Le lourd héritage de Wojtyla

Benoît XVI a recueilli l'héritage, très nuancé, et surtout très lourd, de son prédécesseur. Il n'en est que plus grand. Et l'on comprend mieux ce qu'il voulait dire, le 19 avril, en parlant du simple et humble ouvrier dans la vigne du Seigneur. L'analyse que fait Marco Tosatti est très subtile (14/2/2013)

La comparaison avec Jean Paul II, il aura dû la subir jusqu'au dernier jour de son pontificat. Toujours pour opposer les deux papes, à son détriment (on sait que l'opposition, la division, sont la grande satisfaction de Satan). Une grande injustice, que l'histoire, nous l'espérons, corrigera.

Voici une analyse de Marco Tosatti, pour la Stampa, que je partage presque à 100%.
Je dis presque, parce que la grande figure de Benoît XVI, avec sa conception discrète de la papauté, son refus de toute personnalisation, son génie de théologien, est peut-être ce qui restera de l'histoire de l'Eglise du demi-siècle concluant l'ère post-conciliaire.
N'est-ce pas lui, en fin de compte, qui a porté l'Eglise à bout de bras, depuis qu'il est arrivé à Rome, en 1982, "ses valises à la main" pour "seconder" Jean Paul II dans ce rôle ingrat de gardien de la foi, qui ne correspondait par ailleurs nullement à sa personnalité?

     

L'ère Wojtyla se termine maintenant.
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Je veux partager avec vous un sentiment qui a grandi en moi ces derniers jours. Et c'est que le 28 Février prochain, à 20 heures, se termine non seulement le pontificat de Benoît XVI, au siècle Joseph Ratzinger, mais aussi celui de Jean-Paul II.
Et j'ai l'impression que la sortie de l'ère wojtylienne n'adviendra de manière définitive que quand, à la mi-Mars, depuis la loggia de Saint-Pierre, les fidèles entendront les paroles, «Nuntio vobis gaudium magnum ...». avec le nom de successeur; de Benoît, mais surtout de Jean-Paul II.

Je crois que Joseph Ratzinger a montré un grand courage, quand en Avril d'il y a huit ans, il a accepté de devenir pape. Ce n'était pas quelque chose qu'il désirait, ou voulait; depuis longtemps cet homme, dont le principal charisme n'est certainement pas le gouvernement, voulait aller en retraite, se retirer pour vivre avec son frère, étudier et écrire. Ils l'ont choisi; il a toute suite accepté la décision, il ne s'est pas dérobé. Mais surtout il a démontré son courage à vivre un héritage immense et pesant Une partie du manteau de Jean-Paul II lui a été mis sur le dos, à son corps défendant: les voyages, les places, les réunions de foule, un présentialisme médiatique que le pontife polonais, extraverti, athlétique, amoureux de la vie et du monde, vivait comme une seconde peau. Une charge qui l'a fatigué physiquement et psychologiquement.

Il a trouvé une autre partie de l'héritage, et il a dû la gérer: les scandales, les questions non résolues, laissées en l'état par un pape qui s'est toujours peu occupé de gouvernement («Quand je ferai un voyage à la Curie» était la blague qui circulait au Vatican à propos de Jean-Paul II); qui s'est toujours reposé sur ses collaborateurs, et qui n'a pas toujours été récompensé d'une manière appropriée pour sa confiance. Benoît XVI a travaillé, en silence, pour remédier à une situation qu'il avait stigmatisée: rappelons-nous la dénonciation de la «saleté dans l'Eglise». Il a rejeté, avant l'échéance normale, des dizaines d'évêques qui ne s'étaient pas montrés à la hauteur, il a étudié en profondeur chaque dossier (le "ponenze") qui lui étaient présenté pour la nomination d'un nouvel évêque, il a essayé de pousser vers la transparence un monde peu porté à la lumière par sa tradition et son histoire.

Il a cherché à convaincre l'Eglise et le monde que lui, Benoît, était seulement lui-même, avec ses qualités et ses limites: seulement «lui», et pas un autre; mais toujours accroché derrière lui, il y avait l'ombre gigantesque de son prédécesseur, sa mémoire médiatique imprimée dans les esprits et les cœurs de plus d'un milliard de fidèles. Peut-être que son travail le plus acharné et le plus difficile, complété et perfectionné par la Grande Renonciation que Jean-Paul II n'a jamais voulu faire, c'est justement celui-là: faire passer l'Église de l'ère wojtylienne vers un avenir différent. Il a peut-être été le pape délibérément le moins voyant depuis l'époque de Pie XII. Et grâce à son règne discret, et son aveu de faiblesse, il a libéré le prochain pape de l'obligation d'être un surhomme.