La renonciation du Pape vue par la CEF

Un sens des priorités surprenant. Quelques belles réactions d'évêques, cependant (19/2/2013)

>>> Relire aussi la belle réaction de Mgr Aillet.

     

Il faut descendre un peu bas dans la page d'accueil du site de la CEF, pour trouver un tout petit "bloc" intitulé "Saint-Siège". Et le départ de Benoît XVI ne saute pas directement aux yeux. C'est, pour la CEF une nouvelle de même niveau d'intérêt que la nomination de Mgr Percerou évêque de Moulins.
Certes, il y a un "dossier" , mais son accès est si "caché" qu'il pourrait bien passer inaperçu aux visiteurs moins concernés que moi.

Si je puis me permettre un conseil au webmaster, il aurait dû - il devrait - y avoir un bandeau tout en haut de la page d'accueil, avec une photo du Pape, et un lien direct au dossier. C'est le B-A-Ba, et cela aurait été la moindre des choses.
Etrange sens des priorités, donc, même si, sans doute le Saint-Père lui-même n'aurait pas souhaité davantage...
Le communiqué du Conseil Permanent de la CEF, signé André Vingt-Trois, est de son côté aussi sec qu'une circulaire administrative: service minimum jusqu'au bout!.

Dans le dossier, une rubrique est consacrée aux "réactions de nos évêques" (j'en ai compté une trentaine, pour une centaine de diocèses... où sont les autres?).
Il s'agit, bien sûr, d'un exercice convenu, et il est difficile de séparer la part des sentiments et la nécesité de l'information.
La plupart de ces propos sont très beaux, et chacun d'eux, lus aux moments de grande crise, m'auraient transportée d'enthousiasme. Aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'ils viennent un peu tard.

Curieusement, parmi les réactions, il n'y a pas celle de Mgr Grua évêque de Saint-Flour, reproduite ici: (et heureusement, pas non plus celle de Mgr Minnarath!!)

     

La réaction de Mgr Grua

http://catholique-saint-flour.cef.fr/merci-benoit-xvi.html
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Nous avons maintenant tous appris la nouvelle : le Pape Benoit XVI a librement décidé de renoncer à sa charge d’évêque de Rome, successeur de Pierre. Sa santé déclinante l’a amené à cette décision.
Je salue ce beau geste de liberté intérieure. En quelques heures nous sommes passés de l’incrédulité, à l’émotion, aux questions. Il faut dire que nous sommes la première génération de l’histoire de l’Eglise à apprendre si rapidement et tous ensemble une telle nouvelle et depuis sept siècles nous étions si habitués à voir les papes mourir à la tâche qu’une autre situation nous paraissait, jusqu’à hier, impensable. Le choc à peine passé, l’heure n’est pas au bilan. Laissons l’histoire faire son œuvre. L’humble sillon ouvert par Benoit XVI n’a pas fini de révéler sa fécondité.
Je voudrais plutôt vous partager mes réactions, toutes personnelles, au lendemain de cette annonce. Je les résume en trois mots :

Emotion : depuis huit ans nous avions appris à connaitre, à aimer Benoit XVI. Une personnalité si différente des caricatures qu’une presse bien intentionnée nous en avait donné. Nous avons découvert un homme humble, frère parmi ses frères, à la qualité d’écoute impressionnante comme si seul au monde comptait dans l’instant son interlocuteur, dont l’accueil souriant et bienveillant invitait à un dialogue de confiance. En « visite ad limina » il y a deux mois nous en étions tous impressionnés et nous nous le sommes dit entre évêques. Cet homme est attachant. Comme tous les évêques qu’il a nommés je reçois aujourd’hui, d’une manière toute particulière, avec émotion et une certaine peine l’annonce de son départ.

Action de grâces : Dieu a beaucoup donné à son Eglise par le ministère de Benoit XVI. Peut-être l’ l’opinion ne l’a-t-elle pas encore perçu car si sensible au rythme et aux éclats médiatiques, mal disposée à entendre une parole qui l’ébranle dans ces certitudes. Mais l’acuité intellectuelle de ce pape, doublée de son attention pastorale, la clarté de sa parole, le courage de ses décisions, jusqu’à la dernière, ont semé des germes qui, je n’en doute pas, porteront du fruit. Benoit XVI a servi inlassablement la Vérité qui est le Christ. Nous avons pu nous appuyer en lui sur la foi de Pierre. Nous l’avons vu audacieux parfois dans le dialogue, tenace dans les preuves qu’a traversées l’Eglise.

La décision qu’il vient d’annoncer signe la profondeur vie spirituelle de ce pape. Elle révèle un serviteur de Dieu préoccupé du seul souci de servir. Si Jean-Paul II nous a appris, dans sa maladie, la dignité de toute personne humaine même défigurée, Benoit XVI nous apprend, en fidélité à l’Evangile, que toute autorité est humble service des frères.
Je vous invite à rendre grâces en Eglise diocésaine pour ces dons reçus. Une messe d’action de grâces sera célébrée en la cathédrale de Saint-Flour
le mercredi 27 février à 17h30.
Je souhaite qu’elle soit une véritable célébration diocésaine. Merci de transmettre cette invitation à vos communautés.

Confiance : la situation est inédite mais nous n’avons pas de raison de nourrir une inquiétude particulière. L’Eglise ne se résume pas à la personne du Pape, quelle que soit l’importance de sa mission. Elle vit de la foi et de l’engagement de chacun des baptisés, du ministère des évêques, des prêtres et des diacres. Elle continue son chemin.
Le collège des cardinaux va avoir la mission de désigner un successeur. Inutile de faire des pronostics et de jouer au tiercé ! La démarche des cardinaux consiste à discerner dans la réflexion et la prière, non pas seulement celui qu’ils jugent le plus apte mais celui que Dieu choisit comme successeur de Pierre. Nous accueillerons leur décision dans la foi et la paix. Et nous prions déjà pour eux et pour celui, qui dans la foi acceptera cette mission.
+ Bruno Grua

     

Quelques réactions sur le site de la CEF

Mgr Henri Brincard (Puy en Velay)

Le pape Benoît XVI a annoncé ce matin en des termes émouvants qu’il renonçait au ministère d’évêque de Rome à partir du 28 février prochain. J’en suis évidemment ému.
Le Saint-Père a une place unique dans l’Église, et en même temps, Benoît XVI est un pape exceptionnel. Tout au long de son pontificat, il a montré une grande profondeur spirituelle, une intelligence lumineuse, sachant discerner dans notre époque ce qui est essentiel pour la vie chrétienne et ce qui est incompatible avec le respect de l’homme. Je voudrais exprimer mon admiration, mon affection et ma reconnaissance envers lui.
Benoît XVI est toujours resté un pape d’une grande humilité auquel la grâce du gouvernement n’a pas manqué. Le courage est une des caractéristiques de son pontificat. Rappelons-nous son attitude quand il a été élu pape. Il quitte sa charge avec les mêmes qualités qu’il a montrées dans l’acceptation et l’exercice de sa mission.
J’ai eu le bonheur de rencontrer Benoît XVI plusieurs fois en audiences privées. Il m’a souvent été demandé ce qui m’a frappé. J’ai répondu et je suis heureux de le redire aujourd’hui : « Le Saint-Père fait aimer l’Eglise. Sa bonté, la simplicité de son accueil, la pertinence des questions qu’il pose, la clarté de ses réponses alliant humilité et profondeur, stimulent le désir d’aimer plus et de servir mieux.

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Eric AUMONIER, Versailles
La liberté du pape

Benoit XVI vient d’annoncer qu’il renonçait à sa charge le 28 février prochain, au début du carême.
Cette décision est un acte pleinement libre posé par le « serviteur des serviteurs de Dieu ».
Le Pape a assumé complètement et jusqu’au bout la charge écrasante du pontificat. A 86 ans, il estime ne plus avoir la force de l’assumer et pose cet acte d’amour pour l’Eglise, faisant confiance à l’Esprit-Saint pour lui trouver un successeur plus jeune.
Son pontificat, dans la droite continuité avec son prédécesseur Jean-Paul II- mort, ne l’oublions pas, à 85 ans, et dont il était le plus proche collaborateur et l’ami- demeurera marquant :
Benoit XVI fut tout, sauf un pape de transition. Il aura profondément touché les jeunes –et les moins jeunes- faisant figure d’un père bienveillant. Benoit XVI ne cherchait pas à plaire : il cherchait à servir la Vérité de l’amour de Dieu.
A travers son enseignement, il a toujours cherché à mettre en lumière avec clarté et profondeur le message du Christ pour notre temps, en déployant les richesses et la vitalité de la tradition de l’Eglise, en osant affronter les questions nouvelles.
Serviteur infatigable, son engagement personnel dans le dialogue interreligieux, l’œcuménisme ou encore la main tendue à la fraternité Saint Pie X et les mesures prises pour faire la clarté sur les crimes de pédophilie ont mis en lumière son courage au service de l’Eglise.
Nous avons pu mesurer la générosité de son accueil et la profondeur de son écoute paternelle et fraternelle lors de notre dernière visite ad limina à Rome en novembre 2012. Le Pape, avec sa bonté et son intelligence, attentif à chacun, paraissait à la fois à la limite de ses forces et plein de confiance en Dieu.
C’est cette même confiance qui nous guide aujourd’hui pour l’avenir de l’Eglise catholique.
Nous exprimons à Benoît XVI notre immense gratitude. Notre prière pour lui ne cesse pas pour autant. Nous le recommandons à la grâce de Dieu, Avec lui nous attendons dans la paix le nouveau Pape qui nous sera donné.

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Maurice de Germiny, Blois

L’effet de surprise étant retombé, il convient de retenir et de mettre en œuvre la leçon magistrale que Benoît XVI nous a donnée par sa décision et les huit années de son pontificat.
Etre cohérent, vivre la cohérence.
Lorsque durant le Concile Vatican II, Joseph Ratzinger étant expert du cardinal Frings, archevêque de Cologne, pouvait-il imaginer qu’il s’appliquerait un jour la disposition vingt et une du décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Eglise et qui traite de la renonciation des évêques à leur charge « si du fait de leur âge ou pour toute autre raison grave, ils deviennent moins aptes à remplir leur tâche » ? Le code de droit canonique précise que la renonciation du Pontife romain, l’Evêque de l’Eglise de Rome « soit faite librement et dûment manifestée » (Can 332,2).
Par sa renonciation, Benoît XVI a une fois de plus mis en œuvre le concile. A sa manière, le 11 février, il a fêté l’anniversaire de Vatican II non pas en soufflant 50 bougies mais en allumant une flamme de liberté, une vive flamme d’amour.
Quelle cohérence entre foi et raison !
Il fallait la tranquille audace d’un théologien mystique et la connaissance passionnée de la condition humaine pour rédiger l’encyclique « Dieu est amour ». Beaucoup furent étonnés de ce qu’exprimait le Pape sur l’amour, « eros » et « agapè ».
Ne passa pas non plus inaperçue cette déclaration : « La charité n’est pas pour l’Eglise une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer » (25).
Là encore, quelle cohérence entre foi et amour !
« Lumière du monde » est probablement le livre le plus lu de Benoît XVI.
Juste une citation qui prend un singulier relief aujourd’hui : « Il n’est pas obligatoire que chaque pontificat ait une toute nouvelle mission à remplir. Il s’agit à présent de continuer et de saisir la dramaturgie de l’époque, de maintenir en vie la parole de Dieu comme parole décisive et en même temps de donner au christianisme cette simplicité et cette profondeur sans lesquelles il ne peut pas agir » (p. 95).
Ici toujours, cohérence entre foi et culture !

Chers amis, le Carême que nous entreprenons n’est-il pas un appel à être cohérent avec le don de la foi ? Benoît XVI peut nous servir de guide. Sa mission de pasteur aimé et aimant continue.