Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Consistoire

Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

Le catholique dans la Cité. Le sécularisme radical cherche à écarter l'Eglise du débat public; la nécessité de former un laïcat catholique conscient et critique face aux dérives de la modernité, prêt à témoigner publiquement sa foi, est une tâche primordiale de l'Eglise. Traduction complète. (20/1/2012)


Sur un ton exceptionnellement grave et dramatique, le Pape s'est adressé hier aux évêques américains en viste ad limina.
Il a dénoncé avec force les dangers que certains courants culturels particulièrement présents dans les milieux culturels et politiques, font courir au futur même du pays. Il s'inquiète des attaques contre la liberté relogieuse. Et il souligne l'importance d'un laïcat catholique bien formé, doté d'un sens critique fort vis-à-vis de la culture dominante. A moins d'un an des élections américaines, c'est une véritable "feuille de route" pour les catholiques américains, et on aimerait que certains de nos politiques s'en inspirent.

Chers frères Evêques,


Je vous salue tous avec une affection fraternelle, et je prie pour que ce pèlerinage de renouveau spirituel et de communion approfondie vous confirme dans la foi et votre engagement pour votre tâche en tant que pasteurs de l'Eglise aux Etats-Unis d'Amérique. Comme vous le savez, c'est mon intention, au cours de cette année, de réfléchir avec vous sur certains des défis spirituels et culturels de la nouvelle évangélisation.

Un des aspects les plus mémorables de ma visite pastorale aux Etats-Unis a été l'opportunité qu'il m'a offerte de réfléchir sur l'expérience historique de la liberté religieuse de l'Amérique et plus précisément la relation entre religion et culture. Au cœur de chaque culture, que ce soit perçu ou non, il y a un consensus sur la nature de la réalité et sur le bien moral, et donc sur les conditions de l'épanouissement humain. En Amérique, ce consensus, tel qu'il est consacré dans les documents fondateurs de votre nation, était basé sur une vision du monde façonnée non seulement par la foi, mais par un engagement à certains principes éthiques découlant de la nature, et de la nature de Dieu.

Aujourd'hui, ce consensus s'est érodé de façon significative face à de nouveaux et puissants courants culturels qui ne sont pas seulement directement opposés au noyau de l'enseignement moral de la tradition judéo-chrétienne, mais de plus en plus hostile au christianisme en tant que tel.

Pour sa part, l'Eglise aux Etats-Unis est appelée, à tout moment, à proclamer l'Evangile qui non seulement propose les vérités morales immuables, mais les propose précisément comme clé de la félicité humaine et de la prospérité sociale (cf. Gaudium et spes , 10).
Dans la mesure où certaines tendances culturelles actuelles contiennent des éléments qui veulent mettre un frein à la proclamation de ces vérités, ou l'enfermer dans les limites d'une rationalité purement scientifique, ou la supprimer, au nom du pouvoir politique ou de la règle de la majorité, elles représentent une menace non seulement pour la foi chrétienne, mais aussi pour l'humanité elle-même et pour la vérité la plus profonde de notre être et notre vocation ultime, notre relation à Dieu. Quand une culture tente de supprimer la dimension du mystère ultime, et de fermer les portes de la vérité transcendante, inévitablement elle s'appauvrit et devient la proie, comme le regretté Pape Jean Paul II l'a vu si clairement, d'une lecture réductionniste et totalitaire de la personne humaine et la nature de la société.

Avec sa longue tradition de respect du juste rapport entre foi et raison, l'Eglise a un rôle crucial à jouer dans la lutte contre les courants culturels qui, sur la base d'un individualisme extrême, cherchent à promouvoir des concepts de liberté détachés de la vérité morale. Notre tradition ne parle pas à partir d'une foi aveugle, mais bien d'une perspective rationnelle, qui lie notre engagement à bâtir une société authentiquement juste, humaine et prospère, à notre assurance ultime que le cosmos est doué d'une logique interne accessible à la raison humaine. La défense per l'Église d'un raisonnement moral fondé sur la loi naturelle se fonde sur sa conviction que cette loi n'est pas une menace pour notre liberté, mais plutôt un «langage» qui nous permet de nous comprendre nous-mêmes et la vérité de notre être, et donc de façonner un monde plus juste et plus humain. Elle propose donc son enseignement moral comme un message non pas de contrainte, mais de libération, et comme la base pour construire un avenir sûr.

Le témoignage de l'Église, donc, est de par sa nature, public: elle cherche à convaincre, en proposant des arguments rationnels sur la place publique.
La séparation légitime entre l'Église et l'État ne peut pas être interprétée comme signifiant que l'Eglise doit se taire sur certaines questions, ni que l'État peut choisir de ne pas s'engager, ou d'être engagé par la voix de croyants engagés dans la détermination des valeurs qui façonneront le futur de la nation.

A la lumière de ces considérations, il est fondamental que l'entière communauté catholique aux Etats-Unis réalise les graves menaces au témoignage moral public de l'Eglise, présentées par un laïcisme radical qui trouve toujours plus son expression dans les sphères politiques et culturelles. La gravité de ces menaces doit être clairement appréciée à tous les niveaux de la vie ecclésiale. Sont particulièrement préoccupants certaines tentatives faites pour limiter la liberté la plus appréciée en Amérique, la liberté de religion. Beaucoup d'entre vous ont souligné que des efforts concertés ont été faits pour nier le droit d'objection de conscience des individus et des institutions catholiques en matière de coopération à des pratiques intrinsèquement mauvaises. D'autres m'ont parlé d'une tendance inquiétante à réduire la liberté religieuse à la simple liberté de culte, sans garanties du respect de la liberté de conscience.

Ici, encore une fois, nous voyons la nécessité d'un laïcat catholique engagé, articulé et bien formé, doté d'un sens critique fort vis-à-vis de la culture dominante et avec le courage de lutter contre une laïcité réductrice qui délégitime la participation de l'Église dans le débat public sur des questions qui détermineront la future société américaine. La préparation de dirigeants laïcs engagés et la présentation d'une articulation convaincante de la vision chrétienne de l'homme et de la société restent une tâche primordiale de l'Eglise dans votre pays; comme composantes essentielles de la nouvelle évangélisation, ces préoccupations doivent façonner la vision et les objectifs des programmes de catéchèse à tous les niveaux.

À cet égard, je voudrais mentionner avec gratitude vos efforts pour maintenir des contacts avec les catholiques engagés dans la vie politique et pour les aider à comprendre leur responsabilité personnelle d'offrir un témoignage public de leur foi, surtout en ce qui concerne les grandes questions morales de notre temps: le respect de la vie, don de Dieu, la protection de la dignité humaine et la promotion des droits humains authentiques. Comme l'a observé le Concile, et comme j'ai tenu à le rappeler lors de ma visite pastorale, le respect pour la juste autonomie de la sphère laïque doit également prendre en considération cette vérité qu'il n'y a aucun règne des affaires du monde qui puisse être soustrait au Créateur et à sa domination ( cf. Gaudium et spes , 36). Il ne fait aucun doute qu'un témoignage plus cohérent de la part des catholiques de l'Amérique de leurs convictions profondes serait une contribution majeure au renouvellement de la société dans son ensemble.

Chers Frères dans l'Épiscopat, avec ces brèves remarques, j'ai voulu aborder certaines des questions les plus urgentes que vous devez affronter dans votre service à l'Evangile, et leur importance pour l'évangélisation de la culture américaine. Aucun de ceux qui se penchent sur ces questions de façon réaliste ne peut ignorer les réelles difficultés que l'Eglise rencontre dans le moment présent. Pourtant, pour la vérité, nous pouvons puiser du courage dans la prise de conscience croissante de la nécessité de préserver un ordre civil clairement ancré dans la tradition judéo-chrétienne, ainsi que de la promesse qu'offre une nouvelle génération de catholiques, dont l'expérience et les convictions joueront un rôle décisif dans le renouvellement de la présence et du témoignage de l'Église dans la société américaine. L'espoir que ces «signes des temps» nous offre est en soi un motif pour renouveler nos efforts afin de mobiliser les ressources intellectuelles et morales de la communauté catholique toute entière au service de l'évangélisation de la culture américaine et de la construction de la civilisation de l'amour.
Avec une grande affection, je vous recommande tous, avec le troupeau confié à vos soins, aux prières de Marie, Mère de l'Espérance, et vous donne de tout cœur ma Bénédiction apostolique, comme gage de grâce et de paix en Jésus Christ notre Seigneur.

(Texte original en anglais: www.vatican.va/ )