Vu de France (I)

Comment la renonciation du Pape a été vue chez nous. Rubrique à suivre... mais qui risque d'être très réduite, vue la faible quantité de matériel pertinent (19/2/2013)

Le Pape à Paris

Quai montebello, 12 septembre 2008 (cliquez sur l'image pour accéder au site spécial)


Avons-nous mérité, et su faire fructifier, le grand don qu'il nous a fait en venant en France en septembre 2008?


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Je ne vais évidemment pas reproduire les âneries de la presse généraliste, mais quelques "pépites" trouvées ici et là, dans les medias "alternatifs", plutôt non catholiques.

Pour commencer, deux articles lus sur le site "Causeur".
Les reproduire, c'est reconnaître leur qualité, et leur place dans ces pages, pas forcément partager ce qui y est dit.

Benoît XVI, l’homme qui n’avait pas peur
Un Pape résolument aux côtés des chrétiens persécutés

Jean Degert

(original ici)
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Sept décennies se sont écoulées entre le dernier message du Pape Benoît XVI sur la situation des chrétiens persécutés, le 9 février dernier, et le témoignage du curé de son village bavarois battu par des nazis alors qu’allait commencer la messe. D’un bout à l’autre, la haine du christianisme contre laquelle s’est toujours dressé celui qui allait devenir Pape en 2005, tout en recherchant le dialogue. C’est lors d’un consistoire réuni pour canoniser les bienheureux martyrs de la ville d’Otrante, où plus de 800 chrétiens avaient été massacrés par les Turcs en 1480 pour avoir refusé de se convertir à l’islam, que le Pape a annoncé renoncer à sa charge d’évêque de Rome, ce 11 février 2013. Tout un symbole, quand bien même il ne serait pas volontaire.

La disparition du Pape Jean-Paul II, il y a bientôt huit ans, amenait à la lumière médiatique la figure du cardinal Joseph Ratzinger, alors encore peu connu en dehors de l’Eglise catholique et pourtant auteur d’une quantité d’ouvrages écrits dans un style littéraire simple et élégant. Celui que le quotidien La Croix du 30 avril 2005 disait « réputé pour la fulgurance de son intelligence et la solidité de sa pensée » était déjà reconnu pour son refus de dissocier la raison et la foi. À la suite d’un Thomas d’Aquin adossant la première à la seconde, l’ancien professeur de théologie fondamentale réaffirmait la tradition chrétienne selon laquelle la transcendance n’évacuait pas la raison. Dans son Discours de Ratisbonne, le successeur de Jean-Paul II rappelait que pour le savant empereur byzantin Manuel II Paléologue, « la diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison. Elle est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l’âme ». L’argument était simple et se présentait en comparaison avec l’islam : « Dieu ne prend pas plaisir au sang, dit-il, et ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. La foi est fruit de l’âme, non pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu’un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas de recourir à la violence et à la menace… Pour convaincre une âme douée de raison, on n’a pas besoin de son bras, ni d’objets pour frapper, ni d’aucun autre moyen qui menace quelqu’un de mort… ».

Ce discours a été suivi d’une vague de violences dont il dénonçait justement l’usage en matière de foi. Une sœur catholique travaillant dans un hôpital de Mogadiscio a même été assassinée par des islamistes furieux. L’extraction d’un passage du discours mentionnant les propos de Manuel II Paléologue sur le recours à la force dans l’islam pour convertir a été dénoncée comme une provocation, sans même que l’exposé du Pape ne soit réellement lu. Mais cette situation a au moins eu le mérite d’illustrer le traitement des chrétiens dans le monde musulman.
En novembre 2010, Benoît XVI demandait aux autorités pakistanaises de relâcher Asia Bibi, cette mère de famille condamnée à mort pour blasphème. Se disant proche de la malheureuse et des siens, le Pape saisissait également l’occasion pour appeler « la communauté internationale à prendre conscience de la difficile situation dans laquelle se trouvent les chrétiens au Pakistan, où ils sont souvent victimes de violences et de discriminations ». « Je prie pour ceux qui se trouvent dans des situations analogues, afin que leur dignité humaine et leurs droits fondamentaux soient pleinement respectés », ajoutait le chef de l’Eglise catholique, soucieux de la reconnaissance des chrétiens de toutes les dénominations. Moins de deux mois plus tard, en janvier 2011, Benoît XVI appelait le monde entier à agir pour protéger les chrétiens d’Egypte après la mort de 21 coptes lors d’un attentat devant une église à Alexandrie. L’imam d’Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite basée en Egypte, avait alors dénoncé une « ingérence inacceptable ».

Mais, au-delà du monde musulman, le sort des chrétiens en pays communiste intéresse aussi le Pape. Il a récemment reçu le Secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Nguyen Phu Trong. De manière générale, sous l’impulsion de Benoît XVI, le Saint-Siège oeuvre désormais à obtenir des traités internationaux pour protéger les chrétiens. Un officiel du Conseil pontifical pour les textes législatifs, le Père Cuong M. Pham, a précisé que les persécutions les plus importantes avaient lieu au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud. Et d’ajouter que les chrétiens font face à une hostilité grandissante au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. C’est là aussi l’une des préoccupations du Pape.

Deux jours avant l’annonce de son renoncement, le Pape a déclaré aux séminaristes de Rome que les chrétiens sont « le peuple le plus persécuté parce qu’ils sont non-conformes, contre les tendances de l’égoïsme et du matérialisme ».
Intellectuel ouvert à l’échange, Joseph Ratzinger, alors cardinal, avait participé en janvier 2004 à un échange intitulé « La dialectique de la sécularisation » avec le philosophe athée Jürgen Habermas, abordant la place de la croyance religieuse dans l’espace public. Le théologien avait alors assuré : « Nous avons vu qu’il y a des pathologies extrêmement dangereuses dans les religions : elles rendent nécessaires de considérer la … raison comme une sorte d’organe de contrôle que la religion doit accepter comme un organe permanent de purification et de régulation … Mais nos réflexions ont montré qu’il existe aussi des pathologies de la raison [par exemple] la bombe atomique et l’homme comme produit [référence notamment aux manipulations génétiques]… C’est pourquoi et en sens inverse, la raison aussi doit être rappelée à ses limites et apprendre une capacité d’écoute par rapport aux grandes traditions religieuses de l’humanité ».

Cette place demandée pour la parole chrétienne dans la société sécularisée s’est muée en inquiétude de plus en plus profonde durant ce ministère. Le retrait de celui qui doit quitter le pontificat le 28 février au soir ne signifiera pas son renoncement à s’intéresser au sort des chrétiens persécutés et discriminés, lui qui a été marqué dans sa jeunesse par la barbarie antichrétienne du nazisme.

     

Succession de Benoît XVI : laissons faire l’Eglise !
Et pourquoi pas des primaires catholiques pendant qu’on y est ?
14 février 2013
Eugénie Bastié
Original ici.
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Sur le plateau du Grand Journal de Canal +, qui est l’équivalent contemporain du huitième cercle de l’enfer de Dante (réservé aux ruffians et séducteurs, adulateurs et flatteurs), tout le monde se réjouissait lundi soir de la démission du pape. Alors que le soi-disant écrivain catholique et bien nommé Karl Zéro déclarait que Benoît XVI était « chiant et rétrograde », que l’ermite médiatique Daniel Duigou et l’abbé mondain de la Morandais approuvaient plus ou moins en rigolant avec les mécréants, un bandeau sous-titrait en toute objectivité « Benoît XVI : entre scandales et déclin de l’Eglise ».
Oui, tout le monde semble se réjouir de la démission de ce pape trop introverti, trop « réac », trop coincé, trop intello peut être, en tout cas complètement inadapté au monde moderne, malgré sa tentative récente et pleine de bonne volonté de s’inscrire sur Twitter.
Mais à ceux qui citent les prophéties de Moretti et son dernier (mauvais) film Habemus papam, où le pape fraîchement élu s’enfuit et renonce à sa fonction, je réponds que ce n’est pas l’homme qui n’était pas fait pour la fonction mais, hélas, la fonction qui n’est plus faite pour le monde. Un monde où tout va trop vite, où tout doit être immédiat et où plus rien ne peut être éternel, absolu et sacré aurait-il pu tolérer un Jean-Paul II tremblant, croulant et diminué qui alla pourtant jusqu’au bout de sa tâche ? Je ne crois pas.

La décision courageuse de Benoît XVI créera sans doute un précédent, et l’on peut raisonnablement envisager que désormais tout pape prendra sa retraite, ou « démissionnera » d’une tâche devenue un métier comme un autre, poussé par la fatigue, par les accusations incessantes de ringardise, et les scandales d’un monde où tout se sait.

Il est fini le temps où le pape, assis sur son trône au Vatican, se contentait d’édicter des dogmes, de canoniser des saints et d’écrire quelques encycliques tout en se faisant baiser les doigts par un ou deux chefs d’Etat de temps à autre. Aujourd’hui, le pape, confronté au déclin de l’Eglise dans son foyer européen, doit se battre sur tous les fronts pour défendre ses positions en matière sociétale, s’insurger contre le massacre des chrétiens, dénoncer la PMA et négocier avec les lefebvristes, prendre des bains de foule aux quatre coins du monde et punir les pédophiles.
Être tour à tour festif aux JMJ, grave à Saint Pierre, charismatique et modéré, mystique et médiatique, universel et œcuménique, infaillible et « humaniste ».
L’Eglise doit-elle courir après ce monde si rapide ? Non. Son rôle est au contraire de rester en arrière pour ramasser ceux qui trébuchent et s’essoufflent, et n’arrivent pas à suivre le rythme effréné de l’ère du vide : les petits, les faibles, les pauvres de cœur.
Alors, quel pape faut-il à notre monde ? Christine Boutin et Bernadette Chirac donnent leur avis de bigotes médiatiques d’un air entendu et détaché : « moi j’aimerais bien que ce soit un Africain », du même ton qu’elles commanderaient une salade d’ananas un dimanche de carême. Ça change.
Les belles âmes s’enthousiasment aussi pour les cardinaux tiers-mondistes, ignorant, ou feignant d’oublier que ce sont les plus conservateurs, bien éloignés de leurs idéaux boboïstes ou du cathofestivisme.
À l’heure où la barjotisation de l’Eglise bat son plein, où les ouailles doutent et le clergé déroute (Mgr Barbarin vient de se déclarer favorable au mariage des prêtres), tous s’accordent à désirer un pape jeune, un pape moderne et réformateur.
Souvenons-nous alors de ce que Philippe Muray écrivait avec sa verve habituelle en mai 2005 : « Non décidément, ce Benoît XVI ne passe pas, il est inadmissible. Par chance il est vieux, il ne durera pas , c’est un pape de transition. Nous voulons un pape comme nous, pas un pape papiste ou papophile, un pape papophobe, non papolâtre ou papocrate. Un pape moderne. Un pape comme la société moderne ». Et il terminait par cette suggestion : « Pourquoi ne pas l’élire nous-mêmes ? ».