Questions sur la pauvreté

et l'effarant matraquage des medias. (17/3/2013)

>>> Relire aussi: Une Eglise pauvre, pour les pauvres (et aussi: benoit-et-moi.fr/ete2010)

     

Je me rends compte que mes interrogations me mettent en marge de ceux à qui l’élection du Pape François a fait emboucher les trompettes de l’allégresse sans réserve.
Mais mon site n’a jamais voulu copier ce que faisaient les autres, et c’est à cause de ce principe que j’ai toujours défendu le Pape Benoît.
Il se peut que d'autres que moi se posent les mêmes questions. Elles ne sont pas tabou.

On pourra m’objecter que j’avais moi-même soufflé dans les trompettes de la joie, après le 19 avril 2005. Mais Benoît avait une abondante production littéraire derrière lui, et la première chose que j’avais faite avait été de dévorer ses trois livres d’interviewe (Messori et Seewald). Ses idées m’avaient emballée.
De François, on sait peu de choses, sinon qu’il veut une Eglise pauvre, une Eglise des pauvres (ce n’est pas tout à fait la même chose, je soupçonne que c’est la première option qui séduit les medias, car ils espèrent que cette pauvreté lui enlèverait tout pouvoir terrestre…).
Je veux bien, mais l’entendre répéter avec des trémolos dans la voix par des gens dont l’évangile habituel est le CAC 40 me met très mal à l’aise.
Sans compter que l’on se passerait volontiers de certains soutiens…
Benoît XVI, né dans une humble famille à une époque de grande pauvreté, n’a de leçon à recevoir de personne sur ce point. Et je lui sais gré de n’avoir jamais fait de moralisme. Parce je ne suis pas pauvre (mais pas riche non plus) serais-je moins digne que d’autres du Salut ?

Il est probable que le consensus actuel repose sur un malentendu: les medias ne comprennent pas le langage de l'Eglise, et donc pas le nouveau Pape.
Dans sa première homélie, s'adressant aux cardinaux réunis dans la Chapelle Sixtine, il a dit:

Nous pouvons marcher comme nous voulons, nous pouvons édifier de nombreuses choses, mais si nous ne confessons pas Jésus Christ, cela ne va pas. Nous deviendrons une ONG humanitaire (ndlr: ONG "pietosà", que j'aurais plutôt traduit par "ONG de piété"), mais non l’Église, Épouse du Seigneur. ... Quand on ne confesse pas Jésus Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon. (traductionZenit)

On a beaucoup glosé sur ces mots, et Le Point a même avoué ne pas savoir ce qu'ils entendaient dire. En réalité, c'est très clair, et ce n'est nullement différent de ce qu'a dit Benoît durant tout son pontificat.

Mais je laisse la parole à Carlota, qui dit mieux que moi ce que je pense.

     

Réflexion de Carlota
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De voir toutes ces médias qui rabâchent les paroles du nouveau Pape et son « je voudrais une église pauvre pour les pauvres », sans nuance, cela me déprime ! Assez, assez ! Je sais bien que le chameau a moins de difficulté à passer par le chas d’une aiguille que le riche à accéder au Royaume de Dieu, mais la pauvreté est partout et pas que dans les porte-monnaie. Il y a aussi la misère de l’amour, la misère de la vertu, la misère du beau, la misère de la compréhension humaine et de ses différences, etc.

Cette présentation de l’Église me paraît manipulation et manichéisme. Il ne faut pas tout confondre. La richesse donnée à l’Église-Institution a été à l’origine de magnifiques œuvres d’art (architecture, musique, statue, peinture) où le talent que Dieu a donné à l’homme a pu s’exercer. Même à l’époque des hommes préhistoriques, un chef de tribu a laissé un homme resté dans une grotte « à ne rien faire » si ce n’est pour peindre un mammouth peut-être divinisé, il fallait bien que ce chef de clan soit plus riche et plus puissant que les autres pour imposer ce choix et cette inaction par rapport à la survie du boire et manger quotidien ! Et ce richesse reçue n’a-t-elle pas permis aux pauvres d’avoir eux aussi le droit d’entrer dans les palais que furent les églises pour les miséreux ? La richesse donnée à l’Église-Institution a permis le développement des hospices et des hôpitaux, des écoles et des universités (avec conservation du patrimoine littéraire gréco-latin qui sans cela ne serait jamais arrivé jusqu’à nous).
L’ermite dans sa cabane certes aurait apporté aux hommes peut-être ses prières et aurait gagné son salut, mais sans les riches et les puissant, notre civilisation occidentale au sens large n’existerait pas. Certes notre monde a un début et une fin, mais pour aller de l’un à l’autre, la richesse fait aussi partie de la vie des hommes, et l’Église, maison de Dieu, notre Seigneur ne mérite-t-elle pas ce qu’il y a de plus beau aussi.

Si Dieu n’avait pas voulu des riches et des pauvres, il nous aurait faits incapables d’apprécier ce qui est beau et de le reproduire, il nous aurait faits comme l’animal qui est sans doute capable de se rendre compte que le soleil qui lui permet de se prélasser au chaud est chaud, mais cela s’arrête là.

L’on ne peut mépriser le riche pour glorifier le pauvre, même si l’on peut effectivement quitter un palais pour se faire ermite dans une cabane loin des hommes. Le fait d’être pauvre ne donne pas forcément la vertu, même s’il y contribue peut-être. Chaque homme a le droit d’aspirer au même amour de Dieu et à sa même confiance, à partir du moment où il se comporte dignement. Le centurion Martin sans la richesse que lui procurait sa solde d’officier romain n’aurait pas pu donner la moitié de sa cape au mendiant d’Amiens. Comme mendiant il aurait pu donner à un autre mendiant, mais cela n’aurait pas été une moitié de cape aussi confortable ! Et le catéchisme dans les terres roumaines tourmentées n’auraient pas été si bien appris sans les murs extérieurs des églises richement décorées, et les merveilles des merveilles des églises espagnoles du XVII et XVIIIème siècles d’Amérique n’auraient jamais été possibles sans la richesse. La pauvreté qui nous priverait de telles choses ne peut être vertu voulue par Dieu !

Un homme à qui tout à été donné sur terre, a sans doute aussi plus de mal encore à ne pas succomber à la tentation. Il mérite également notre estime dans ses efforts pour rester un homme debout. L’Église est là pour aider tous les hommes à progresser sur le chemin de Dieu et pas que les pauvres.

Les paroles du Saint Père s’adressent sans doute à tous les hommes quelle que soit leur pauvreté (matérielle ou morale), et l’Évangélisation même la nouvelle ne passe pas que par un ciboire dans un godet et une chasuble version serpillère. Si nous sommes tous égaux devant le Seigneur, il nous a aussi tous créés différents avec nos propres sensibilités et capacités et nous comptons tous pour Lui, riches ou pauvres, intelligents ou sots, instruits ou analphabètes. C’est aussi à nos pasteurs de nous diriger dans nos imperfections et toutes nos différentes vers le Seigneur. De toute façon un monde parfait sur terre, plein de pauvres devenus tous riches ou moyennement pauvres est une utopie socialiste dont tous les jours nous en payons les conséquences…

Mais peut-être que toute cette communication sur cette Église pauvre qu’aime le Pape François est une nouvelle arme contre l’Église et son peuple. Pauvres de nous !

Allez, pour me remonter le moral, je vais aller feuilleter un ouvrage sur les merveilles de l’art churrigueresque.