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Cette lettre inoubliable, au milieu de l'ouragan

Le Pape Benoît va rentrer au Vatican. Aujourd'hui comme toujours, il a expliqué avec humilité chacun de ses pas, dit JL Restan, qui revient sur un des évènements les plus dramatiques du Pontificat, la lettre aux évêques du 10 mars 2009, écrite à la suite de l'affaire Williamson. Traduction de Carlota (30/4/2013).

>>> La lettre de Benoît XVI ici.

     

Cette lettre inoubliable, au milieu de l’ouragan
José Luis Restán
http://www.paginasdigital.es/v_portal/apartados/pl_portada.asp?te=15
Traduction de Carlota
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Jeudi prochain (2 mai), Benoit XVI fera retour à l’« enceinte de Saint Pierre » , où par une décision entièrement libre il restera jusqu’à la fin de son pèlerinage sur cette terre. Il est impossible de ne pas penser aux derniers mots adressés à son peuple : « Je ne fais pas un retour à la vie privée, à une vie de voyages, de rencontres, de réceptions, de conférences, etc. Je n’abandonne pas la croix, mais je reste de façon nouvelle à côté du Seigneur Crucifié ». Je n’ai plus la force de la charge pour le gouvernement de l’Église, mais je reste dans le service de la prière, pour le dire ainsi, dans l’enceinte de Saint Pierre. »

Ces mots, dits avec la pureté cristalline qui l’a toujours accompagné, coupaient aussi court aux incompréhensions et fantaisies truculentes. Et ils obligeront indubitablement à beaucoup de réflexion de la part des canonistes et théologiens dans le futur immédiat. « Aimer l’Église signifie aussi avoir le courage de prendre des décisions difficiles, endurées, en mettant toujours en avant le bien de l’Église et non celui de soi-même ».
Des décisions difficiles… Il ne s’agit pas, par conséquent, du repos mérité d’un vieillard à la limite de ses forces, mais du pas conscient et du sacrifice de celui qui a compris que le Seigneur voulait ouvrir un chapitre nouveau dans cette histoire où il fut toujours un simple travailleur de la vigne, qui y a transpiré.

La vérité est que Joseph Ratzinger a toujours expliqué avec patience et humilité chacun de ses pas sans se défendre derrière des bannières et des structures, car il savait très bien que le travail du Pêcheur n’a rien à voir avec l’arbitraire ou la domination. La forme de ce dialogue serein du dernier mercredi sur la place Saint Pierre, marqué par un réalisme qui transpire la gratitude et l'espérance, m’a fait penser à un autre dialogue dramatique, peut-être unique en son genre dans la déjà longue histoire de la papauté : je fais référence à la lettre écrite le 10 mars 2009 aux évêques de l’Église Catholique, au motif de la rémission de l’excommunication des quatre évêques qui avaient été consacrés par l’archevêque français Marcel Lefebvre en 1988 (1).

Peut-être les mois de février et mars 2009 avaient-ils été les plus amers de son pontificat. Après une décision qui prétendait faire se rapprocher la guérison d’une blessure qui suppurait depuis déjà plus vingt ans, en aplanissant le chemin de retour à la maison pour les partisans de Lefebvre, le pape a éprouvé dans sa chair ce qu’est la solitude ultime de son ministère. Mais pas seulement : également la solitude, fruit de la fuite de ceux qui auraient du le protéger, de la lâcheté, de la calomnie et du calcul mesquin de combien, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église.

« Les catholiques aussi, qui, dans le fond, auraient pu mieux savoir comme sont les choses, ont pensé qu’ils devaient me blesser avec une hostilité disposée à l’attaque ». Et à un autre moment il n’hésite pas à évoquer le reproche de Saint Paul aux Galates, quand il les avertit du risque de se mordre et de se dévorer mutuellement (2). C’est ainsi que s’était exprimé, sans défenses du monde, le Pasteur de l’Église universelle, cloué ces jours-là au pilori, accusé de mévendre le Concile, d’insulter les Juifs et de fracturer cette Église pour l’unité de laquelle il a toujours été, lui, disposé à donner sa propre vie.

Sa lettre à tous les évêques m’a fait pensé à l’Apologie pro vita sua du bienheureux J. H. Newman, même si, bien sûr, le génial converti anglais ne s’était pas assis sur le Siège Apostolique. Dans ces lignes explosait toute la puissance de la raison de Ratzinger, mais aussi son amour passionné pour le Christ et l’Église. « Était-ce et est-ce vraiment se tromper que sortir à la rencontre du frère qui « exprime des plaintes contre toi », et chercher la réconciliation ?... Peut-il être totalement erroné le fait de s’engager dans la dissolution des rigidités et des restrictions, pour donner un espace à ce qu’il y a de positif et de récupérable pour l’ensemble ? … Devons-nous réellement les laisser (les partisans de Lefebvre) tranquillement aller à la dérive loin de l’Église ? … Pouvons-nous simplement les exclure comme un groupe marginal radical, de la recherche de la réconciliation et de l’unité ? Qu’en sera-t-il d’eux ensuite ? ». Nous savons comment ils ont répondu après, ces frères… mais c’est une autre histoire.

La tension dramatique de ces pages écrites au milieu de l’ouragan a beaucoup plus d’éclat qu’un légitime épanchement ou une admonestation méritée. Cette lettre unique dans l’histoire révèle une dimension qui accompagne mystérieusement, avant ou après, ceux qui reçoivent la charge de chausser les sandales du pêcheur : la dimension du martyre. Pierre doit étendre les mains pour être ceinturé et emporté là où il n’aurait pas voulu aller. Mais surtout nous trouvons là un rappel à l’ordre sur les priorités de l’Église en ce début du XXIème siècle, quand dans de larges zones de la terre la foi est en danger de s’éteindre et l’humanité se voit affectée par un manque d’orientation dont les effets destructeurs sont chaque fois plus mis en évidence.

Il n’existe pas une autre priorité au dessus que de rendre présent Dieu en ce monde et d'ouvrir aux hommes l’accès à Dieu, mais pas n’importe lequel, mais au Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ mort et ressuscité.
Pour cette priorité, Benoît XVI s’est livré et usé, pour cette priorité il reste caché du monde, attaché à la croix de son Seigneur dans l’enceinte de Saint Pierre, avec la douce paix de celui qui sait que « Dieu guide son Église, la soutient toujours, aussi et surtout dans les moments difficiles… c’est l’unique vraie vision du chemin de l’Église et du monde ».

Notes

(1) Pages spéciales sur ce site : http://benoit-et-moi.fr/2009-I/

(2) Lettre aux évêques:
Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres !" J’ai toujours été porté à considérer cette phrase comme une des exagérations rhétoriques qui parfois se trouvent chez saint Paul. Sous certains aspects, il peut en être ainsi. Mais malheureusement ce "mordre et dévorer" existe aussi aujourd’hui dans l’Église comme expression d’une liberté mal interprétée. Est-ce une surprise que nous aussi nous ne soyons pas meilleurs que les Galates ? Que tout au moins nous soyons menacés par les mêmes tentations ? Que nous devions toujours apprendre de nouveau le juste usage de la liberté ? Et que toujours de nouveau nous devions apprendre la priorité suprême : l’amour ? Le jour où j’en ai parlé au grand Séminaire, à Rome, on célébrait la fête de la Vierge de la Confiance.

Le Pape faisait allusion à la lectio divina prononcée « a braccio » au Séminaire romain majeur, le 20 février 2009, en pleine tempête Williamson, et juste avant l’horrible tempête du préservatif : http://benoit-et-moi.fr/2009-I/