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A propos du mot "révolution"

Il en a été beaucoup question, ces derniers temps, à propos du nouveau Pape, que ce soit lui, ou d'autres, qui aient prononcé ce mot. Une réflexion d'un blogueur sur le site ReL, traduite par Carlota (6/8/2013)

François, à Rio, a invité les jeunes à entrer dans « l’onde révolutionnaire de la foi » (1) ; mais surtout, les commentateurs parlent de la « révolution Bergoglio » pour un oui pour un non, et même sa sœur a utilisé le mot pour qualifier le jeune pontificat.
N’y a-t-il pas un danger à banaliser un mot qui appartient au vocabulaire de l’ennemi?
D'autant plus qu'en France, comme le rappelait Jeannine (La lettre de Jeannine du 5 août), il a des relents sinistres, renvoyant à une sombre période de notre histoire, et pas celle qu'on nous serine habituellement....

     

La foi n’est pas révolutionnaire
Jorge Soley
http://www.religionenlibertad.com
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Ils sont nombreux ceux qui ont fait écho ces jours derniers des mots du Pape François quand il a affirmé que la foi est une révolution : « Es-tu disposé à entrer dans cette onde de la révolution de la foi ? » demandait le Saint Père aux jeunes réunis à Rio de Janeiro (1). Pour être juste, l’usage du terme révolutionnaire n’a pas été une invention de ce Pape, sans aller plus loin Benoît XVI a déjà parlé de la « révolution de l’amour » (2), un autre terme, comme révolution de la foi ou révolution chrétienne, qui nait de cet exercice si commun depuis presque un siècle dans l’Église de prendre un mot profane chargé de sens et de lui faire prendre une forme d’adjectif pour essayer de lui donner un autre contenu (et dont les résultats sont, au minimum, douteux).

On comprend ce que veulent dire les Papes en employant le mot révolution dans un sens non strict : la foi dans le Christ n’est pas simplement décorative mais doit provoquer un changement radical dans nos vies. On prend révolution dans le sens de changement profond, celui qui fait place à l’homme nouveau dont parlait Saint Paul.

Mais le terme révolution, en impliquant un changement profond, incorpore d’autres nuances, des nuances qui sont incompatibles avec la foi chrétienne. Si les révolutions ont été caractérisées par quelque chose cela a été par la volonté constitutive de rompre complètement avec le passé, bon, mauvais ou passable. C’est qu’exprime avec toute sa force le passage de l’Internationale qui affirme d’une façon si manifeste : « du passé faisons table rase ».

L’attitude du Christ est le contraire de l’attitude révolutionnaire, comme on le constate avec Celui qui est venu accomplir la Loi et non pas y déroger. L’Église suit le chemin marqué par sa Tête, tout le contraire des gnostiques, eux de véritables révolutionnaires, qui renient violemment le legs de l’Ancien Testament. Cette attitude de prendre ce qu’il y a de bon du passé apparaît évidente dans la Patristique et dans la Scolastique, autant en ce qui concerne les Saintes Écritures que la philosophie grecque. Il n’est pas étonnant donc que Saint Thomas d’Aquin ait affirmé que la grâce ne détruit pas la nature (ce qui est, au fond, l’objectif des révolutionnaires), mais la perfectionne. La grâce de la foi change tout, c’est certain, mais non pas d’une manière révolutionnaire, en faisant table rase du passé, mais en l’assumant et en l’élevant à une nouvelle dimension, celle des fils de Dieu.

D’un autre côté, dans son usage d’origine, le terme révolution implique un tour, une rotation qui nous laisse au même point de départ (nous les anciens nous nous rappelons le mot en relation avec les disques 45 tours pour 45 tours à la minute – ndt en espagnol l’on disait des disques 45 révolutions à la minute). C’est le destin de toute révolution, incapable de rendre meilleurs les hommes comme les sociétés.

Beaucoup plus en adéquation semble être le terme « conversion » dont la signification littérale est « se retourner vers » : la foi est un notre regard qui se tourne vers le visage du Christ et alors oui, tout change d’une manière radicale, notre vie, nos familles, notre façon de voir et d’être en relation avec nos frères. Loin des révolutions, qui nous font nous tourner sur nous-mêmes et nos misères, la conversion nous fait sortir de nous et avec la vue dirigée vers l’Aimé, tout contempler d’une façon nouvelle. C’est cette conversion, qui doit se renouveler constamment, à celle à laquelle nous sommes appelés nous les chrétiens et celle dont le monde a besoin aujourd’hui plus que jamais .

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Notes de traduction
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Le Pape François a prononcé son discours « révolutionnaire » en espagnol, ce qui a bien sûr était souligné par les observateurs hispaniques, dans ce continent si cruellement marqué par les « messies » révolutionnaires du Siècle des Lumières de l’époque bolivarienne à Ernesto Guevara dit le Che et ses nombreux disciplines financés par le grand frère marxiste… Des « messies » révolutionnaires qui ont rarement apporté un mieux mais ont plutôt servi, abusés ou cyniques, leurs propres intérêts.
Par ailleurs le terme espagnol « revolución » (tout comme en français) qui signifie aussi tour à 360% donc retour à la case départ, peut aussi faire froid dans le dos à certains catholiques qui n’y ont peut-être pas vu un retour à la pureté mythique des premiers chrétiens, mais peut-être un certain catholicisme des années 70…
Les jeunes de Rio, auront sans doute et tout simplement compris, qu’ils devaient ne pas hésiter à changer de cap mais seulement à 180% pour suivre le Christ !

     

(1) Discours de Benoît XVI au Liban, septembre 2012 (www.vatican.va)
(2) Discours de François à Copacabana (www.vatican.va): en fait, ce discours s’inspire très largement de discours de Benoît XVI prononcés dans des circonstances analogues.