L'imbroglio malien

Un point de vue italien, (Gianandrea Gaiani, La Bussola). Se pourrait-il que l'on aille vers un "nettoyage ethnique"? (30/1/2013)

     



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L'illusion de la «victoire éclair» sur les islamistes
Gianandrea Gaiani
28/01/2013
http://www.lanuovabq.it
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Pas plus tard qu'il y a dix jours à Bamako, des représentants du gouvernement se préparaient à brûler les documents et quitter la ville menacée par l'offensive des trois mouvements djihadistes (Ansar Eddine, Al-Qaïda au Maghreb islamique et Mujao) qui occupaient le Mali du nord depuis Mars dernier.
Désormais, on voit se répandre à la place dans la capitale malienne,un optimisme enthousiaste. «Nous vainquons très rapidement, les rebelles ont été mis en déroute, nous prévoyons que la guerre se termine dans quelques jours», a déclaré ministre de l'Information du Mali, Manga Dembélé, après qu'ait été rapporté que les troupes françaises du 21ème Régiment d'Infanterie de Marine et les troupes gouvernementales maliennes avaient pénétré dans certains districts de Tombouctou.

La ville symbole du Mali, de la culture touarègue et de cette guerre, revient sous contrôle gouvernemental grâce au succès de l'offensive française qui avait libéré Gao samedi. Succès obtenu presque sans combat, car les miliciens ont refusé le combat et ils se sont repliés vers le nord, atteignant Kidal, dernier bastion des islamistes et passant peut-être au-delà de la frontière avec le Sahara algérien.
Précisément à Kidal, les chasseurs-bombardiers français ont détruit la maison d'Iyad Ag Ghaly, un ancien officier de l'armée malienne, d'ethnie touarègue, devenu le leader du groupe djihadiste Ansar Dine. Le Gouvernement du Mali a mobilisé deux bataillons de la police militaire, 800 hommes en tout, pour assurer la sécurité et pour éviter les pillages et la violence à Gao et Tombouctou.

La progression rapide des troupes franco-africaines, renforcée par 2000 soldats du Tchad et par les 2000 premiers mis à disposition par les pays ouest-africains qui en ont promis au moins 6000, satisfait également Paris qui pourtant ne semble pas se faire d'illusions sur l'avenir .
L'objectif des 2.500 soldats français appuyés par 14 avions de combat et une vingtaine d'hélicoptères est d'achever la reconquête des territoires du Nord du Mali, et d'atteindre Kidal et la frontière algérienne, avant de laisser aux 8 000 soldats africains et aux 4000 Maliens la tâche de contrôler les ville arrachée aux djihadistes en attendant que 200 instructeurs européens et et une centaine d'américains prennent en charge les recrues de Bamako.

Les sources militaires françaises indiquent que jusqu'à présent, les victimes parmi les miliciens n'étaient pas plus d'une centaine. Un fait qui pourrait ne pas être fiable, car dans de nombreux cas, les victimes de raids et des batailles ont été enterrés ou emportés par les djihadistes, mais même si les pertes étaient plus élevées, il ne fait aucun doute que la plupart des 3500 miliciens estimés faire campagne sous la bannière des trois mouvements islamistes ont fui l'attaque des Français. Peut-être se préparent-ils à donner du fil à retordre avec des actes de terrorisme et de guérilla, des incursions le long de la route reliant Bamako aux villes du Nord ou fomentant de nouveaux soulèvements islamiques dans les pays voisins.
Une menace à laquelle Paris semble vouloir faire front, accélérant les opérations aériennes contre les miliciens en fuite et maintenant au nord du Mali des unités des forces spéciales, l'infanterie légère (légionnaires ou infanterie Marine) et les hélicoptères.

Ce n'est pas un hasard si, ces jours-ci, la France a réclamé un soutien logistique renforcé des Alliés, en particulier des avions de ravitaillement nécessaire pour assurer l'autonomie des avions Rafale et Mirage 2000.
Washington a répondu positivement en mettant à disposition de "l'Armèe de l'Air" (en français dans le texte) trois tanks KC-135 basés en Espagne, tandis que l'Allemagne a dit non, arguant du fait que ses Airbus A-310 ne sont pas homologués pour alimenter en vol les avions de chasse français.
L'appui le plus important, cependant, semble venir de Londres, qui a déployé au Sénégal un de ses avions radar Sentinel R-1, capable de détecter tout mouvement militaire sur le terrain grâce à son radar sophistiqué Astor. Déjà utilisés en Afghanistan, le Sentinel serait capable d'identifier et de toucher les miliciens en fuite vers le nord et sur terre découverte.

La vendetta des noirs contre les arabes et les Touaregs
Gianandrea Gaiani
30/01/2013
http://www.lanuovabq.it
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Les djihadistes ont imposé pendant huit mois, la forme la plus sévère de charia aux gens du centre-nord du Mali, Touaregs, mais surtout noirs. A présent que l'offensive franco-africaine a mis en fuite les miliciens djihadistes, la population fête la libération et la revanche des Africains se consomme sur les «peau-blanche» haïs, Arabes et Touaregs.

Difficile de trouver des connotations religieuses dans cette opposition puiqu'au Mali 90% de la population est musulmane, bien que l'islam africain ait depuis toujours été beaucoup moins rigoureux que celui des Arabes, et à coup sûr d'Al-Qaida. Les miliciens islamistes ont en effet trouvé beaucoup de résistance à imposer la charia aux populations noires, des difficultés similaires à celles rencontrées par les miliciens d'Al-Qaïda en Somalie.

Selon les rapports des organisations non gouvernementales et des sources de presse, les soldats maliens se sont rendus responsables d'une série d'exécutions sommaires et de violations des droits humains pendant les opérations aux côtés des troupes françaises qui ont permis de reprendre de nombreuses villes, y compris Gao et Tombouctou. Le signalement de violences et de représailles vient d'un groupe dédié à la protection des droits de l'homme, l'International Federation of Human Rights Leagues, qui a demandé une commission d'enquête indépendante «pour déterminer l'étendue des abus et punir les responsables».

Difficile de donner une mesure du phénomène puisque les opérations militaires facilitent l'élimination des «visages-blancs» accusés d'être des terroristes ou des hommes des milices d'Al-Qaïda, Ansar Dine («Défenseur de la religion», groupe islamique qui milite pour l'instauration de la Charia au Mali) ou Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest) [ndt: question sans doute idiote, mais qui finance tout ce beau monde??]. A Gao, les troupes maliennes et françaises traquent les djihadistes qui s'y cachent, et selon le journal mauritanien Alakhabar, des jeunes de la ville participent à la chasse, indiquant aux militaires les abris et des maisons où les militants auraient trouvé refuge.

Un contexte dans lequel il est facile de passer de la chasse au terroriste au nettoyage ethnique, accusant de fait tous les Touaregs ou les arabes d'être des ennemis. Pour sauver la face devant la communauté internationale, le Gouvernement du Mali a décidé de déployer deux nouvelle unité de police militaire pour protéger les civils et leurs biens à Gao et Tombouctou, mais les touaregs soupçonnent que ce sont justement ces détachements qui ont la tâche de mettre en œuvre la répression contre eux.
Dans l'extrême-nord les miliciens touaregs du Mouvement national pour la libération de l'Azawad [ou Mali du Nord] (MNLA) ont profité de la fuite des militants d'Al Quaïda dans le désert pour prendre le contrôle de Tessalit, Lere', In Khalil, Anefis, Tinzawatene, Tessit et Talatayt afin d'assurer la sécurité des biens et des personnes en particulier à la lumière des graves dangers pour leur vie avec le retour de l'armée malienne à l'Azawad. Des violences qui comptent «plusieurs centaines de cas de personnes tuées en représailles ethniques» menées par les soldats du gouvernement, ciblant en particulier les Touaregs, les Peuls et les Arabes, qui représente un tiers de la population du Mali.

Le MNLA a été le premier mouvement indépendaniste touarègue à commencer la révolte, avant d'être dépassé par les groupes islamistes plus puissants et mieux armés, contre lesquels il disent maintenant vouloir se battre aux côtés des français et du gouvernement malien auquel ils réclament le concession de l'autonomie du Nord-Mali dans un contexte fédéral.

Faute d'un accord entre le gouvernement et le MNLA, un sanglant conflit ethnique pourrait se superposer à la guerre contre les djihadistes. Un processus équivalent, mais inversé, à ce qui a été enregistré en Libye après la chute de Kadhafi, quand tous les immigrés africains et les nombreux Libyens à peau noire subirent massacres, pillages, viols, tortures, violences et réclusion dans au moins 80 prisons secrètes gérées par la différentes milices.
Il suffisait d'avoir la peau sombre pour être stigmatisé comme un «mercenaire de Kadhafi». Du reste, l'hostilité et la haine raciste entre les Arabes et les Noirs n'est pas nouvelle et a ses racines dans la traite négrière perpétrée par les Arabes pendant des siècles dans le Sahel (et encore en vigueur jusqu'à il ya quelques années au Soudan) et dans l'islamisation de la région au sud du Sahara dans une bande qui s'étend du golfe de Guinée aux côtes de la Somalie.
«Nous sommes la brigade qui va nettoyer Libye des esclaves noirs» pouvait-on lire sur les murs de Tawergha, la ville libyenne habitée par des noirs, de fait effacée par le nettoyage ethnique mené par les milices de Misrata après la chute de Kadhafi.
Aujourd'hui, l'ensemble de la Libye s'enfonce dans le chaos, mais Tripoli a perdu depuis un an déjà le contrôle du Fezzan, cette vaste région désertique du sud habitée par des tribus de couleur en rebellion contre les abus des miliciens arabes.

Le terme «esclave» est encore utilisé par les ethnies Somaliens pour indiquer le million de Noirs bantous vivant dans le pays d'Afrique de l'Est.
Du reste, ceux qui connaissent ces régions savent à quel point le racisme est enraciné dans les sociétés arabes et en Afrique. Un aspect qui est difficilement perçu dans un Occident plus soucieux de faire coïncider la réalité avec ses valeurs et ses principes «politiquement corrects» que de la comprendre.