Démission: la lettre de Jeannine

12/2/2013

Chère Béatrice,

Un bandeau au bas de l'écran de LCI et mon mari est arrivé me dire: le Pape démissionne. Je n'ai prononcé que deux mots : Mon Dieu et je suis partie dans son bureau pour entendre les éternelles platitudes.

Lorsque je vous écrivais ces derniers temps j'essayais de ne pas trop montrer l'inquiétude qui m'habitait lorsque je constatais toutes les marques de fatigue qui s'accumulaient trop vite à mon goût. Je suis persuadée que Benoît XVI a pris la bonne décision. Je lui rends un vibrant hommage pour cette sage renonciation, mûrie et réfléchie dans la prière, l'humilité, l'effacement, la parfaite connaissance de ce qu'il devrait encore faire et la juste évaluation de ce qu'il peut encore donner.
Son pontificat que je qualifie de très riche a été un véritable acte de courage, d'abnégation. Il n'a jamais cédé à la personnalisation de sa fonction, acceptant tous les coups, assumant les zones d'ombre antérieures à son élection, restant toujours la bête de somme du Seigneur. Je bénis le Ciel de l'avoir connu, étudié, apprécié, aimé. Pendant qu'il va continuer sa vie dans la prière, dans l'enfouissement, moi je vais poursuivre l'exploration de toutes les richesses qu'il nous laisse. Je vous l'avais mis dans une lettre je le suivais avec les yeux mais aussi avec le cœur.

Il va retrouver ses livres, à l'abri des médias, dans le calme, la solitude (selon le Père Lombardi) et ce sera très bien pour lui. Il va redevenir Joseph Ratzinger, ce qu'il a toujours été, n'ayant plus à jouer un rôle qu'il n'appréciait pas mais qu'il tenait malgré les vents contraires. Il s'est usé pendant huit années, rien ne lui aura été épargné. Il effectue une sortie digne, demandant pardon à ses collaborateurs pour ses défauts, tout est prévu : son séjour à Castelgandolfo, ce lieu qu'il aime tant, sa non-particpation au conclave ( toujours d'après le Père Lombardi).

Belle lucidité, grand détachement, profond oubli de soi, humilité parfaite : tout ce que j'aime dans cette grande intelligence.
Je suis partagée entre ma peine, mon inquiétude pour sa santé et ma joie de le voir quitter ce Vatican qui, pour moi, est un vrai nid de frelons. Il va retrouver la vraie vie, pour lui. C'est ma profonde affection qui me permet de dire cela.

Du fond du cœur je le remercie d'être ce qu'il est et d'avoir le courage de se retirer en nous laissant l'image de l'évêque de Rome en soutane blanche, les bras grands ouverts pour embrasser la foule, avec un sourire si doux mais qui devenait plus rare, moins lumineux. Ceux qui disaient qu'il nous étonnerait ne se trompaient pas; même sa sortie est surprenante en apparence. Pour ceux qui ont lu ces ouvrages, ces textes, ses discours, il y avait, pour qui faisait bien attention, des mots, des phrases qui parlaient de lui

Je vous laisse, j'ai beaucoup de peine et ici je ne peux pas la montrer.

Je vous embrasse très fort, bon courage pour la suite.

Jeannine