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Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

Massimo Introvigne énumère ce qu'il nomme les trois noeuds du "voyage le plus difficile du Pontificat": la tradition anticléricale du Mexique, qui a connu il y a moins d'un siècle, la guerre des cristeros. Les affaires de pédophilie, au pays du Père Maciel, le fondateur des LC. Et enfin, Cuba, et l'énigme Castro. Mais il y a le protagoniste redouté des medias: le peuple catholique. (24/3/2012)


     



Mexique et Cuba
http://www.labussolaquotidiana.it/
Massimo Introvigne
24/03/2012
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Pour le bienheureux Jean-Paul II les voyages en Amérique latine étaient toujours de grandes fêtes. Un peuple immense dansait, chantait et scandait "Juan Pablo Segundo, te Quéré todo el mundo", "Jean-Paul II, le monde entier t'aime".
Pour Benoît XVI, le premier voyage sud-américain au Brésil en 2007, fut assez difficile (ndt: http://beatriceweb.eu). Une Église parcourue de frémissements de rébellion contre Rome dut être rappelé énergiquement à l'ordre. On a toutefois vu un véritable - et inattendu par la presse - enthousiasme populaire, en particulier à Sao Paulo à l'occasion de la canonisation du franciscain sant'Antonio de Sant'Ana Galvão (1739-1822), un personnage très cher à la dévotion populaire.

Au Mexique et à Cuba, le Pape aborde le voyage le plus difficile de son pontificat. Car il y a trois noeuds délicats qu'il ne sera pas facile de dénouer.

Le premier est la tradition anti-cléricale du Mexique. Le film qui vient d'être présenté à Rome, "Cristiada", rappelle comment dans l'histoire du Mexique, il y a eu une guerre, celle des Cristeros de 1926-1929 (ndt: Savez-vous qui sont les Cristeros?), entre ceux qui défendaient la liberté religieuse des catholiques et un laïcisme féroce déterminé à extirper la religion à coup d'églises détruites et de fusillades.
Le Bienheureux Jean-Paul II a liquidé cet héritage anticlérical presque comme un anachronisme. Mais aujourd'hui, le vieil anticléricalisme, qui n'a jamais vraiment cessé de répéter ses slogans dans la gauche mexicaine, se soude à de nouveaux lobbies comme celui du mariage gay, de sorte qu'une tradition laïciste typiquement mexicaine est alimentée et renforcée par un puissant sécularisme international, qui depuis longtemps a mis l'Eglise et le pape dans sa ligne de mire.

Le second noeud est celui des prêtres pédophiles. Du point de vue statistique, l'Amérique latine - en dépit de cas très déplaisants - n'a jamais eu un nombre élevé de prêtres accusés de pédophilie, comparable à l'Irlande ou aux États-Unis. Cependant, le Père Marcias Maciel Degollado (1920-2008), fondateur des Légionnaires du Christ, dont les dernières années de la vie - et encore plus après la mort - ont révélé une double vie, avec un nombre impressionnant de liens et de rapports sexuels, et d'abus, était mexicain.
Comme le Pape l'a avoué, il s'agit d'un des cas les plus mystérieux de l'histoire de l'Eglise, une exception au principe énoncé dans l'Evangile que nous reconnaissons l'arbre à ses fruits. Les fruits de l'arbre planté par Maciel sont les Légionnaires du Christ et les laïcs de Regnum Christi: ils ont certainement leurs problèmes, mais leur apostolat - le pape le rappelle toujours quand il parle du sujet - a donné des résultats excellents et souvent exemplaire. Sur Maciel et sa double ou triple vie, Benoît XVI - qui, avant de devenir pape, a été le premier au Vatican à soupçonner le prêtre mexicain et à solliciter des mesures contre lui - a utilisé des mots extrêmement sévères. Le Père Lombardi, le porte-parole du Vatican, a expliqué qu'il n'était pas prévu que le Pape, au Mexique, affronte le cas Maciel ou rencontre les victimes du fondateur des Légionnaires du Christ. Mais sans aucun doute, la presse laïque pensera à accompagner le voyage du Pape avec des références constantes à Maciel. On a déjà eu un hors-d'oeuvre avant même le départ de Benoît XVI, avec la publication - comme par hasard, en ce moment - de nouveaux documents sur les méfaits de Maciel et la réticence à prendre des mesures de la part du Bienheureux Jean-Paul II, lequel, ce n'est pas un mystère, ne pouvaits croire que le fondateur de deux œuvres méritoires fût coupable.
Cependant, toute discussion sur le cas Maciel doit toujours garder à l'esprit que, tandis que de nombreuses personnes - en application du principe de l'arbre et des fruits - doutaient de sa culpabilité, ce fut le cardinal Ratzinger qui agit contre lui avec la plus grande sévérité.

J'invite à réfléchir sur ce point avec d'autant plus de conviction que moi-même à l'époque - convaincu par l'argument selon lequel un mauvais arbre ne pouvait pas avoir donné de tels bons fruits, et agacé par un certain journaliste américain qui utilisait Maciel pour attaquer l'Eglise en général - j'avais écrit quelques articles qui suggéraient que le prêtre mexicain pourrait être victime de la calomnie. J'avais tort, et le cardinal Ratzinger avait raison. (ndt: saluons l'honnêteté de Massimo Introvigne).

La troisième difficulté attend le pape à Cuba, l'un des derniers pays communistes au monde, mais en même temps un pays profondément catholique. Déjà le 9 Janvier de l'année dernière, en parlant au Corps diplomatique, le Souverain Pontife a accueilli avec faveur les améliorations prudentes de la situation de la liberté religieuse dans l'île. Cette fois-ci, il rencontrera peut-être (ce n'est pas sûr) Fidel Castro en privé. Comme toujours dans ces cas, tout est entouré d'ambiguïté. Fidel Castro veut-il rencontrer le Pape pour lui parler de la conversion possible d'un homme mourant qui est aussi taché de nombreux crimes, et faire appel à la miséricorde que l'Église ne nie à personne, ou bien s'agit-il de la énième propagande-pirouette d'un manipulateur très habile? Et la visite sera-t-elle une aide à la transition «soft» vers post-communisme, ou sera-t-elle gérée par le système de manière à renforcer le pouvoir de Castro?

Les dissidents cubains, à commencer par l'écrivain en exil aux États-Unis Armando Valladares (Benoït XVI chez Fidel Castro?), auteur de nombreuses pages mémorables sur les atrocités de Castro, expriment des craintes en elles-mêmes compréhensibles, mais qui cependant, deviennent inacceptables lorsqu'ils mettent en doute les intentions de Benoît XVI, ou prétendent enseigner au Pape comment faire le Pape.

Des voyages comme celui à Cuba sont toujours à haut risque. Mais il serait peut-être bon de se rappeler combien les mêmes craintes que les voyages ne renforcent ou légitiment le régime communiste au pouvoir ont été régulièrement exprimées lors des premières visites du bienheureux Jean Paul II en Pologne. On sait comment cela s'est terminé. Il ne faut pas non plus oublier que ces points délicats et controversés peuvent faire oublier que parmi les objectifs du voyage, il y la célébration du bicentenaire de l'Amérique latine, qui a été pendant des années un important sujet de débat qui n'est pas seulement historiographique mais qui a d'importantes conséquences culturelles et politiques. Il sera intéressant de voir si et comment le Pape y fera allusion.

Enfin, il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit pas d'un voyage avec seulement deux protagonistes, le Pape et l'establishment politique et médiatique des pays qu'il va visiter. Il y a un troisième protagoniste, le peuple catholique. Les précédents voyages pontificaux ont tous montré que, pour inverser les pronostics défavorables, sur ce troisième acteur dérangeant - dérangeant surtout pour les pouvoirs forts, qui ne parviennent pas à en éteindre l'enthousiasme, ni à en contrôler les réactions - on peut toujours compter.