonstances ni le pouvoir ne définissaient son identité. Me viennent à la mémoire ces paroles de Don Luigi Guissani qui expliquent à la perfection le surprenant phénomène de l’aumônier de Solidarnosc : « Il n’y a qu’un seul cas où ce point qu’est l’homme individuel et concret, serait libre…au point que ni le monde entier ni l’univers tout entier ne pourraient le contraindre ; dans un cas seulement cette image de l’homme libre est explicable ; si on suppose que ce point n’est pas constitué seulement pas la biologie de sa mère et de son père, qu’il possède quelque chose qui ne dérive pas de la tradition biologique de ces antécédents immédiats, mais qu’il est en relation directe avec l’infini, en relation directe avec l’origine de tous les flux du monde, c'est-à-dire, avec Dieu ».

La liberté de Popieluszko et de millions de Polonais s’explique par sa référence quotidienne au Mystère du Christ, connu et aimé dans la belle tradition catholique de son pays. Il ne s’agit pas d’un discours à opposer à l’idéologie de l’État, mais d’une authentique expérience de liberté qui permet aux personnes, malgré leur peur et leurs limites, d’être debout. Tout cela a une grande importance pour nous qui vivons dans des sociétés marquées par l’anonymat et la dispersion, dans lesquelles l’opinion commune est modelée à partir d’une communication sans visage, où la question du sens de la vie et du monde est systématiquement étouffée et ridiculisée. Moins de religiosité, moins de liberté dans la vie concrète de chacun et dans la cité commune. C’est quelque chose que le génial maître de la démocratie, Alexis de Tocqueville, a su voir avec une grande acuité à l’époque de la fondation des États-Unis.

L’autre grande digue face au pouvoir totalitaire c’est l’appartenance des gens à un peuple. Ce n’est pas quelque chose qu’on puisse considérer comme acquis ; naturellement je ne fais pas référence à une simple agrégation physique. Je fais encore recours à Don Giussani : « la vie d’un peuple est déterminée par un idéal commun, par une valeur pour laquelle cela vaut la peine d’exister, de s’efforcer, de souffrir et si c’est nécessaire, même de mourir ». Comme disait Saint Augustin dans De Civitate Dei , « le peuple est un ensemble d’êtres raisonnables associés dans la communion concordante des choses qu’il aime », et il ajoutait que pour connaître la nature de chaque peuple il faut regarder les choses qu’il aime. De cet idéal reconnu et aimé surgit un élan de l’action, une génération d’œuvres. C’est quelque chose que le film transmet avec une grande vigueur. Aujourd’hui nous vivons dans des sociétés dans lesquelles il manque fréquemment cet idéal partagé, c’est pour cela que la personne se réduit fréquemment à un individu isolé, à la merci de l’opinion dominante, des ressorts du pouvoir politique ou culturel.

La dite révolution polonaise continue à nous offrir des leçons valables pour le présent. Aujourd’hui nous sommes souvent immergées dans la « société liquide » évoqué par Benoit XVI lors de sa visite à Venise (ndt : discours au monde de la culture, benoit-et-moi.fr/2011-II/), marquées par ce qui est éphémère et versatile, où les liens sont chaque fois plus superficiels et insignifiants, où l’individualisme rend les personnes énormément vulnérables et où la question religieuse est condamnée aux marges de ce qui est le strictement privé, quand ce n’est pas aux ténèbres du pathologique. Cela signifie que la vraie liberté (non pas un simple slogan vide) est un bien chaque fois plus ardu. Tocqueville déjà nous en avertissait. Récupérer la centralité de la dimension religieuse dans la vie commune et générer un tissu de peuple, sont deux tâches dans lesquelles se croisent (et se rencontrent) la mission de l’Église et la persistance sainement laïque d’une société qui ne voudra pas être une simple cage à grillons. Commençons par ouvrir un espace aux grandes questions de l’homme sur la place publique, à montrer le supplément d’humanité, de raison et de liberté, que génère la foi chrétienne. Et nous guérirons du terrible individualisme qui a contaminé aussi les files de catholiques. Il y a quelque chose qui saute aux yeux dans ce film que nous devrions tous voir (jeunes comme adultes) : ni les chars, ni les interrogatoires clandestins, ni la violence du pouvoir, ne peuvent cacher que la vie est un bien, un bien partagé et transmis, un bien qui se projette dans un angle ouvert à l’Infini.

NDT

( *) Popieluszko (titre polonais Popieluszko Wolnosc jest w nas ) est un film polonais réalisé par Rafal Wieczynski, avec Adam Woronowicz dans le rôle-titre. Il est sorti en février 2009 en Pologne, a été présenté en Italie et en Espagne (lors des JMJ) et est sorti sur les écrans espagnols le 27 janvier 2012.
A ce qu'il semble, rien n'est prévu en France.
Pour mémoire, en 1988 (donc avant la chute du mur) la cinéaste d’origine polonaise Agnieszka Holland avait déjà réalisé une fiction franco-américain « Le complot » mettant en scène un jeune prêtre, le Père Alec (interprété par Christophe Lambert) dans une histoire ressemblant beaucoup à celle de Père Jerzy Popieluszko.

Bande-annonce ici (italien) : www.mymovies.it/