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Concert de gala pour le Pape...

mais c'était Benoît XVI, le 27 octobre 2007. L'Orchestre Symphonique et le Choeur de la Radio Bavaroise exécutaient en son honneur la IXème symphonie de Beethoven. Et les interrogations de Magister (24/6/2013)

>>> Image ci-contre: Benoît XVI à la Scala de Milan, 2 juin 2012

     

Dans son dernier billet, Sandro Magister ose enfin soulever la chape de silence qui pèse sur tous les actes du Pape François, pax mediatica oblige. L'article, à ce titre, apparaît comme une "première" dans le milieu des initiés (http://chiesa.espresso.repubblica.it).

Et voici le post-scriptum, écrit après l'épisode de la "chaise vide":

Le 22 juin, exactement le centième jour de son pontificat, le pape François a accompli un geste qui a stupéfait même quelques uns de ses plus ardents partisans.
En raison d’une "tâche urgente et impossible à reporter", sans plus de précisions - ce qui n’a été annoncé qu’à la dernière minute et dont même "L'Osservatore Romano" n’avait pas été informé - il a laissé vide le fauteuil qui lui était destiné, au centre de la salle des audiences dans laquelle allait être interprétée pour lui, à l’occasion de l'Année de la foi, la Neuvième Symphonie de Ludwig van Beethoven, qui a effectivement été exécutée en son absence.
"Je ne suis pas un prince du temps de la Renaissance qui écoute de la musique au lieu de travailler" : voilà la phrase que certains "papistes" de la curie lui ont attribuée, sans se rendre compte qu’elle avait pour seul effet de lui causer du tort.
...
En réalité, il a rendu encore plus indéchiffrable le début de ce pontificat.
En effet l’élan évangélisateur du pape François, sa volonté d’atteindre les "périphéries existentielles" de l'humanité, trouveraient justement dans le grand langage musical un véhicule d’une extraordinaire efficacité.
Dans la Neuvième Symphonie de Beethoven ce langage atteint des sommets sublimes, il devient compréhensible au-delà de toute frontière de foi, il devient un "Parvis des Gentils" incomparablement suggestif.
Après chaque concert public auquel il assistait, Benoît XVI communiquait ses réflexions, qui touchaient l’esprit et le cœur du public.
Il y a un an, après avoir écouté justement la Neuvième Symphonie de Beethoven au théâtre de la Scala de Milan, le pape Joseph Ratzinger avait conclu de la manière suivante :

"Après ce concert, beaucoup se rendront à l’adoration eucharistique – au Dieu qui participe à nos souffrances et continue de le faire, au Dieu qui souffre avec nous et pour nous et qui a ainsi rendu les hommes et les femmes capables de partager la souffrance de l’autre et de la transformer en amour. C’est précisément à cela que nous nous sentons appelés par ce concert".

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Mais le concert à la Scala (voir ici: http://benoit-et-moi.fr/20122(II)), en 2012 n'était pas l'unique fois où Benoît XVI nous a régalés de ses commentaires sur la IXe symphonie de Beethoven.
Le discours prononcé par lui à l'issue de la représentation du 27 octobre 2007 n'est toujours pas, à ce jour, traduit en français sur le site du Vatican...
A l'époque, j'avais traduit le commentaire d'Angela Ambrogetti, que je reproduis ci-dessous.

Le Pape : Beethoven, patrimoine universel de l'humanité
Angela Ambrogetti
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Un concert de gala pour le Pape samedi soir au Vatican. La Salle Paul VI a reçu l'Orchestre Symphonique et le Choeur de la Radio Bavaroise dirigés par Mariss Jansons, pour l'exécution de la IXème symphonie de Beethoven, un hommage au Pape du Cardinal Friedrich Wetter et du Professeur Thomas Gruber.
"Une symphonie, qui appartient au patrimoine universel de l'humanité, - a dit le Pape dans son discours de remerciements au terme de l'exécution - et suscite toujours et de manière renouvelée mon étonnement".
Le Pape relit la naissance de ce chef-d'oeuvre à la lumière des épisodes de la vie de Beethoven: "... après des années d'auto-isolement et de vie retirée, où il avait dû se battre avec des difficultés intérieures et extérieures qui suscitaient en lui de la dépression et une profonde amertume, et menaçaient d'étouffer sa créativité artistique, en 1824, le compositeur désormais totalement sourd, surprend le public avec une composition qui rompt avec la forme traditionnelle de la symphonie et, dans la coopération entre l'orchestre, le choeur et les solistes, s'élève à un extraordinaire final d'optimisme et de joie".
Là est le changement. "L'irrésistible sentiment de joie transformé ici en musique n'est pas quelque chose de léger et de superficiel: c'est un sentiment conquis avec peine". Le grand compositeur avait appris une nouvelle façon d'écouter.

"Il me vient à l'esprit, a poursuivi le Pape - une expression mystérieuse du prophète Isaïe qui, parlant d'une victoire de la vérité et du droit, disait : "En ce jour, les sourds entendront les mots d'un livre [c'est-à-dire mots seulement écrits]; libérés de l'obscurité et des ténébres, les yeux des aveugles verront ". C'est une allusion à une capacité de percevoir que reçoit en don celui qui obtient de Dieu la grâce d'une libération extérieure et intérieure ".

La conclusion du discours, ramène le Pape à un souvenir significatif d'une année significative : 1989 lorsque le Choeur et l'Orchestre de la Radio Bavaroise, à l'occasion de la "chute du mur", dirigés par Leonard Bernstein, changèrent le texte de "L'Hymne à la joie" en "Liberté, belle étincelle de Dieu". Parce que, conclut le Pape, "la vraie joie est enracinée dans cette liberté qui seul Dieu peut offrir".
"Lui seul - parfois à travers des périodes de vide et d'isolement intérieur - veut nous rendre attentifs et capables "de sentir" sa présence silencieuse pas seulement "par-delà la voûte des étoiles", mais aussi dans l'intimité de notre esprit. C'est lui qui allume l'étincelle de l'amour divin qui peut nous rendre libres d'être ce que nous sommes vraiment."
Dans la salle archi-comble, beaucoup les personnalités civiles et religieuses. Avant l'exécution de la symphonie l'orchestre et le choeur ont exécuté "Tu es Petrus" en signe de salutation et d'hommage. De très longs applaudissements ont conclu les deux exécutions.
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On ne peut pas reprocher au Pape de n'être pas mélomane, encore moins musicologue.
Moi-même, je ne le suis pas, mais à chaque fois, les commentaires de Benoît XVI à l'issue des concerts auxquels il assistait m'ont transportée, me donnant l'impression que je comprenais le langage de la musique.
On n'attendait pas de François un commentaire érudit, juste une présence, et un salut. Après tout, en chaque circonstance, il a su trouver les mots pour s'adresser à son auditoire, sans pour autant marcher dans les traces de Benoît XVI (il ne le souhaite pas, et du reste, on ne l'attend pas de lui).