L'anti-Pape Scalfari

Sur le journal qu'il a fondé, La Repubblica, il trace déjà l'agenda du nouveau Pape. Chez nous, les "Scalfari" sont nombreux. (21/3/2013)

De Scalfari, nous avons déjà beaucoup parlé dans ces pages (http://tinyurl.com/cypb4uk ).
Qu'il suffise de dire que le fondateur - évidemment athée - , désormais en retraite, de La Repubblica, le quotidien de la gauche caviar italienne (dit pudiquement, lorsqu'il est cité par ses confrères français "de centre gauche"), détestait Benoît XVI, et ne manquait pas une occasion de le proclamer urbi et orbi (lire par exemple ici) .
Il était question de lui dans l'entretien entre Vittorio Messori et Riccardo Cascioli que j'ai traduit hier (cf. François est en ligne avec Benoît).
Voici un peu plus de détails sur les "Conseils de Scalfari au nouveau Pape" (je n'ai pas retrouvé l'article original...).
On m'objectera que peu de gens en France connaissent Scalfari. Peu importe.
Dans notre presse, laïque et non, les Scalfari sont légion, je n'ai même pas besoin de donner de noms..
L'article qui suit est donc de grand intérêt.
Les arguments de "l'antipape Scalfari" y sont réfutés un à un, à la lumière des premiers discours du nouveau Pontificat: espérons que l'auteur de l'article ne péche pas par optimisme.

     

Scalfari, l'antipape laïc qui donne des leçons à François
Tommaso Scandroglio
18/03/2013
http://www.lanuovabq.it
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Espérons que l'article d'Eugenio Scalfari publié vendredi dernier sur la Repubblica n'a pas échappé au Pape François, parce qu'il y va de son ministère.
En effet, sur quatre colonnes, le fondateur de ce journal dessine l'agenda des engagements que le pape devra honorer dans les années à venir.
Et même, Scalfari fait plus. Comme il annonce fièrement qu'il avait deviné le nom que le futur pape allait choisi pour lui-même au moment de sa nomination comme Vicaire du Christ - "carta canta" (1) tient-il à souligner - il se sent désormais le droit de vaticiner - pardon: de vaticaner - avec complaisance sur comment le Pape interprètera son mandat. Et il énonce quatre prophéties.

. D'abord, le nom choisi. «François» est la garantie que la priorité pastorale ira aux pauvres et que le pape, plus que le successeur de Pierre, sera le successeur du poverello d'Assise. Admettant que les choses aillent dans ce sens, il vient un doute: à quelle pauvreté se réfère Scalfari? La solution se trouve quelques pages avant, là où La Repubblica écrit que François «avait fait du paupérisme sa règle». Le paupérisme prêche que l'on ne peut arriver au Christ que par l'abandon de tout bien matériel. Les riches, justement parce qu'ils sont riches ne sont pas appréciés au Paradis. En fait, le paupérisme a toujours été condamné par l'Eglise et jamais enseigné ou vécu par saint François. Celui-ci suivit avec le vœu de pauvreté, le conseil évangélique de ne pas trop s'attacher avec le cœur aux choses matérielles, choisissant pour lui-même - et ne l'imposant pas à d'autres qui n'avaient pas suivi son chemin - de se dépouiller de tout.

. Deuxième prophétie: étant donné que dans son discours de mercredi dernier, Papa Francesco s'est présenté aux fidèles comme Évêque de Rome et non comme Souverain Pontife, il va sans dire que la structure hiérarchique de l'Église est appelée à aller au grenier.
Notre Scalfari prédit: «Ce serait un changement historique parce que l'ordre verticaliste de l'Eglise tendrait à se trasformer en un ordre "horizontal": il diminuerait le pouvoir du pape et de la curie, augmentant celui des conciles et des synodes, autrement dit des évêques».
Ce nouveau Pape, poursuit Scalfari, serait un "primus inter pares" et non le Vicaire du Christ sur la terre, un Pape qui favoriserait la collégialité au détriment de son munus de monarque. Non plus Souverain Pontife, mais «prêtre de rue» comme l'a surnommé le fondateur barbu de la Repubblica. Dommage que dans le premier discours que le Pape Bergoglio a tenu à ses cardinaux, il les ait sévèrement corrigés, les avertissant de se conformer au Christ et non à Satan, comme seul un roi se sentirait autorisé à faire face à ses sujets.

. Troisième prophétie. La pastoralité prendra le pouvoir, parce que ce qui est important, c'est de nourrir les affamés et de vêtir ceux qui sont nus, le reste n'est que théorie, vide dogmatique. Libéré par conséquent de toute contrainte préceptique, on verra se produire d'ntéressantes «conséquences en rafales: le célibat des prêtres, le rôle des femmes dans l'Eglise», etc.
Dans ce cas aussi, la prophétie, avant même d'être énoncée, a été rejetée par les premiers mots prononcés par le Pape au Collège des Cardinaux. Un discours non pas de caractère pastoral, mais bien dogmatique, référence à la vérité cardinale du catholicisme: tout fonder sur le Christ, la lumière qui s'oppose à l'obscurité de Satan. Et puis, comme ne pas se rappeler les mots de l'Angélus d'hier sur la vérité de foi que Dieu est amour miséricordieux?

. Enfin, le devin Scalfari, scrutant sa boule de papier (ndt: je suppose par analogie avec la boule de cristal) de La Repubblica, vaticine pour la quatrième fois: «Pour le "prêtre de rue"[...] il ne peut y avoir aucun principe non négociable, sinon ceux de l'amour du prochain et de la charité».
Une fois de plus, il est pénible de rappeler à la Pythie de la Repubblica que - comme Thomas d'Aquin l'enseigne dans son oeuvre “In duo praecepta caritatis” et sepuis toujours l'Église elle-même - du double commandement d'aimer Dieu et son prochain, naissent, du point de vue de la morale, les Dix Commandements, qui sont la matrice à partir de laquelle, à leur tour germent les principes non négociables. Si tu aimes ton prochain, tu ne le tues pas dans l'utérus de sa mère avant qu'il ne vienne à la lumière. Si tu aimes ton prochain, tu ne le débranches pas sur son lit de mort. Si tu aimes ton prochain, tu l'avertis que faire toit commun avec une personne du même sexe fera tomber la maison sur la tête de tous les deux.

L'opération de divination menée par Scalfari et ses compagnons de cordée dans les pages précédant son article, reflète l'utilisation de critères de jugement impropres pour lire une réalité comme celle de l'Eglise qui, oui, est dans le monde (aspect temporel), mais n'est pas du monde (aspect spirituel).
Le progressisme marxiste de Scalfari ne peut que le pousser à encenser la pauvreté matérielle (ndt: ni pour lui, ni pour son journal, mais pour les autres: voir par exemple, chez nous, les pubs dans Libé, le Monde, et autres Nouvel Obs). Son "démocratisme" et son jacobinisme à la Rousseau ne peuvent que lui suggérer comme seule forme de gouvernement respectable la collégialité. Son "historicisme" à la Hegel ou à la Benedetto Croce, ne peut que lui restituer une vision perspective du monde applatie sur l'horizontale, émasculant tout souffle transcendant, et donc le vrai Pape sera celui qui creusera des puits en Afrique et distribuer des préservatifs en Amérique latine .

Enfin, il est curieux que ceux qui - comme Scalfari - se vantent de ne pas avoir la foi, parlent ensuite de réalités - l'Eglise et le Pape - créées pour garder la foi et confirmer dans la foi. Mais comment voulez-vous parler avec compétence d'une chose que l'on ne connaît dans aucuns de ses aspects de base? C'est comme si l'athée - c'est-à-celui qui ne croit pas en l'existence de Dieu - voulait nous expliquer à quoi Dieu ressemble. N'est-ce pas contradictoire?

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(1) Carta canta e villan dorme.
Proverbe italien:
Ce qui est écrit sur le papier ne peut être contredit, et donc, une fois que le paysan a mis par écrit "la chose", il peut dormir tranquille.