Essayer de convaincre mais accepter les coups

Carlota a traduit le très beau commentaire de JL Restàn à la splendide homélie de l'Epiphanie (9/1/2013)

Il ne s’agit pas de lancer la vérité comme si c’était une pierre qui se brise à la tête de l’autre, mais de convaincre et d’inviter. Le témoignage chrétien ne prétend pas exacerber la contradiction mais obtenir la reconnaissance de ce qui est vrai.

On sent bien que ce qu'a dit le Saint-Père (qui comme d'habitude, met la barre très haut) s'adresse aussi à nous!
Mais que c'est dur!

Cf.
Messe de l'Epiphanie...

     

Essayez de convaincre mais accepter les coups
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L’agnosticisme régnant est bien loin d’être un jardin de tolérances.
Benoît XVI l’a dit dans sa splendide homélie sur les Mages venus d’Orient qu’il a placés à nouveau comme miroir dans lequel regarder le profil de l’évêque, conscient peut-être de ce que sa grande tâche de revitalisation de l’Église passe à travers une rénovation de l’épiscopat.

Comme le dit le Pape l’agnosticisme actuel a ses dogmes et est extrêmement intolérant face à tout ce qui est met en question ses critères. C'est pourquoi le courage de contredire les opinions dominantes est une condition particulièrement urgente pour le ministère épiscopal.

Il suffit de feuilleter les pages d’un quelconque journal au hasard pour s’en rendre compte. Benoît XVI lui-même a souffert d’insultes brutales ces jours-ci pour avoir dénoncé les mensonges de l’idéologie du genre, et non pas seulement depuis les réseaux sociaux mais aussi de dignes institutions démocratiques comme le Ministère des Affaires Étrangères hollandais.

Et ici en Espagne, rien que le porte-parole d’un gouvernement autonome, celui de l’Andalousie, vient de demander une muselière pour l’évêque de Cordoue (1). Peut-être que ce personnage a étudié la démocratie à la Loubianka (2), mais en réalité l’affaire n’est pas nouvelle. Le Pape recrée d’une façon très vivante ce qu’a dû signifier pour les Rois Mages le fait d’affronter les moqueries et railleries des « réalistes » de leur temps quand ils ont décidé de se mettre en route en suivant le signe de l’étoile. L’humilité de la foi se trouvera toujours en conflit avec l’intelligence dominante de ceux qui se conforment à ce qui en apparence est sûr

Donc l’évêque devra être courageux, mais en quoi consiste ce courage ? Le Pape précise qu’il ne consiste pas à donner des coups violemment, dans l’agressivité, mais au contraire, en se laissant frapper et en affrontant les critères des opinions dominantes… en restant fermes avec la vérité.

Évidemment il ne s’agit pas ici d’un goût morbide de l’insulte ni de flatter le rôle de victime. Le Pape explique que « comme les Apôtres, nous voulons convaincre les personnes et, en ce sens, atteindre l’approbation. Logiquement nous ne provoquons pas, mais tout au contraire, nous les invitons tous à entrer dans la jouissance de la vérité qui montre le chemin ».

Il me semble que Benoît XVI est l’image vivante de cet effort qui cherche à persuader la raison et le cœur de l’homme contemporain. Il ne s’agit pas de lancer la vérité comme si c’était une pierre qui se brise à la tête de l’autre, mais de convaincre et d’inviter. Le témoignage chrétien ne prétend pas exacerber la contradiction mais obtenir la reconnaissance de ce qui est vrai. Parce que, que pouvons désirer d’autre si ce n’est que les hommes écoutent cette annonce et la suivent ?

Mais en aucun cas l’opinion dominante ne sera jamais le critère auquel doit se soumettre le chrétien, encore moins l’évêque, qui doit cheminer devant, en ouvrant le passage et en signalant la route vers la foi, l’espérance et l’amour. Le critère ne peut être que le Seigneur, qui comme l’a signalé si souvent Benoît XVI, dépasse les limites de notre raison mais jamais ne s’y oppose. Et cela arrive toujours, depuis la prédication de Jésus jusqu’ à notre époque : l’annonce de l’Évangile attire beaucoup de personnes vers le foyer de l’Église, tandis qu’il en inquiète et en interroge d’autres… (3). Mais il est arrivé aussi et il arrivera que le témoin (et l’évêque doit être le premier dans ce témoignage) reçoit inévitablement les coups de ceux qui combattent la Vérité. Dans un tel cas (jamais voulu ni recherché), il ne nous reste qu’à rendre grâce, pour avoir pu participer à la Passion du Christ.

L’évêque (le premier témoin) n’offre pas un discours séparé de sa propre vie mais doit montrer avec sa propre existence la Vérité de ce qu’il annonce, et ceci implique de s’exposer, d'être disposé à payer le prix.
Arrivés à ce point nous pourrions nous demander : et tout cela, pourquoi ?
Il faut revenir à la première partie de l’homélie du Pape, quand il explique que comme les Mages d’Orient, un évêque ne doit pas non plus être quelqu’un qui se contente de réaliser son travail d’une belle et efficace manière, et c’est tout. Il doit être un homme possédé de la même inquiétude de Dieu pour les hommes, rien de moins ! Il doit être un homme à qui importent les hommes, qui se sent touché par les vicissitudes des hommes. Et qui sait qu’il n’y en aura réellement que bien peu que sa propre récolte aura fait naître. Ce n'est que dans la mesure où il pourra refléter Dieu, où il leur ouvrira le chemin pour arriver à Lui, qu'il aura servi véritablement à ceux dont le bonheur se consume.

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Notes de traduction
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(1) Il s’agit de Miguel Ángel Vázquez Bermúdez (journaliste né en 1965) qui a écrit un article sur son blogue personnel, en réaction à la lettre hebdomadaire de Mgr Demetrio Fernández (nous avons déjà traduit une de ses lettres sur la fornication qui avait fait aussi grand bruit chez ceux qui l’ont érigée ou voudraient qu’elle soit érigée en divinité). Le prélat reprenait tout simplement et très calmement les discours du Pape en rappelant ce qu’était l’idéologie du genre (cf ici en vo sa lettre intitulé « L’idéologie du genre brise la famille » ). L’attaque du porte-parole socialiste a été suivie d’un communiqué du mouvement « l’Aire de Liberté d’Expression Affectivo-Sexuelle » de la Gauche Unie d’Andalousie » qui a demande à l’évêque qu’il cesse de s’exprimer ainsi et a lancé une campagne contre lui sur les réseaux sociaux. De nombreux portails catholiques se sont montrés outrés d’une telle attaque et le porte parole du gouvernement andalou a alors écrit, toujours sur son blog, (je résume en substance), que la métaphore de la muselière n’était pas heureuse, néanmoins il ne fallait pas s’arrêter à ce terme qui était utilisé par ses détracteurs comme arbre pour cacher la forêt. Globalement en parlant de « reconnaître ses erreurs », il n’a fait que les « argumentaires » de fond des pro-idéologie du genre que nous connaissons aussi en France (cf en vo ici).

(2) Loubianka (Лубянская) en référence au fameux immeuble, à Moscou, d’une compagnie d’assurances, qui devient après la Révolution d’Octobre 1917, à la fois siège et prison-lieux de torture de la Tchéka puis du KGB.

(3) Il y a peut-être aussi le désir de détruire ce qui intérieurement met mal l’aise et renvoie à sa propre identité et son propre destin… ? Plutôt que de se regarder dans le miroir, il paraît plus confortable de le briser, sans que cela soit clairement exprimé dans la conscience et l’intellect.