Les élites contre le peuple

Les "théologiens VIP" de la revue progressiste Concilium sont pour la théorie du gender: un article sur La Bussola. Ce que disait Benoit XVI du gender à la Curie romaine en septembre 2008 (28/1/2013)

     

A Paris, au théâtre du Rond-Point, un raout mondain très privé rassemblait dimanche soir une poignée de vraies grandes fortunes, de faux intellos, et de sous-stars du système médiatique pour s'auto-congratuler, loin des manants, de la grande avancée sociétale du "mariage pour tous" (voir par exemple ici).
On assiste (hélas!) exactement au même phénomène dans le domaine religieux.
C'est ce qu'explique cet article de Roberto Marchesini sur la Bussola.
Les VIP de la théologie ont leur Rond-Point, c'est la revue Concilium (dont l'un des éminents rédacteurs est... Hans Küng!). Et ils votent massivement pour le gender.

L'auteur de l'article a eu la bonne idée de rassembler les documents du saint-Siège relatifs à la théorie en question, et en particulier les deux discours de Benoît XVI à la Curie Romainre, en décembre 2008 et 2012 respectivement (1)

     

L'idéologie du gender qui plaît aux théologiens vip
Roberto Marchesini
25/01/2013
http://www.lanuovabq.it
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Le Magistère de l'Église sur l'idéologie du genre est clair et net: «Dans ce processus que nous pourrions appeler la désintégration progressive de l'institution culturelle et humaine du mariage, on ne doit pas sous-estimer la diffusion d'une certaine idéologie du "gender". Etre un homme ou une femme ne serait pas déterminé fondamentalement par le sexe mais par la culture. Cette idéologie attaque les fondements de la famille et les relations interpersonnelles». (Conseil Pontifical pour la Famille, Famille, mariage et «unions de fait» 26 Juillet 2000, § 8).

Il se peut que le simple fidèle, la vieille femme qui égrène son chapelet du matin au soir, ne soit pas au courant; et sans doute n'a-t-elle même pas besoin d'un quelconque Conseil Pontifical pour lui expliquer certaines choses; son bon sens lui suffit. Se pourrait-il, en revanche, que la fine fleur du monde théologique catholique embrasse sans réserve cette théorie? Cela ne se pourrait pas, mais c'est ce qui se passe; et malheureusement, nous n'en sommes pas surpris.

La revue internationale de théologie Concilium a récemment consacré un numéro complet (numéro 4 de 2012) sur le thème «Le genre dans la théologie, dans la spiritualité, dans la pratique» (http://www.concilium.in/) .
Concilium n'est pas un bulletin paroissial: la revue a été fondée en 1965 par des théologiens comme Karl Rahner, Congar, Edward Schillebeeckx, Hans Küng, et est publiée en sept langues et onze éditions nationales; elle se présente comme «l'expression d'une pensée théologique catholique et œcuménique à dimension internationale» et s'auto-définit comme «[...] la revue théologique la plus lue et la plus citée au monde».

La présentation du fascicule consacré au genre affirme: «Pratiquement, tous ceux qui liront ce numéro de Concilium trouveront quelque chose de provocateur et capable de pousser au-delà des limites».
On ne peut pas dire que les auteurs n'ont pas tenu leurs promesses. On passe en effet de l'outing du personnage biblique de Ruth, que nous découvrons être lesbienne (p. 91); à Dieu décrit comme une drag-queen (p. 32); à des questions théologiques vertigineuses («Comment le Christ, un homme, peut-il sauver les femmes? », p. 113-114); à la découverte (vaguement blasphématoire, franchement hérétique) que Jésus aurait pu nous sauver aussi en mourant après avoir glissé dans sa baignoire («La violence n'est pas nécessaire pour le rachat, et en fait l'œuvre rédemptrice exige que les croyants s'engagent à résister à la violence », p. 117); au rejet de la loi naturelle (p. 70); au retour des années soixante-dix, avec la célébration de Leonardo Boff et de Théologie de la Libération (p. 143).

Evidemment (en laissant de côté l'incroyable «écoféminisme», p. 77 et suiv.), la part du lion revient à l'idéologie du genre.
Les auteurs retracent la genèse du féminisme libéral pour rejoindre, à travers le féminisme radical, la dialectique marxiste de la lutte des classes appliquée aux deux sexes: l'étape finale sera la société sans sexe. Sont reconnus le rôle fondamental dans la propagation de cette idéologie, des conférences du Caire en 1994 et de Pékin en 1995, organisées par les Nations Unies; l'Union européenne a emboîté le pas.

La position de l'Eglise est rappelée, mais seulement pour être critiquée et ridiculisée: «Surtout dans des contextes ecclésiaux il y a une résistance importante aux questions relatives au genre. Elles sont considérées comme idéologiques et donc dangereuses. Et elles le sont vraiment! [...] Le fait de remettre en question des certitudes évidentes et des vérités naturelles est une entreprise risquée: on le sait, plus que jamais, depuis Giordano Bruno»(p. 25).

Dommage que les nouveaux Giordano Bruno ne réussissent pas, en près de deux cents pages, à fournir la moindre preuve convaincante qui remette en question «les certitudes évidentes et les vérités naturelles» du type «il y a des hommes et il y a des femmes, chacuns avec des organes sexuels différents pour la procréation » (p. 26).
Ils essaient, bien sûr: il faudrait larguer plus de deux mille ans d'anthropologie philosophique et de biologie humaine, parce que dans les îles Samoa, il y a des hommes qui s'habillent en femmes (pp. 26-27); ou parce que (argument scientifiquement irréfutable!) d'Hermès et d'Aphrodite naquit Hermaphrodite à l'identité double et non-univoque (p. 29), ou parce que l'athlète sud-africaine Caster Semenya avait une malformation des organes génitaux (p. 29). En plus de n'avoir aucun axiome décent, la théorie du genre n'a même pas de confirmation expérimentale (voir cet article de la Bussola).

Comment, alors, pourrait-on s'opposer à une théorie comme celle-là, qui se fiche des faits, de la méthode scientifique et de la logique aristotélicienne?

     

Note

(1) Discours à la Curie Romaine, décembre 2008

Etant donné que la foi dans le Créateur est une partie essentielle du Credo chrétien, l'Eglise ne peut pas et ne doit pas se limiter à transmettre à ses fidèles uniquement le message du salut. Celle-ci a une responsabilité à l'égard de la création et doit faire valoir cette responsabilité également en public. Et en le faisant, elle ne doit pas seulement défendre la terre, l'eau et l'air comme des dons de la création appartenant à tous. Elle doit également protéger l'homme contre la destruction de lui-même.
Il est nécessaire qu'il existe quelque chose comme une écologie de l'homme, entendue d'une juste manière. Il ne s'agit pas d'une métaphysique dépassée, si l'Eglise parle de la nature de l'être humain comme homme et femme et demande que cet ordre de la création soit respecté.
Ici, il s'agit de fait de la foi dans le Créateur et de l'écoute du langage de la création, dont le mépris serait une autodestruction de l'homme et donc une destruction de l'œuvre de Dieu lui-même. Ce qui est souvent exprimé et entendu par le terme "gender", se résout en définitive dans l'auto-émancipation de l'homme par rapport à la création et au Créateur. L'homme veut se construire tout seul et décider toujours et exclusivement tout seul de ce qui le concerne. Mais de cette manière, il vit contre la vérité, il vit contre l'Esprit créateur.
Les forêts tropicales méritent, en effet, notre protection, mais l'homme ne la mérite pas moins en tant que créature, dans laquelle est inscrit un message qui ne signifie pas la contradiction de notre liberté, mais sa condition. De grands théologiens de la Scolastique ont qualifié le mariage, c'est-à-dire le lien pour toute la vie entre un homme et une femme, de sacrement de la création, que le Créateur lui-même a institué et que le Christ - sans modifier le message de la création - a ensuite accueilli dans l'histoire du salut comme sacrement de la nouvelle alliance. Le témoignage en faveur de l'Esprit créateur présent dans la nature dans son ensemble et de manière particulière dans la nature de l'homme, créé à l'image de Dieu, fait partie de l'annonce que l'Eglise doit apporter. Il faudrait relire l'Encyclique Humanae vitae à partir de cette perspective: l'intention du Pape Paul vi était de défendre l'amour contre la sexualité en tant que consommation, l'avenir contre la prétention exclusive du présent et la nature de l'homme contre sa manipulation.