Des nouvelles du pélerin de Castelgandolfo

Premières images dans CHI, un magazine italien, "people" apparemment bienveillant. Et le télégramme "service minimum" des cardinaux au Pape émérite (6/3/2013, mise à jour le 7)

Dans un premier temps, je ne voulais pas en parler, dans le souci de préserver l'intimité du saint-Père.
Mais comme la nouvelle est reprise par la grande presse italienne (ici Il Giornale), je crois qu'il ne s'agit plus d'un secret à garder.
Et puis, beaucoup de gens seront heureux de savoir que le saint-Père se promène dans les jardins des villas Pontificales de Castelgandolfo, entouré, de manière pas seulement symbolique, comme un père de famille très aimé, des personnes qui vivent avec lui. C'est une image très belle, et très réconfortante.

Reportage sur une chaîne italienne ici: http://www.video.mediaset.it/

     

Casquette, écharpe et chapelet: la nouvelle vie de Ratzinger
Première photo du pape émérite après l'adieu: promenade à Castel Gandolfo avec le fidèle Georg
Il Giornale, 6 mars
(Raffa)
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«Caché au monde», mais pas aux photographes. Voici, au cinquième jour du pape émérite, la première image de Joseph Ratzinger, publiée par l'hebdomadaire "Chi" (ndt: du groupe Mondadori, propriété de la famille Berlusconi: j'ai acheté le journal sur ma tablette, et l'article est vraiment très bienveillant, ce qui prouve, entre autre, qu'il y a des lecteurs à satisfaire).
C'est un document historique à sa manière. Qui nous restitue exactement le Ratzinger auquel nous nous attendions. Un homme modeste, courbé, priant dans les jardins du Palais apostolique de Castel Gandolfo accompagné par son secrétaire personnel, don Georg Gänswein, qui marche à ses côtés.
L'objectif les encadre tandis qu'ils marchent le long d'une allée dans la verdure, parmi les arbres, les haies et un coin de prairie. On peut imaginer qu'ils récitent le chapelet: Benoît XVI avait l'habitude de se promener dans les jardins du Vatican avec la couronne de l'Ave Maria. Derrière eux, presque entièrement cachée par un arbre, on entrevoit juste une troisième figure vêtue de noir, peut-être l'un des quatre « Memores domini» qui ont voulu suivre Ratzinger aussi dans cette «dernière étape de mon pèlerinage sur cette terre», comme il l'a dit en prenant congé [ndt: en réalité, l'autre photo, une capture d'écran de la "5" italienne, prouve que les memores sont effectivement aux côtés du Saint-Père].

Le Pape a froid. Il porte la soutane, une parka, une écharpe et une casquette avec une visière, le tout blanc. Avec sa main droite appuyée sur la canne noire qu'il utilisait en quittant le Vatican, tandis que la gauche est cachée dans la poche de sa veste, et probablement égrène le chapelet. Aux pieds, Ratzinger porte les fameuses chaussures marron, et plus les rouges de Pontife, dont ont discuté durant des jours les passionnés de l'habillement post-papal.

Les chaussures sont le seul signe extérieur du changement advenu. Benoît XVI a renoncé à «l'exercice actif du ministère», au «pouvoir de l'office du gouvernement de l'Église», comme il l'a dit à l'audience de mercredi dernier, mais il reste un homme «engagé pour le Seigneur pour toujours et à jamais». Ajoutant: «Celui qui accepte le ministère pétrinien n'a plus aucune vie privée». Le tournage de 'CHI' confirme aussi cette vérité.

«Je suis un pèlerin», furent ses paroles depuis le balcon de Castel Gandolfo. Vieux et fatigué, le pèlerin Ratzinger chemine et prie, immergé dans la verdure, le silence. En bordure de l'allée, on entrevoit une très haute clôture, l'emblème de cette «enclos de Saint-Pierre», dans lequel le pape a décidé de se taire. Benoît XVI est courbé, le poids des fatigues ne l'a pas abandonné, mais il n'est pas seul il ya quelqu'un à côté de lui, et la figure du père Georg enveloppé dans un manteau noir qui lui descend jusqu'aux pieds semble catalyser les prières des fidèles.

Hier, aux invocations du peuple se sont ajoutés les remerciements des «grands électeurs» du prochain Pape: (1)
« Les pères cardinaux réunis au Vatican pour leurs congrégations générales en vue du prochain Conclave – peut-on lire dans le texte envoyé par le Cardinal Sodano – vous adressent en chœur un profond salut avec l’expression de leur gratitude renouvelée pour tout votre lumineux ministère pétrinien et pour l’exemple que vous leur avez donné d’une sollicitude pastorale généreuse, pour le bien de l’Eglise et du monde. Leur gratitude veut représenter toute la reconnaissance de l’Eglise pour votre travail inlassable dans la vigne du Seigneur. Les membres du collège cardinalice s’en remette à vos prières pour eux comme pour toute l’Eglise ».

C'est une curieuse coïncidence que ce télégramme ait été envoyé le jour où est parue la première photo du Pape émérite.
Le message est un geste courtois et reconnaissant, mais on y capte aussi un goût d'obligation un peu lourd .
Sodano avait été très efficace dans la Salle Clémentine, le dernier jour de son pontificat, avant que Benoît XVI ne salue un par un tous les cardinaux: évoquant les disciples de Emmaüs, il a dit que «nos cœurs brûlaient aussi tandis que nous cheminions auprès de vous pendant ces huit années».
Maintenant, le pape émérite est à Castel Gandolfo et les cardinaux s'emploient à trouver qui élire, ils veulent être informés sur Vatileaks, l'IOR, les scandales, la Curie et le gouvernement de l'Église. Oui, il y a une place pour eux dans le chapelet de Benoît XVI, récité dans la paix de Castel Gandolfo.

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(1) Luigi Accattoli parle d'un "froid télégramme" (ndt: la première a avoir réagi en ce sens est Raffaella)
(Source)
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Les cardinaux réunis en «assemblée générale» ont envoyé des «salutation dévouées à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI émérite» avec un télégramme signé par le Cardinal Angelo Sodano, doyen.
La faute n'en revient sans doute pas au Cardinal Doyen, mais l'événement si nouveau de la «renonciation» du pape Benoît ne pouvait causer un écho plus ringard que celui contenu dans le télégramme des Cardinaux.
On dirait que le service qui l'a rédigé a utilisé le schéma d'un message ordinaire de «félicitations», disons pour le cinquantième anniversaire d'ordination d'un cardinal, où il y a toujours le «pieux» salut, «la gratitude renouvelée» la «généreuse sollicitude».

Imaginons que Ratzinger-Benoît ait quand même apprécié que les cardinaux lui aient adressé une pensée, s'adressant à lui avec le titre de «Pape émérite», qu'il avait choisi pour lui-même.
Mais comme un télégramme venu de Moscou, signé par le patriarcheCyril, lui était arrivé quelques heures plus tôt, le pape de la renonciation n'aura pas pu ne pas sentir la différence dans le ton et l'affection.
Cyril le salue «en ces jours si particuliers» avec «amour fraternel», il rappelle la décision de quitter le Pontificat comme «un geste de simplicité et d'humilité» qui a trouvé «une vive réponse dans le cœur de beaucoup».
Il rappelle la «chaleur» des rencontres avec lui quand il était cardinal et lui souhaite «une bonne santé et une longue vie».
La matière pour dire quelque chose existait donc, et à Moscou, ils l'ont saisie mieux qu'au Vatican .
Peut-être parce que parfois la distance aide...;

Mise à jour

Le Corriere della Sera revient dans un article (de Paolo Conti) sur les "photos volées" au Pape Benoît XVI, et c'est vrai qu'elles soulèvent un problème moral, même si elles apportaient, tous comptes faits, une bonne nouvelle, raison pour laquelle, après avoir réfléchi, je les ai publiées. D'autant plus qu'elles ont été immédiatement vendues à ... Paris Match, qui n'est pas précisèment un exemple de déontologie.
Elles auraient été prises depuis le balcon d'une maison ayant vue sur le parc papal, dont la proprétaire s'est souvenue qu'elle comptait parmi ses amis un photographe... Tiens donc! Je suppose que l'appât du gain n'est pas étranger à son retour de flamme.
Ces photos ont d'ailleurs suscité un fort agacement chez les responsables de la sécurité et le Directeur des villas pontificales Saverio Petrillo. Car elles ne manquent pas de soulever des questions sur la sécurité du Saint-Père, justement.
Dans sa denière catéchèse, mercredi 27 février dernier (huit jours déjà), Benoît XVI rappelait qu'un Pape renonce pour toujours à sa vie privée.
Il disait vrai.
Oui, comme le conclut l'auteur de l'article, "être Pape est un dur métier"!