Réseaux sociaux, nouveaux espaces d'évangélisation

Le Message annuel pour la Journée mondiale des Communications sociales vient d'être rendu public, juste après le débarquement douloureux du Saint-Père sur Twitter. Il faut donc lire le message, pour comprendre ses intentions, sans sombrer dans l'angélisme (25/1/2013)

Hier a été rendu public le Message annuel pour la 47e Journée mondiale des Communications sociales.
J'ai éprouvé une certaine réticence à le reproduire immédiatement et tel quel, parce que d'une part, comme son titre l'indique, il traite des réseaux sociaux (j'ai tenté une expérience personnelle, et je ne suis pas vraiment convaincue, mais sans doute ai-je encore beaucoup à apprendre), et de l'autre, je ne pense pas qu'on y reconnaisse la très typique marque Ratzinger (je peux évidemment me tromper).
Pas plus tard qu'hier, je traduisais un article d'Angela Ambrogetti (Changements au sommet de la com' du Vatican) qui, commentant les changements dans l'organigramme des medias liés au Saint-Siège, écrivait:

Il semble clair, cependant, que dans tout ceci, la pensée du Pape sur les médias n'a pas une grande importance. Comme elle n'en a sans doute pas eu dans l'utilisation de Twitter, un moyen d'expression qui ne correspond absolument pas à la façon de s'exprimer et à la personnalité de Joseph Ratzinger. Et les tweets postés jusqu'à maintenant le prouvent.

C'est vrai que si on lit les réponses aux derniers tweets d'@pontifex, on peut avoir des doutes (Yves Daoudal a vu les mêmes horreurs que moi: Twitter: doutes... )

Mais nous pouvons nous tromper. Et je crédite évidemment le Saint-Père de voir plus loin que nous, puisque le sous-titre du message nous donne la clé d'interprétation:
"Réseaux sociaux : portes de vérité et de foi ; nouveaux espaces pour l’évangélisation"

Selon la formule consacrée, il vaut donc mieux lire d'abord le message en entier:

Texte complet
Texte complet
     

Pour mémoire, voici les intitulés des 5 derniers messages (www.vatican.va...benedict_xvi/messages/communications..):

  • 2013 - Réseaux sociaux : portes de vérité et de foi ; nouveaux espaces d'évangélisation.
  • 2012 - Silence et Parole : chemin d'évangélisation
  • 2011 - Vérité, annonce et authenticité de vie à l’ère du numérique
  • 2010 - Le prêtre et la pastorale dans le monde numérique: les nouveaux médias au service de la Parole
  • 2009 - Nouvelles technologies, nouvelles relations. Promouvoir une culture de respect, de dialogue, d’amitié

Ils prouvent indubitablement l'intérêt de ce Pontificat pour la communication numérique, ce qui rend difficile la tâche de ceux qui l'accusent de vivre dans un autre monde, et à une autre époque.
J'ai traduit un commentaire qui exprime bien mon sentiment, celui d'Andrea Gagliarducci, écrivant, comme Angela Ambrogetti, sur le site Korazym. org.

* * *

     

La voix de Dieu n'est pas dans le vent, mais dans la brise:
Andrea Gagliarducci
Korazym.org
24 Janvier 2013
---------------------
Peut-être l'image qui explique le mieux l'ensemble du message du Pape pour la Journée mondiale des communications sociales, est-elle celle de Benoît XVI ferme dans la tempête de Madrid, à la veillée des Journées Mondiales de la Jeunesse 2011. Le vent, la pluie, la tempête soudaine n'ont arrêté ni le pape, ni les deux millions de jeunes. Parce que le Seigneur était dans un ostensoir offert par le diocèse de Tolède, la «brise légère» dont le prophète Elie.
Le Message pour la 47e Journée des Communications Sociales cite ce passage du livre des Rois, se référant au prophète Elie.
Et - après avoir expliqué que les réseaux sociaux ne sont tels que s'ils sont remplis de contenu, que le réseau est un lieu d'évangélisation, mais que l'on doit également garder à l'esprit que la raison peut être submergée par trop de bruit et trop d'informations - il explique que «si l'on ne fait pas connaître la Bonne Nouvelle dans l'environnement numérique, elle pourrait être absente dans l'expérience de beaucoup de ceux pour qui cet espace existentiel est important».

Benoît XVI demande, en substance, d'évangéliser les nouveaux médias.
Le thème de la Journée Mondiale de la Communication 2013 - l'unique "Journée Mondiale" établie par le Concile Vatican II, avec Inter Mirifica - était d'ailleurs très explicite: «Les réseaux sociaux: portes de vérité et de foi, nouveaux lieux d'évangélisation».
Le Papeprésente les relations sociales comme des espaces qui - s'ils sont «bien valorisés», «contribuent à favoriser des formes de dialogue et de débat qui, réalisées avec respect, souci de la vie privée , responsabilité et dévouement à la vérité, peuvent renforcer les liens d'unité entre les personnes et promouvoir efficacement l'harmonie de la famille humaine».

Mais il faut aller au-delà du simple échange d'informations. Celui-ci «peut devenir authentique communication, les liens peuvent mûrir en amitié, les connexions faciliter la communion». Ainsi, «si les réseaux sont appelés à mettre en oeuvre cet énorme potentiel, les personnes concernées doivent s'efforcer d'être authentiques, car dans ces espaces, on ne partage pas seulement des idées et des informations, mais en dernière instance, on se communique soi-même».
En somme, l'avertissement que Benoît XVI a lancé dans son message pour la Journée mondiale des communications 2011 reste toujours vivant: «Dans la recherche de partage, d'amitié, on se trouve face au défi d'être authentique, fidèle à soi-même, sans céder à l'illusion de construire artificiellement son profil public».

Le défi pour Benoît XVI, est celui d'être présent sur les réseaux sociaux. Un défi que le Conseil pontifical pour les communications sociales a relevé, en promouvant le compte twitter @pontifex, et en laissant la porte ouverte aux commentaires. A cette occasion, on a fait l'expérience des problèmes dont le pape parle dans le message de cette année. «L'importance et l'efficacité des différentes formes d'expression - lit-on dans le message - semblent déterminées plus par leur popularité que par leur importance intrinsèque et leur validité. La popularité est aussi souvent liée à des célébrités ou des stratégies de persuasion plutôt qu'à la logique de l'argument».
Mais le pape peut-il être traité comme une célébrité? Beaucoup le pensent, et le Financial Times l'a pensé, qui a demandé un article - mais confiné à la page 7 du journal temple de la pensée laïque.

Le pape, toutefois, regarde plus loin. Son magistère est fait de discours articulés, précis, théologiquement fondés. Un magistère souvent caché, et Benoît XVI explique pourquoi dans son message pour la Journée Mondiale des Communications Sociales: «Parfois, la voix discrète de la raison peut être recouverte par le bruit de trop d'informations, et ne réussit pas à attirer l'attention, qui est plutôt réservé à ceux qui s'expriment d'une manière plus persuasive».

Un regard sur les messages pour la Journée mondiale des Communications sociales de ces quatre dernières années - presque tous dédiés à l'univers numérique - on pourrait presque définir un chemin qui mène à évangéliser les nouveaux médias et en même temps accorde de l'espace à la raison.
En 2010, le thème était «Le prêtre et la pastorale dans le monde numérique: les nouveaux médias au service de la Parole».
En 2011, on parlait de la «Vérité, annonce et authenticité de vie à l'ère numérique».
Et en 2012, le message portait en revanche sur «Silence et Parole:Chemin de l'évangélisation».

Peut-être était-il nécessaire de revenir à la Parole, à la compréhension de l'homme dans le silence, avant de parler de l'évangélisation. Un chemin, celui des quatre dernières années, qui pourrait presque se résumer ainsi: on part d'une réflexion sur les médias comme outil pour l'évangélisation, puis on essaie de comprendre les problèmatiques et l'authenticité de l'homme dans les nouveaux médias; ainsi, on se concentre sur la personne et sur la communication profonde qui vient du silence et de la parole, et on passe à l'écoute, afin de ne pas considérer Internet comme un simple moyen de prosélytisme; et ensuite - bien préparés pour l'Année de la Foi - on reprend la réflexion sur les nouveaux médias comme un lieu d'évangélisation.

Mais pourquoi est-il nécessaire d'évangéliser le réseau?
«Les croyants - écrit le Pape dans son message pour la Journée Mondiale pour les Communications Sociales 2013 - sont de plus en plus conscients du fait que si la Bonne Nouvelle n'est pas fait apportée dans l'environnement numérique, elle pourrait être absente dans l'expérience de beaucoup de ceux pour qui cet espace existentiel est important. L'environnement numérique n'est pas un univers parallèle, ou purement virtuel, mais il fait partie de la vie quotidienne pour beaucoup de personnes, surtout les plus jeunes. Les réseaux sociaux sont le fruit de l'interaction humaine, mais, à leur tour, ils donnent des formes nouvelles à la dynamique de la communication qui crée des rapports: une bonne compréhension de cet environnement est donc une condition préalable à une présence significative en son sein».

Le problème est plutôt d'utiliser la Parole, et non de remplir le réseau de paroles . «En fin de compte - écrit le Pape - , si notre partage de l'Évangile est capable de donner de bons fruits, c'est toujours grâce à la force de la Parole de Dieu pour toucher les cœurs, avant même tous nos efforts. La confiance dans la puissance de l'action de Dieu doit toujours dépasser toute sécurité mise sur l'utilisation des moyens humains».

Les réseaux sociaux peuvent être des instruments utiles pour diffuser la parole, pour tenir unies des communautés qui se sentent isolées «dans certains contextes géographiques et culturels», pour tenir la communauté ecclésiastique en liaison constante avec le Magistère du Pape.
«Les réseaux - lit-on dans le message - facilitent le partage des ressources spirituelles et liturgiques, et rendent les personnes capables de prier avec un sens revigoré de proximité avec ceux qui professent leur foi. L'implication authentique et interactive avec les préoccupations de ceux qui sont éloignés de la foi, doit nous faire sentir la nécessité d'alimenter par la prière et la réflexion notre foi en la présence de Dieu, ainsi que notre charité active: «si tu parlais le langage des hommes et des anges, mais n'avais pas la charité, tu serais un bronze qui résonne, ou une cymbale qui retentit».

Et l'on revient à l'image initiale de cet article, celui du pape au milieu de la tempête sur l'esplanade des Cuatro Vientos. Là, des millions de jeunes s'étaient rassemblés grâce à un appel et un réseau créés à partir des réseaux sociaux. Et sur les réseaux sociaux, ils racontaient leurs expériences. Mais ils étaient là, et le pape était avec eux. Si le message n'avait pas été rempli de la Parole, ils auraient difficilement pu reconnaître Dieu dans la brise légère.