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Rétrospective 2011

A presque une semaine de la visite du Saint-Père à Cuba, Carlota a traduit un article du site Infocatolica, qui apporte des informations relatives aux adeptes des différentes variantes cubaines du vaudou.(14/3/2012)

Carlota


Dans les pays hispanophones, on parle de « Santería ». Même si de tout temps l’Église Catholique a été confrontée, en Europe comme ailleurs à ce genre de phénomènes que l’on appelait tout simplement superstition et sorcellerie, l’on remarquera que désormais les « prêtres » vaudous qui s’expriment (ainsi que les universitaires cubains qui parlent de cette « religion ») ont parfaitement assimilé la dialectique marxiste de la lutte des classes et son corollaire actuel droitdelhommiste anti-raciste et victimaire!


Original en espagnol ici: http://infocatolica.com/.

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Cuba, avant la visite du Pape : le syncrétisme afro-américain

La visite du Pape Benoît XVI à Cuba a été annoncée comme un moment décisif pour l’Église Catholique sur le chemin qui la mène vers une augmentation de son influence sur l’île, et un motif de fierté pour ses fidèles, comme l’explique Andrea Rodríguez dans une information parue dans Asssociated Press.
Il y a par contre un groupe moins enthousiasmé et quelque peu ennuyé par le Souverain Pontife : les « Santeros » (ndt: adeptes de la « Santería »). Ils ont l’habitude de jeter des coquilles d’escargot pour lire l’avenir, d'arborer des colliers de couleurs, ils s’habillent de blanc et saluent leurs dieux avec des tambours et des danses. En réalité, ils constituent une écrasante majorité religieuse dans cette nation des Caraïbes car ils dépassent de huit à un les catholiques.

« Si ce Pape (Benoît XVI) qui vient rendre visite à notre pays a l’obligeance, dans son agenda de travail, de consacrer un créneau aux yorubas cubains, nous participerons à une rencontre avec lui, je crois qu’il n’y a pas de contre-indication», a dit Lázaro Cuesta, l’un des plus prestigieux « babalawos » (prêtres) de la Commission « La Lettre de l’Année », l’un des groupes de « Santeros » les plus importants.« Cette commission a déjà eu à faire avec une visite de Pape (Jean-Paul II) et… il n’a eu à aucun moment l’obligeance de s’adresser à nous » a ajouté Cuesta.

Plaintes des syncrétismes afro-américains
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Son amertume vient du fait que les responsables des religions afro-cubaines se rappellent comme un affront cette visite en janvier 1998, quand le Souverain Pontife a dialogué avec des représentants des églises évangéliques, des orthodoxes et des membres de la petite communauté juive, mais n’a même pas répondu à la demande à être reçus des « babalawos ».

Quelques jours avant l’arrivée de Jean-Paul II, les « Santeros » ont organisé une « batterie de tambour »: une cérémonie pour que le voyage du Souverain Pontife soit favorisé par les « Orishas », leurs divinités. Les prêtres ont craché de l’eau de vie et soufflé de la fumé de cigares en saluant leurs morts tandis que des hommes et des femmes ont dansé des heures pour le succès de la visite qualifiée d’historique.

Selon des experts consultés par l’Associated Press, il y a aujourd’hui entre 70 et 80% de la population cubaine qui suit un type quelconque de pratique religieuse afro-cubaine, soit de la « Santería » (Règle d’Ocha-Ifá) ou de l’une de ses sœurs moins connues comme la Règle du « Palo Monte », d’Arará ou des Abakuas. L’Église catholique, pour sa part, rassemble des fidèles qui ne dépassent pas les 10% de la population et affronte la concurrence d’autres églises de dénominations occidentales comme les protestants.

« Ce Pape-là (Jean Paul II), cela ne l’intéressait pas de rencontrer les dirigeants noirs des religions autochtones que l’Église catholique méprise et a toujours combattu depuis quatre siècles » a dit dans un entretien avec l’Associated Press l’ethnologue et politologue cubain résident au Brésil, Carlos Moore. « Du racisme : bien sûr que oui ».

Jusqu’à aujourd’hui, l’agenda du Pape Benoît XVI ne comprend pas de rendez-vous avec des « Santeros » ou des responsables d’autres religions. Le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi, a dit que le programme du Pape pourrait s’ajuster, mais il a écarté absolument une réunion avec des représentants de religions afro-cubaines. Lombardi a expliqué que la « Santería » n’a aucun « responsable institutionnel » et « il ne s’agit pas d’une Église » dans le sens traditionnel.

La décision de ne pas rencontrer les « Santeros » est en accord avec l’historique de rejet par Benoît XVI des syncrétismes, - la pratique qui combine différentes croyances et rites, et d’une certaine manière, impliquant que toutes les religions sont égales.

Cuba et la « Santería »
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Les experts expliquent que la « Santería » dont l’une des origines est celle amenée à Cuba par les esclaves appartenant en majorité à la culture yoruba, reste encore en dehors de l’institution, en bonne partie de par sa nature anti-hiérarchique et dispersée, par des siècles de tabou et par le racisme qui empêche les traditions afrocubaines d’être accueillis par les autres communautés religieuses.

« La Santería est comme toutes celles reconnues par la loi, une religion. Une parmi celles qui existent ici mais avec une particularité distincte, c’est l’unique qui est cubaine », a dit à l’Associated Presse, l’ethnologue María Ileana Faguaga Iglesias, professeur à l’Université de La Havane « Sa structure n’est pas verticale, elle n’a pas un chef suprême, elle n’a pas d’édifices, et n’a jamais fait partie d’aucun pouvoir politique ».

Récemment amenée dans l’île, la « Santería » a pris des composantes du spiritisme et des aborigènes tandis que les interdictions de l’époque firent que les esclaves noirs firent du syncrétisme avec les traditions catholiques, au départ d’une façon souterraine. À la fin du XIXème siècle la religion (ndt il faut entendre la religion vaudoue) avait déjà un profil défini et ses pratiques syncrétiques commencèrent à sortir à la lumière avec des variations inattendues : la censure avait obligé à cacher derrière des noms catholiques les « Orishas » de leurs ancêtres africains.

Valorisations ecclésiales
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Sur le long terme, les prêtres catholiques les plus renommés reconnaissent le rôle des religions d’origine africaine à Cuba.
La « Santería » est très développé parmi les gens,« plus que quand j’était jeune. Non seulement parmi les personnes d’origine africaine, mais aussi parmi celle d’origine européenne, des blancs, qui sont aussi aujourd’hui des adeptes de la Santería », affirme Carlos Manuel de Céspedes, vicaire général de La Havane.

De la part de l’Église, le manque de traitement spécial par rapport aux « Santeros » s’expliquent ainsi : « La ligne officielle du Cardinal (ndt Jaime Ortega, archevêque de La Havane depuis 1981) et je crois que l’Église en général, a été que les personnes qui pratiquent la « Santería » sont catholiques, seulement d’une autre forme peut-être déviée, mais absolument pas hérétiques ou schismatiques » a commenté à l’Associated Press, Tom Quigley, un ancien conseiller de la Conférence des Évêques Catholiques des Etats-Unis.

Mais d’autres pensent que l’ordre des choses est bien lié au racisme qui pénètre les églises occidentales, mais aussi la société cubaine, même après trois décennies d’une révolution aux aspirations revendicatrices.
Selon des chiffres officiels, sur une population de 11,2 millions d’habitants de l’île, 65 % sont identifiés comme blancs, 10% comme noirs et 25% de métisses (Ndt nés de père et mère de races différentes, et plus particulièrement en espagnol de race blanche et de race indienne d’Amérique) ou de mulâtres (ndt nés d’un parent blanc et l’autre noir).
Beaucoup moins connus que les hostilités dont on souffert les catholiques, sont celles souffertes par les adeptes des afro-religions dans la décennie des années 60-70 à Cuba. Les « Santeros », en majorité noirs et métisses, pouvaient être emprisonnés si on les détectait pratiquant leurs rites et ils ne pouvaient jusqu’à la réforme du gouvernement dans les années 90 être membres du Parti Communiste dirigeant. Mais à l’ouverture religieuse des années 90, la « Santería a fleuri et à la chaleur de l’émigration elle s’est même étendue dans des pays comme les Etats-Unis, le Venezuela ou l’Espagne (ndt des pays eux aussi bien touchés par la sécularisation) et avec cela les contradictions avec la hiérarchie catholique ont recommencé à devenir visibles.

« Les religions européennes (catholicisme, protestantisme et les autres) ont une relation tendue avec les religions autochtones à la matrice africaine car les premières sont des corporations de l’élite ; elles ont toujours servi les intérêts de classe et de race de ces élites », explique l’ethnologue et scientifique politique (ndt !) Moore. Une bonne synthèse de l’ambiance de manque de compréhension que parfois ressentent les responsables des religions afro-cubaines a été donnée par le « babalawo » Lázaro Cuesta ? « À Cuba…tant qu’on refusera l’existence de la religion (ndt afro-religion) notre patrimoine sera nié, parce que cette religion ce sont les hommes qui sont venus enchaînés comme esclaves dans ce pays qui l’ont amenée et ce sont eux indiscutablement qui ont formé la nationalité » .

Des éléments syncrétistes
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Le Pape peut s’opposer à un bon nombre de ces traditions, mais ce qui est certain c’est qu’à Cuba le mélange prédomine: tout le monde sait qu’une femme vêtue de jaune fait un salut à « Ochum », la Vierge de la Charité ou patronne de la sensualité et que celui qui fait une procession le 17 décembre rend hommage à «Babalu-Aye » ou à Saint Lazare protecteur des malades. Les Cubains savent ou croient que derrière les portes vit « Elegguá », Saint Antoine de Padoue ou le Saint Enfant d’Atocha, le seigneur des destins.

Personne ne trouve étrange non plus que les offrandes jetées aux flots soient une pétition pour Yemaya, la patronne des océans également connue comme Vierge de Regla, ou que les passants évitent de s’approcher de la Ceiba, l’arbre sacré où les croyants y accrochent des animaux sacrifiés comme des oiseaux ou des fruits pour « alimenter » les divinités. Actuellement les relations entre les responsables de l’Église de Rome et les « santeros » sont tendues mais meilleurs qu’il y a des décennies, quand les prêtres catholiques expulsaient des églises ceux qui osaient s’habiller de blanc et mettre des colliers. Beaucoup se plaignent encore de la survivance des indirectes diabolisations dans les homélies du dimanche. Il y a une coexistence, mais pas un dialogue compréhensif réel, ont dit les experts (ndt !).

Tentative d’évangélisation
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Selon ce qu’a dit à l’International Press Service l’anthropologue María Elena Faguagua (ndt Universitaire cubaine qui a notamment fait paraître en 2007 dans la revue cubaine d’anthropologie, un article sur l’Eglise catholique Romaine et la « Santería » cubaine : relations de pouvoir et d’autorité »), la société cubaine est d’une manière prédominante afro-religieuse. La religiosité africaine est « une réalité culturelle que l’Église respecte et tente d’évangéliser conformément à sa mission », a commenté Pérez Riera (ndt: Mgr José Pérez Riera, porte parole de la conférence des évêques cubains ). Conformément aux registres catholiques officiels, autour de 60 % de la population cubaine a reçu le baptême dans cette foi ce qui, selon les experts, ne signifie pas qu’il y a une majorité de croyants pratiquants. L’on estime que les fidèles des « credo » évangéliques et autres protestants dépassent le million de personnes dans ce pays de 11,2 millions d’habitants.

« Le nombre de catholiques pratiquants à Cuba est bien réduit proportionnellement au nombre de catholiques du Mexique ou d’autres nations d’Amérique latine », a admis en un article publié dans la version numérique de la Conférence Épiscopale [cubaine], Orlando Márquez, porte-parole de l’archevêque et éditeur de la revue « Palabra Nueva » (ndt fondée en 1994 - ne pas oublier qu’à Cuba même si un journal de ce genre peut aujourd’hui exister la parole n’est toujours pas aussi libre que dans d’autres pays !).
« Cependant le Pape veut être avec nous, avec la minorité catholique et avec la majorité qui rend dévotion à la Vierge de la Charité et compose la nation cubaine, et aussi il veut se rapprocher de tous ceux qui ne sont pas dans aucun de ces deux groupes », a écrit Márquez.

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Notes de traduction


1. Quelques termes de vocabulaire
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Santería & Santero
: mots qui viennent bien sûr de Santo (saint). Il n’y a pas encore si longtemps en Espagne l’on appelait le « Santero » une personne qui s’occupait d’un lieu d’un sanctuaire, d’une église ou qui allait avec la statue d’un saint de maison en maison, faire des prières avec les habitants et demander l’aumône au profit d’une congrégation religieuse (les cinéphiles penseront bien sûr à un excellent film « Don Lucio y el hermano Pío » ). Il y a quelques décennies dans le dictionnaire de l’Académie Royale Espagnole, à côté de Santería, l’on trouvait aussi comme synonyme : sorcellerie ! Et le mot « santero » désignait également dans l’argot cubain l’auxiliaire du voleur, celui qui fait le guet !

Babalawo (ou Babalao) titre conféré à des « prêtres » yorubas

Yorubas : ethnie majoritaire au Nigéria mais aussi présente au Bénin, au Ghana et au Togo, d’où provenaient de nombreux esclaves envoyés en Amérique.

2. Des chiffres pour remettre les « pendules à l’heure »

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En 1774, Cuba compte seulement 171 620 habitants.
- En 1800, l’on trouve à Cuba 350 000 hts dont 1/3 d’esclaves noirs. Mais au début du XIXe, l’île va recevoir des Espagnols en provenance de la Louisiane vendue par la France aux EU mais aussi des Français (colons blancs) de Saint Domingue, fuyant les massacres perpétrés par les nouveaux maîtres de la partie occidentales de l’île devenue Haïti.
- En 1841 Cuba compte un million d’habitants avec toujours 1/3 de noirs.
- En 1907 sont recensés deux millions d’habitants dont 70% de blancs, 13% de noirs, et le reste métissée ou « jaune » ; 89% de la population étaient nés à Cuba, 9% en Espagne. Durant la première moitié du XX les Espagnole émigreront constamment vers Cuba.
- En 2002 Cuba compte 11millions d’habitants (dont 65% de blancs, 24% de mulâtres, 10% de noirs et 1% de jaunes) soit le double qu’en 1952 ; en pourcentage, la population blanche ayant décrue de 5%, la population noire de 2% et la population mulâtre augmentée de 10% [référence Études de Population et de développement (CEPDE) de l’Office Nationale des Statiques (ONE) de Office National des Statistiques (ONE) de Cuba].

Le texte ci-dessus parle de 60% de Cubains baptisés catholiques - dont 10% de pratiquants , pourcentage à rapprocher de la situation française - soit environ 7 millions. Si le pourcentage ethnique est le même par rapport à la population totale, nous avons donc environ un peu moins de 2,5 millions de catholiques cubains qui sont recensés noirs ou mulâtres. Les seuls vraiment autochtones de l’île, donc les indiens Caraïbes, peu nombreux à l’arrivée des Espagnols, n’apparaissent plus dans les statistiques même si sans doute leurs gènes subsistent encore dans un pourcentage très restreint de la population.

Conclusion : Certes la « Santería » cubaine présente des spécificités régionales par rapport au vaudou haïtien par exemple, mais cela paraît être un argument de propagande que de dire qu’il s’agit de la vraie « religion» des noirs cubains même si sans doute aujourd’hui par rapport à l’ensemble de la population pratiquant ou connaissant la « Santería » (70% des Cubains, donc une majorité de blancs ou qui se considèrent blancs), les « grands prêtres et prêtresses santeros » sont peut-être majoritairement noirs ou mulâtres et donc par conséquent surreprésentés.