Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Consistoire

Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

A la veille du départ de Benoît XVI pour le Mexique et Cuba, le Pr Guzman Carriquiry , urugayen, secrétaire de la Commission pontificale pour l'Amérique latine, répond aux questions d'Andrea Tornielli (20/3/2012)

Aricles reliés



« Le pape se déplace pour confirmer dans la foi et non pour des raisons politiques »

A la veille du départ de Benoît XVI pour le Mexique et Cuba, Guzman Carriquiry (1), secrétaire de la Commission pontificale pour l'Amérique latine, parle des perspectives de la visite.
Andrea Tornielli (Vatican Insider)
----------------

«Celui qui va commencer est un voyage extrêmement important, et je n'ai aucun doute que les Mexicains vont accueillir Benoît XVI avec beaucoup d'enthousiasme et d'affection ...»

Le Professeur Guzman Carriquiry , uruguayen installé à Rome depuis de nombreuses années, est le secrétaire de la Commission pontificale pour l'Amérique latine, et le laïc qui a atteint le plus haut rang dans l'organigramme du Saint-Siège. A lui, l'un des experts les mieux préparés sur l'Amérique latine, Vatican Insider a demandé de présenter le prochain voyage du pape Ratzinger au Mexique et à Cuba, qui débutera la semaine prochaine (ndt: en fait vendredi prochain).



- Il s'agit de la première visite de Benoît XVI dans un pays d'Amérique latine de langue espagnole. Selon vous, ce voyage au Mexique et à Cuba, arrive-t-il trop tard? (ndt: étrange formulation «fermée» de la question! Rappelons de plus que le Pape s'est déjà rendu au Brésil, dont la langue officielle est le portugais... qui n'est pas une langue hispanique, mais c'est aussi un pays d'Amérique latine) .

- Je ne dirais pas du tout qu'il vient tard. Au contraire, il me semble qu'il arrive au bon moment: il était important que le pape, après son voyage à Sao Paulo et Aparecida au Brésil en 2007, et avant le voyage pour la Journée Mondiale de la Jeunesse à Rio de Janeiro en Juillet 2013, visite l'un des pays Hispano-américains qui l'avaient invité. Celui qui va commencer est le second pèlerinage du pape Benoît XVI en Amérique latine, et l'année prochaine est déjà prévu le troisième, encore une fois au Brésil: il me semble que cela témoigne de la sollicitude du Pape pour ce continent».


- Pourquoi le Pape visite-t-il l'État mexicain de Guanajuato, mais il ne passera-t-il pas par la capitale fédérale, pour s'arrêter au sanctuaire marial de Guadalupe (2), visité par des millions de personnes?

- Guanajuato au Mexique est resté le seul état jamais atteint par Jean-Paul II lors de ses cinq voyages dans le pays. Dans cet état, plus de 90 pour cent de la population est baptisée dans l'Église catholique. Le point culminant sera la messe célébrée au pied du mont Jubilete, dans un sanctuaire auquel les Mexicains sont très attachés. En ce qui concerne Guadalupe, il a été conseillé au Pape de ne pas aller à Mexico, en raison de l'altitude. Mais je ne doute pas que Benoît XVI montrera toute sa vénération pour la Vierge de Guadalupe: en tant que cardinal Ratzinger, il a écrit sur l'importance de l'événement de Guadalupe, qui a fondé la culture métisse du continent.



- Pourquoi Jean-Paul II et maintenant Benoît XVI montrent-ils cette attention particulière au Mexique?

- L'attention est réciproque, comme l'a démontré la vénération que des millions de personnes ont manifestée à l'égard de ce qu'on a appelé le sixième voyage du pape Jean-Paul II au Mexique, à la fin de 2011, lorsque quelques-unes des reliques du nouveau Bienheureux ont été transportées à travers le pays. Il faut dire que le peuple mexicain a reçu des dons extraordinaires: il a vécu une épopée évangélisatrice qui a fait rencontrer la foi chrétienne au nouveau peuple métis né de la rencontre/affrontement entre les colonisateurs espagnols et des populations autochtones. Et les apparitions de Guadalupe, en 1531, contituent l'événement fondateur de cette identité. Aujourd'hui encore, on dit que les mexicains sont catholiques à 90 pour cent, mais que les mexicains sont «guadalupéens» à 100 pour cent, au point que cet événement est devenu un élément de polarisation pour l'ensemble du pays et son identité nationale. Nous ne devons pas oublier, ensuite, que le catholicisme mexicain s'est endurci par la persécution (ndt: cf. Savez-vous qui sont les Cristeros?), et a été arrosé par le sang des martyrs. C'est un catholicisme vivant et vivace, qui a vu surgir le plus grand nombre de nouveaux ordres religieux et de mouvements, de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui. Le séminaire de Guadalajara, avec ses 900 candidats au sacerdoce, est le plus grand au monde ... Le Mexique est le lieu le plus expressif du catholicisme métis et populaire qui a des racines profondes et qui représente le monde hispano-américain».


- Le Mexique joue aussi un rôle décisif du point de vue géopolitique: c'est le pont entre les Etats-Unis et l'Amérique du Sud ...

- C'est une grande frontière, qui regarde vers le nord et le sud, c'est le carrefour des relations entre les Amériques, c'est le terrain d'affrontement et de conflit entre l'expansion des États-Unis, de matrice puritaine et anglo-saxonne, et les peuples latino-américains. L'affrontement est d'ordre politique, économique, culturel et religieux. Pensons, à ce sujet, aux groupes évangéliques ou aux formes de New Age en provenance de Californie. Dans le même temps, 60 pour cent des Hispaniques aux États-Unis sont mexicains, et en grande majorité catholiques: dans les années à venir, ils seront la moitié des catholiques des États-Unis. Octavio Paz, mexicain, Prix Nobel de littérature, peu avant sa mort, se demandait comment il était possible qu'un pays aussi dépendant du point de vue économique et financier des vicissitudes des États-Unis, ait maintenu une identité aussi définie. Et il répondait: «La Vierge de Guadalupe a été bien plus anti-impérialiste que tous les politiciens du Mexique ... comme ciment de l'unité et de l'identité du pays».

- Comment, selon vous, Benoît XVI sera-t-il accueilli?

- Avec une très grande affection. Je crois qu'il sera embrassé par l'amour du peuple mexicain. «Mexico siempre fiel».


- Que dira le Pape à l'Église au Mexique?

- Attendons de l'entendre. Je pense qu'il ne manquera pas de rappeler les situations de péché représentées par les dramatiques poches de pauvreté dans le pays, ainsi que la spirale de violence sans précédent déclenchée par les trafiquants de drogue. Questions qui interpellent la conscience catholique du pays.


- Parlons de la seconde étape du voyage, celle à Cuba. L'attention sera centrée sur la rencontre entre le Pape et Fidel ...

- Beaucoup attendent et espérent que le pays se dirige vers la démocratie. Mais la mission du Pape est de confirmer et de renforcer la foi des gens qu'il rencontre. Même si elle vit dans l'histoire, et en embrasse chaque circonstance, l'Eglise n'est pas définie par les défis politiques. Le Pape ne voyage pas pour bénir, s'opposer ou changer les régimes politiques, mais pour indiquer le devoir de la nouvelle évangélisation, bien conscient que c'est la contribution la plus fructueuse que l'Eglise peut apporter à l'avenir de ces pays. Le Pape sera à Santiago de Cuba le jour de la fête de l'Annonciation et célébrera la messe pour la conclusion des 450 ans de la Virgen del Cobre, la Patronne de Cuba, dont l'image a parcouru 24.000 kilomètres le long du pays et a été exposée dans les lieux publics, dans les rues, dans les maisons. "


- Et la rencontre avec Fidel Castro?

- L'attention des médias se concentrera là-bas. Mais les moments saillants du voyage seront ceux qui verront comme protagoniste le peuple cubain, dans les célébrations eucharistiques présidées par le Pape. Je ne ferais pas trop de suppositions sur ce que le Pape et Fidel se diront, et qui restera dans le dialogue de personne à personne. "


- Croyez-vous que les autorités cubaines peuvent exploiter la visite?

- D'éventuelles instrumentalisations seraient marginal dans un événement national et populaire de cette ampleur et je crois que les autorités du pays ont le cœur que tout se passe pour le mieux. Nous devons nous rappeler que l'Eglise cubaine, ainsi que le Saint-Siège, ont actuellement de bonnes relations avec les autorités politiques cubaines.

* * *

Notes

(1) Le Professeur Guzman CARRIQUIRY LECOUR
Fiche ici.
Le 14 Mai 2011, le Pape Benoit XVI l'a nommé Secrétaire de la Commission Pontificale pour l'Amérique Latine

(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Notre-Dame_de_Guadalupe
Notre-Dame de Guadalupe ou Vierge de Guadalupe (en espagnol Vírgen de Guadalupe) est le nom donné à la Vierge Marie lors de son apparition à un indigène du Mexique en 1531. C'est une figure catholique majeure du continent américain.
Elle porte plusieurs titres : patronne de la ville de Mexico depuis 1737, patronne du Mexique depuis 1895, Reine du Mexique et Impératrice des Amériques depuis l'an 2000 (Jean-Paul II), patronne de l'Amérique latine, patronne de la ville de Ponce à Porto Rico et patronne des étudiants du Pérou depuis 1951 (Pie XII)1
Elle est vénérée dans de nombreux foyers (le 12 décembre est le jour qui lui est dédié) et quelque quatorze millions de pèlerins se rendent tous les ans à la Basilique Notre-Dame de Guadalupe de Mexico.