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José-Luis Restàn, qui est depuis longtemps lié au mouvement Communion et Libération, citant les dernières pages de "Jésus de Nazareth" (1), exprime sa joie pour l'ouverture de la cause de béatification du fondateur du mouvement. Traduction de Carlota (28/2/2012)

-> Sur ce sujet:
Don Giussiani bientôt bienheureux?

[Et je ne peux m'empêcher de penser que Benoît XVI aussi est "lié à cette époque", un de ces "nouveaux témoins de Sa Présence, dans lesquels Lui-même s'approche de nous"].


     



Il est vraiment lié à une époque
(original: http://www.paginasdigital.es/)
José Luis Restán
28/02/2012

Cela m’est venu comme un éclair quand j’ai appris la nouvelle.
C’était l’une des dernières phrases du livre Jésus de Nazareth de Joseph Ratzinger, celle où il parlait de cette « venue intermédiaire » du Seigneur (entre Bethléem et la Gloire définitive) qui adopte de multiples modalités. Mais il y en a, avertit le Pape, « qui sont liés à une époque » (1). Il fait référence à l’impact de quelques grandes figures à travers lesquelles le Christ entre de nouveau dans l’histoire « en faisant de nouveau valoir sa parole et son amour ».

La nouvelle, c’était la demande présentée par l’Archevêque de Milan pour le Président de la Fraternité de Communion et Libération, Julían Carrón (*), pour que soit ouverte la cause de béatification de Monseigneur Luigi Giussani.
Sept ans après son décès, qui d’une manière providentielle a coïncidé avec la fête de la Chaire de Saint Pierre, qu’il considérait comme lieu de la paix ultime pour tout fidèle chrétien. Pour lui aussi, dont le parcours n’a pas été épargné de traversées agitées par les mers de l’Église de son temps.

Je crois être sûr qu’il ne s’agit pas d’une passion filiale (Ndt: José Luis Restán est lié depuis longtemps au mouvement Communion et Libération).
C’est Benoît XVI lors de son inoubliable rencontre avec cinquante mille (80 000, en fait, selon les chiffres de l'époque [2]) membres de Communion et Libération sur la place Saint Pierre qui a fait la synthèse de l’œuvre de Don Giussani de cette façon : « L’Esprit Saint a suscité dans l’Église à travers lui, un Mouvement, le vôtre, afin qu’il témoigne de la beauté d’être chrétiens à une époque où se diffusait peu à peu l’opinion que le fait de vivre le christianisme était quelque chose d’ardu et d’épuisant… Il a travaillé alors pour éveiller de nouveau les jeunes à l’amour du Christ, "chemin, vérité et vie" en répétant qu’Il est le seul chemin vers la réalisation des désirs les plus profonds au cœur de l’homme, et que le Christ ne nous sauve pas en se passant de notre humanité, mais à travers elle ».

C’est le Pape lui-même qui vient de nous parler de l’épuisement de la foi comme d’une plaie de l'Occident, une plaie que peu voyaient dans les lointaines années 50, quand un Jeune prêtre lombard décida d’abandonner sa carrière théologique pour se consacrer à l’éducation des jeunes qui avaient déjà perdu dans une large mesure les raisons de leur foi chrétienne. C’était la même génération qui une décennie plus tard s’est rendue à la persuasion de 68, quand l’idéologie expropria le christianisme de la catégorie de l’espérance, avec ses promesses de changement qui ont si vite échoué .

Comme le rappelait récemment Mgr Máximo Camisasca (**), l’un des premiers, Don Giussani fut surtout un génie de l’éducation. « Il a pris par la main des milliers de jeunes en les amenant à découvrir la raison humaine de la foi, une chose que beaucoup considéraient comme acquis, ou dont ils n’avaient plus la connaissance. Sa méthode consistait à montrer la rationalité de la foi à travers une implication personnelle : il nous amenait en montagne, nous parlait des lectures qui l’avaient le plus marqué, nous faisait écouter la musique qui l’avaient fasciné lors de ses années de séminaire…ainsi, tout se transformait pour nous en un chemin vers Dieu parce que cela l’avait été et l’était d’abord pour lui ».
Et ainsi il s’est transformé en générateur d’un peuple. Comment ne pas se rappeler ce passage du Message pour la Journée Mondiale de la Paix de cette année, le lire te fait te dresser comme un ressort pour dire : « Ça c’était don Giussani! : "les témoins authentiques et non les simples dispensateurs de règles ou d’informations, sont plus nécessaires que jamais, des témoins qui sachent voir plus loin que les autres, parce que leur vie comprend des espaces plus larges. Le témoin est le premier à vivre le chemin qu’il propose" ».

Il se peut que j’exagère (vraiment? Je ne crois pas) quand je dis qu’avec l’éruption du charisme offert à l’Église et au monde à travers son humanité, l’Esprit a "créé une époque".
Mais c'est le grand maître H.U. von Balthsar qui m'a précédé, écrivant : « que ma petite oeuvre fleurisse à l’ombre de la sienne, immense ».
Face au sentiment diffus que le christianisme est un fardeau pesant, il a permis aux siens de faire l’expérience que la foi est le sommet de la raison et la plénitude de la liberté. Pendant que d’autres se repliaient dans un environnement fortifié pour défendre les dernières valeurs chrétiennes, lui nous invitait à vivre la foi à l’air libre, en rendant visible la communion chrétienne dans tous les domaines. Et tandis que le discours chrétien se faisait de plus en plus incapable d’interpeler un monde en révolte permanente, lui nous apprenait à regarder le cœur de l’homme toujours assoiffé et désireux de l’Infini, il nous invitait à ne pas avoir peur de cette soif et de ce désir, à sortir à sa rencontre parce que justement là le Christ révèle toute sa puissance de salut de ce qui est humain. Et c’est ainsi que s’est développé une trame d’amitié et d’œuvres, comme un tissu de vie véritablement humain au milieu de l'anonymat violent de cette société globalisée.

Désormais, la mère Église, dans le giron de laquelle il a grandi, s’est réjoui et a aimé, va scruter chaque ligne et chaque courbure de la péripétie humaine, comme cela doit être. Nous, ses fils, nous attendons tranquilles, contaminés par cette fièvre de vie, ce torrent de charité qu’il voulait que nous transmettions aux gens, les gens qui peuplent avec leur cœur confus et assoiffés nos rues et nos places.
Sa parole et sa vie appartiennent déjà complètement à la grande histoire de l’Église et irriguent ses mottes de terre bien au-delà de la limite visible du mouvement qu’il a fondé.

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Notes de traduction
(*) Le Père Julián Carrón est un prêtre espagnol né en 1950, théologien de formation et successeur de Mgr Giussani à la tête du mouvement Communion et Libération
(**) Mgr Máximo Camisasca est le fondateur de la fraternité des missionnaires de Saint Charles de Borromée (ce saint a été désigné par Pie XI en 1932 comme patron de tous ceux qui s'engagent à instruire les autres dans la foi). Cette fraternité est composée d’une centaine de prêtres qui vivent pas groupe de trois et sont répartis dans vingt pays sur quatre continents. Je découvre que le site de la fraternité n’a pas de version française mais italienne, espagnole, allemande et portugaise… (http://www.sancarlo.org/it/).

Notes supplémentaires

[1] Voici le passage splendide de "Jésus de Nazareth" auquel il est fait allusion

Page 327-329, "Jésus de Nazareth, de l’entrée à Jérusalem à la Résurrection", ed. du Rocher

(...) le mercredi de la première semaine de l'Avent, le bréviaire offre une interprétation tirée des homélies de l'Avent de saint Bernard de Clairvaux, où est exprimée une vision intégrative. On y lit : « Nous savons qu'il y a une triple venue du Seigneur... La troisième se situe entre [adventus medius] les deux autres... Ainsi il est venu d'abord dans la chair et la faiblesse; puis dans l'entre-deux, il vient en esprit et en puissance ; enfin il viendra dans la gloire et la majesté » (In Adventu Domini, serm. III, 4. V,1: PL 183,45 A; 50 C-D). Selon sa thèse, Bernard se réfère à Jean 14,23: « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui. »
On parle explicitement d'une « venue » du Père et du Fils : c'est l'eschatologie du présent, développée par Jean. Elle n'abandonne pas l'attente de la venue définitive qui changera le monde, cependant elle montre que le temps intermédiaire n'est pas vide : en lui, précisément, il y a l'adventus medius, la venue intermédiaire dont parle Bernard. Cette présence anticipatrice fait certainement partie de l'eschatologie chrétienne, de l'existence chrétienne.
Méme si l'expression adventus medius était inconnue avant Bernard, le contenu est présent depuis le commencement sous diverses formes dans toute la tradition chrétienne. Rappelons par exemple que saint Augustin, dans les nuées sur lesquelles arrive le Juge universel, voit la parole de l'annonce : les paroles du message transmises par les témoins sont la nuée qui porte le Christ dans le monde - déjà maintenant. Et ainsi le monde est préparé pour la venue définitive. Les modes de cette « venue intermédiaire » sont multiples : le Seigneur vient par sa Parole ; il vient dans les sacrements, spécialement dans la très sainte Eucharistie ; il entre dans ma vie par des paroles ou des événements.

Il existe cependant aussi des modes de cette venue liés à une époque.

L'oeuvre de deux grandes figures - François et Dominique - entre le XIIe et le XIIIe siècle a été un mode par lequel le Christ est entré de nouveau dans l'histoire, faisant valoir de façon nouvelle sa parole et son amour; une façon par laquelle il a renouvelé l'Église et porté l'histoire vers lui. Nous pouvons dire une chose analogue des figures des saints du XVIe siècle: Thérèse d'Avila, Jean de la Croix, Ignace de Loyola, François-Xavier portent avec eux de nouvelles irruptions du Seigneur dans l'histoire confuse de leur siècle qui allait à la dérive en s'éloignant de lui. Son mystère, sa figure apparaît de nouveau - et surtout : sa force, qui transforme les hommes et modèle l'histoire, se rend présente de faron nouvelle.

Pouvons-nous donc prier pour la venue de Jésus ? Pouvons-nous dire avec sincérité : «Marana tha! - Viens, Seigneur Jésus ! » ? Oui, nous le pouvons. Et pas seulement nous le devons! Demandons des anticipations de sa présence rénovatrice du monde. Dans des moments de tribulation personnelle nous le prions : Viens, Seigneur Jésus, et accueille ma vie dans la présence de ton pouvoir bienveillant. Nous lui demandons de se rendre proche de personnes que nous aimons ou pour lesquelles nous sommes préoccupés. Nous le prions de se rendre efficacement présent dans son Église.

Et pourquoi ne pas lui demander de nous donner aussi aujourd'hui de nouveaux témoins de sa présence dans lesquels lui-même s'approche de nous?
Et cette prière, qui ne vise pas immédiatement à la fin du monde, mais qui est une véritable prière pour sa venue, porte en elle toute l'ampleur de cette prière que lui-même nous a enseignée « Que ton règne vienne! »
Viens, Seigneur Jésus !

* * *

[2] A propos de la rencontre du 24 mars 2007, avec les membres de CL:
-> Allocution du Saint-Père: http://www.vatican.va/
-> Photos: http://beatriceweb.eu/
-> Et aussi: http://beatriceweb.eu/Blog/actualites/