Affaire Cassez: un témoignage mexicain

Celui du Père Hugo Valdemar Romero, le porte-parole de l'archidiocèse de Mexico, traduit par Carlota: " les juges ont agi comme des pharisiens " (24/1/2013)

>>> Cf. Florence Cassez

Au moment où je lis sur un blog catholique d'une certaine notoriété que "La libération de Florence Cassez est une victoire de l'Eglise", je crois nécessaire de rééquilibrer quelque peu les faits, à défaut de rétablir la vérité.
Je me souviens qu'au moment du voyage apostolique triomphal du Saint-Père au Mexique, en mars dernier, le boycott médiatique, en France, avait été presque total, à l'exception de rumeurs autour d'une intervention de Benoît XVI en faveur de la française. Comme s'il n'allait là-bas que pour cela!!
Après coup, le JDD (un des medias du groupe Lagardère, curieusement très impliqué dans la défense de la Cassez) se fendait d'un titre vengeur:
Florence Cassez: le Vatican a échoué (cf. http://www.lejdd.fr ).
Que le Saint-Père ait été "tiré par la soutane" par des gens très influents, c'est plus que probable. Qu'il soit intervenu en faveur de la prisonnière, au nom de l'humanité... c'est possible (sans plus). Mais parler de "victoire" de l'Eglise, c'est un mensonge.

Carlota a enquêté.

     

Carlota, 24/1/2013
-------------
Certes je ne veux pas me mêler d’une affaire qui n’est pas de mon niveau et je n’ai pas été faire une enquête sur le terrain avec les moyens nécessaires (bref le job d’un vrai et bon journaliste d’investigation, qui ne se contente pas de faire du copier-coller de dépêches internationales dont la teneur correspond à ce que « ses patrons » veulent voir écrit), et pourtant la pluralité de l’information est normalement la caractéristique d’un pays vraiment libre.
D’un clic de souris, j’ai néanmoins cherché et trouvé immédiatement, ce que le Père Hugo Valdemar Romero, le toujours excellent et très courageux porte-parole de l’archidiocèse de Mexico depuis plusieurs années, vient de déclarer, sans langue de buis, sur l’affaire Cassez qu’il connaît bien, et au-delà sur la lutte que mène l’Église au Mexique, notamment contre l’avortement, le « mariage gay », etc.
Il avait déjà exprimé en son temps, la position de l’Église à Mexico en désavouant très officiellement les déclarations intempestives et très personnelles du responsable de la pastorale pénitentiaire de l’époque, concernant Florence Cassez.
Aussi, même si je peux admettre que le gouvernement de mon pays, la France, prenne des décisions politiques qui relèvent de la raison d’État (et donc normalement de l’intérêt commun du pays et non pas selon des critères idéologique, ou des intérêts particuliers même et éventuellement les plus estimables et les plus pathétiques), il me parait indispensable de laisser s’exprimer une voix officielle catholique mexicaine. Au vu de l’article que j’ai très rapidement traduit ci-dessous, les lecteurs français éventuels (et aussi électeurs) se feront d’eux-mêmes, peut-être, leur propre jugement sur cette affaire Cassez très médiatisée, alors que la France est en guerre au Mali (que des soldats français dans l’exercice de leur mission ordonnée par leur pays sont morts en Somalie), et que notre pays est confronté à de terribles défis intérieurs.
Article original ici: http://impacto.mx/

     

« Les juges ont agi comme des pharisiens »
Mercredi 23 janvier
------------
Hugo Valdemar, porte-parole de l’archidiocèse et primature de Mexico, a affirmé que les ministres de la cour suprême de justice de la nation (SCJN) ont agi comme des pharisiens, « avec cette hypocrisie que Jésus leur lançait au visage quand il disait : " vous filtrez le moustique, mais vous avalez le chameau" ; c’est ainsi que cela s’est passé avec le verdict » de la plus haute cours de justice du pays, qui a ordonné la libération immédiate de la citoyenne française Florence Cassez, accusée et condamnée comme responsable de séquestration et autres délits graves.

Valdemar a dit que le fait qu’il s’agisse d’une personne étrangère a eu son influence; «d’une manière abusive, l’ex-président français Nicolas Sarkozy est intervenu, à un certain moment, pratiquement en faisant du chantage au pays, et, maintenant, d’une manière plus discrète le président François Hollande, mais il n’y a pas de doute qu’ils ont exercé une pression qui me paraît indue, parce que le Mexique est un pays souverain et l’on ne doit pas intervenir dans son gouvernement, surtout quand il s’agit d’une délinquante ».

Il a dit que désormais, ce qui est laissé, c'est un message du pays « désastreux, qui rend justice aux étrangers délinquants; que les Mexicains sont sans défense et que le pays est laissé à l’arbitraire d’un pouvoir judiciaire qui se montre corrompu ».

Dans l’entretien avec l’Impacto El diario, Valdemar a dit que, devant le monde entier, le Mexique montre « qu’il n’a pas un système solide de justice et qu’il suffit d’une procédure technique, d’une interprétation de la loi pour laisser sortir une délinquante, ce qui est lamentable et par conséquent, fait beaucoup de tort aux victimes ».

Valdemar a regretté qu’à quelques jours de l’approbation de la Loi sur les Victimes, on nuise à des personnes qui ont souffert de la délinquance organisée en laissant en liberté « une femme qui est venue faire du mal au Mexique et qui maintenant rentre dans sa patrie comme une héroïne ».

Interrogé sur s’il faut évaluer l’action de la SCJN, le porte-parole de l’archidiocèse-primature de Mexico a rappelé que la plus haute juridiction du pays a le dernier mot « la résolution que ses membres ont prise ne peut pas être inversée, au niveau judiciaire, il n’y a plus rien de plus à faire ».

Il a souligné que c’était maintenant au Parlement de faire une évaluation de la situation juridique des membres, pour voir si l’on pourrait leur appliquer "un jugement politique", comme cela se passe avec les députés ».

Valdemar a commenté ainsi les déclarations d’Ezequiel Elizalde, victime de Florence Cassez, qui a déclaré que le Mexique, c’était de la m.. : « c’est compréhensible qu’une personne qui a été profondément blessée, qui a souffert dans sa chair à l’occasion d’une situation aussi délicate que celle d’une séquestration, se soulage de cette façon, il me semble que c’est respectable».

Le Père Hugo Valdemar a déclaré que les Mexicains travaillent afin que le Mexique devienne un pays digne, où l’on peut vivre sans la peur de l’insécurité et des délinquants: « ce ne sera possible que lorsque sera instauré un véritable état de droit du système judiciaire, qui se fasse respecter, malheureusement, ce type de décision qui vient d’être prise fait que les gens ont peu de respect ».

Valdemar a regretté l’action de la Cour Suprême ces dernières années (1); « d’abord, on n’a pas pris en compte le droit à la vie avec l’approbation de la Loi sur l’avortement, que ses membres ont ratifiée ; ensuite, on n’a pas respecté le droit des enfants à avoir un père et mère, et ils ont été en faveur de l’adoption par des couples de même sexe, et maintenant, on libère une délinquante, qui a commis des séquestrations, par une simple procédure judiciaire, sans prendre en compte la douleur des victimes, il y a une suite d’impunité que nous avons vécue dans le pays ; ils n’ont pas témoigné un minimum de sensibilité et ils ont décidé de relâcher cette dame, la laisser libre, sans aucune considération pour les victimes ».

Le Père Hugo Valdemar a déclaré, sur ce sujet, que les associations civiles qui travaillent contre la délinquance et l’impunité doivent faire pression sur les législateurs en leur réclamant un meilleur cadre judiciaire, avec des juges dignes qui exercent leur métier d’une manière responsable ; « c’est un long chemin, mais l’on doit commencer à le mettre en œuvre. Même si cela nous prend beaucoup de temps, ce n’est pas ce qui importe ».

* * *

Notes complémentaires:
--------------
(1) Le Père Hugo Valdemar n’avait pas hésité lors des dernières campagnes électorales à demander aux catholiques de l’archidiocèse de Mexico, de réfléchir à leur vote par rapport aux programmes des partis et aux points non négociables de l’Église Catholique, ce qui bien évidemment avait profondément déplu au Parti de la Révolution Démocratique PRD (le Mexique est un état fédéral et les lois votées dans le district de Mexico, peuvent être différentes de celles d’autres états de l’Union. Le district fédéral de Mexico est en particulier « en avance » sur les lois sociétales. Le PRD est un parti de gauche qui se considère comme l’un des héritiers historique du Parti Révolutionnaire Institutionnel - PRI (parti des présidents mexicains entre 1929 et 2000 et de nouveau depuis 2012 – le PRI, laïc et maçon, fut le grand persécuteur des Cristeros…) et du Parti communiste mexicain. Il fait partie de l’internationale socialiste (le directeur d’Infocatolica avait chaudement soutenu l’attitude courageuse du père Valdemar voir ici en vo.

(2) Même si le document ne prend pas en compte les derniers prêtres victimes des « gangs » au Mexique, il est intéressant de consulter la fiche que consacre à ce pays l’AED.
Et j’aurais vraiment tendance à dire Bravo Père Hugo Valdemar.