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Dans l'avion de Benoît XVI

Traduction de la très belle préface d'Angela Ambrogetti à son livre "Sull'aereo di Papa benedetto" (18/4/2013)

>> Cf.
Magistère volant

A relire aussi

>>> Angela Ambrogetti raconte comment elle a vécu le voyage au Liban: benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/une-journaliste-du-vol-papal-raconte.php
>>> Deux échantillons des interviewes papales, en route vers l'Espagne (benoit-et-moi.fr/2010-III ) et en route vers le Cameroun (benoit-et-moi.fr/2009-I)

Benoit XVI a 86 ans: les rencontres avec la presse
http://www.korazym.org
(ma traduction)
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Aujourd'hui, le Pape émérite a 86 ans. Au-delà des souhaits, nous voulons lui rendre hommage en publiant quelques passages du livre d'Angela Ambrogetti, "Sull'aereo di Papa Benedetto"...
Le livre est préfacé par l'archevêque Georg Gänswein, et il est introduit par le Père Federico Lombardi.


Voici l'introduction d'Angela Ambrogetti.

* * *


Quand Benoît XVI s'est rendu au Mexique et à Cuba, il a réalisé un record: c'était le Pape le plus âgé à effectuer un voyage international.
Ceci explique beaucoup de la signification des voyages dans le Pontificat du Pape théologien, qui a recueilli l'héritage de Jean-Paul II.
Quand, le 19 avril 2005, le collège des cardinaux élit Joseph Ratzinger comme 264e successeur de Pierre, peu, probablement, imaginent que Benoît XVI voyagerait autant que son prédécesseur. Benoît XVI vient d'avoir 78 ans, comme Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il a surtout dédié son temps à l'étude et à l'examen de textes, il est l'âme théologique du pontificat de Jean Paul II, mais ce n'est certes pas un voyageur.

Et pourtant, le monde, il le connaît bien. Il le rencontre chaque jour à travers les récits des évêques qui viennent dans son bureau lui dire leurs problèmes et chercher conseil. C'est ainsi que le cardinal bavarois, pendant presque 25 ans, entre en contact avec les Eglises de toutes les parties du monde. Benoît XVI semble vouloir répondre aux nombreuses invitations, en envoyant son secrétaire d'Etat, le cardinal Tarcisio Bertone. Mais, évidemment, à certains rendez-vous, le Pape doit être présent. Comme à Cologne, aux Journées Mondiales de la Jeunesse qui en août 2005 réunissent les jeunes du monde entier pour la première fois après la disparition de l'inventeur des JMJ. Benoît XVI recueille l'héritage, et relance une "nouveauté": l'adoration Eucharistique.

C'est le début d'une nouvelle histoire pour les Journées, et pour le style des voyages du Pape. Lentement, la machine organisative s'adapte au nouveau style pontifical. Certains redoutent que le style minimal de Benoît XVI ne vide les places et les rues. Au contraire, un pas après l'autre, le Pape timide et réservé surprend tout le monde, et ses voyages deviennent de grands succès. On pourrait presque dire que Benoît XVI donne le meilleur de lui-même justement sur la grande scène mondiale, loin d'une certaine atmosphère italienne, romaine, curiale.

Parmi les "héritages" que Ratzinger recueille de Wojtyla, et transforme, il y a le rapport avec les journalistes qui suivent les voyages internationaux.
Jean Paul II avait "créé" une nouvelle façon de dialoguer avec la presse, profitant justement des longues heures passées dans l'avion. Une façon extrêmement directe, au début même un peu chaotique, de dialoguer. Questions/réponses sur des thèmes de tous types, et dans un second temps, d'authentiques conférences de presse. Benoît XVI qui, comme cardinal, avait accepté la rencontre avec les journalistes de manière plus tranquille, s'offre sereinement aux questions de ses compagnons de vol.
Petit à petit, l'entretien devient intense et se transforme en petites leçons que le Professeur Ratzinger offre aux médias. Rien d'aride ou de scolastique, mais au contraire, les paroles du Pape sont pleines d'émotion, de récits et de commentaires personnels. Histoire, théologie, ecclésiologie, s'entremêlent pour offrir à la presse une clé de lecture du voyage qui s'accomplit, mais le Pape affronte aussi les thèmes "épineux" qui chaque jour sont rapportés par les médias. Son rapport est tranquille, parfois distant. Le Pape sait que la communication est importante, mais il ne veut pas se laisser entraîner dans des polémiques spécieuses sur des thèmes ecclésiaux. Chaque conférence devient de toutes façons un évènement médiatique. Les journalistes se dépêchent de transmettre les passages les plus importants, certains transcrivent cette petite demi-heure de conversation en hâte et en furie, pour pouvoir la publier via internet, et à la fin, même le premier discours de Benoît XVI à l'arrivée dans le pays visité, reste un peu dans l'ombre. C'est la limonade médiatique contemporaine, que toutefois Benoît XVI semble ne pas vouloir subir.

Quand le cardinal tenait des conférences pour la presse, il était toujours disponible pour toute question. Si on lui demandait une interviewe plus articulée, il fallait envoyer d'abord un schéma des questions. Comme Pontife, Joseph Ratzinger est le Pape des livres-interviewe, comme "La lumière du monde", et l'extrême attention, le soin, avec lesquels il se prépare aux questions n'ont pas changé. Du reste, Benoît XVI se laissera "interviewer" aussi par les téléspectateurs de l'émission de la RAI, "A sua immagine" dans l'après-midi du Vendredi Saint de 2011. Trois questions, et autant de réponse sur le courage de la foi, devant la douleur et la persécution, quatre réponses sur la vérité de la foi. A une fillette japonaise de 7 ans, choquée par le tremblement de terre, le Pape dit: "En ce moment, il me semble important que vous le sachiez: Dieu, m'aime, même s'il semble qu'il ne me connaisse pas". A la mère d'un garçon en état végétatif, Benoît XVI répond: "je suis sûr aussi que cette âme cachée sent en profondeur votre amour, même si elle ne comprend pas les détails, les mots... mais la présence d'un amour, elle la sent". Aux chrétiens de Bagdad, Benoît explique: "nous voulons faire un travail de réconciliation, de compréhension, même avec le gouvernement, l'aider dans ce chemin difficile de recomposer une société déchirée".

Et il parle de dialogue avec l'islam, de paix, de la vie après la mort, de ce qu'est la Résurrection. "Jésus ne meurt plus, autrement dit, il est au-dessus des lois de la biologie, de la physique, parce que, soumis à celles-ci, un homme meurt. Donc, il y a une condition nouvelle, différente, que nous ne connaissons pas, mais qui se montre dans le fait de Jésus, et c'est la grande promesse pour nous tous qu'il y a un monde nouveau, une vie nouvelle, vers laquelle nous sommes en chemin".
Thèmes difficiles que Benoît XVI affronte avec clarté et simplicité. Paroles qui arrivent à l'intelligence et au coeur.

Et pourtant, Joseph Ratzinger semble n'avoir jamais été bien compris par les médias. En dépit de sa franchise et de sa disponibilité envers la presse, ils sont nombreux à théoriser une incapacité communicative de sa part. La vérité est que le Professeur Ratzinger demande à être écouté avec calme. Les discours de Benoît XVI requièrent attention et préparation. En théologien, habitué à parler avec des étudiants et des professeurs, le Pape développe un discours ample et complet qui doit être suivi dans son intégralité. Alors que désormais, trop souvent, la presse cherche le slogan facile, la phrase à 140 caractères (ndt: pour les non initiés, la limite autorisée par Twitter) à lancer sur les réseaux sociaux en peu de secondes.

Là naissent les équivoques. Comme ce fut le cas à Ratisbonne, dans le discours historique tenu à l'Université. Superficialité et hâte ont risqué de détruire un des pas les plus importants pour le dialogue entre chrétiens et musulmans. Le chaos médiatique a porté à un chaos réel, qui a mis en danger des vis humaines (ndt: il y a eu des morts!). Rien de plus éloigné, bien sûr, des intentions de Benoît XVI. De ces "incidents", le Pape a dû en affronter plusieurs. Certes en partie - et Benoît XVI l'a reconnu lui-même - par la responsabilité de la Curie, et du Pape lui-même (???). Comme dans le cas de l'annonce de la révocation de l'excommunication des 4 évêques lefebvristes, parmi lesquels un négationiste. Mais c'est précisément un cas évident de manipulation médiatique de faits qui, s'ils avaient été pleinement expliqués, n'auraient pas eu les conséquences qu'ils ont eues. Du reste, dans le monde contemporain, ces "incidents" ont été surtout remarqués à un moment, mais les pontifes précédents ont eu eux aussi leur problèmes dans leurs rapports avec les médias. Même Jean Paul II, Pontife défini comme médiatique par excellence, durant de nombreuses années, a été considéré comme un "polonais bigot" par une certaine presse, et certains de ces gestes furent longtemps rendus équivoques.
Et puis les années de la maladie le transformèrent, pour les médias, en une icône silencieuse, faisant oublier les paroles enflammées qui, dans les années 80, avaient secoué les consciences de beaucoup.

Benoît XVI aime le rapport intime et direct avec les fidèles. Dans les paroisses (qu'il visite), il ne lit pas son homélie, mais propose ses réflexions bibliques "a braccio"; dans les grandes foules, il préfère lire précisément le texte qui est distribué à tous, et que tout le monde peut suivre. Les journalistes ont le devoir de le lire avec calme, mais souvent, ce n'est pas le cas. Parce que l'on cherche "à faire la nouvelle", oubliant que pour un Pape, la vraie nouvelle est l'annonce de l'Evangile. Le Pontificat de Jean Paul II, dans les dernières années, avaient habitué la presse à avoir des slogans "politiques". Le Pape polonais était historiquement habitué à parler de droits de l'homme, justice sociale, présence de l'Eglise dans le monde. Tout cela était bien sûr la conséquence naturelle de l'annonce de l'évangile. Mais la conséquence faisait davantage la nouvelle que la motivation. Dans la nouvelle époque historique que nous vivons, Benoît XVI explique à nouveau au monde pourquoi l'Eglise catholique parle de droits de l'homme, de paix et de justice sociale. Mais le monde médiatique semble moins préparé à en parler. Ainsi, de la Nouvelle, on passe à la nouvelle, et on perd le sens plus ample du Pontificat.

2012, année du 50e anniversaire de l'ouverture du Concile Vatican II, marque aussi le moment où les médias se remettent à parler d'idées et de faits, plutôt que d'indiscrétions et de commérages. Nous essayons de relire les mots que Benoît XVI a proposés directement à la presse mondiale en poursuivant le travail de JP II, mais d'une façon mieux adaptée aux dons humains de Joseph Ratzinger. Une communication personnelle, d'homme à homme, un dialogue impliquant la raison et l'intelligence, même dans la simplicité de l'exposition.
Les textes des rencontre du pape avec la presse ont été rendus (ndt: presque) immédiatement disponibles grâce à la salle de presse du Saint-Siège. Dans les premiers temps, il s'agissait de brefs saluts, et le porte-parole Joaquin Navarro-Vals a reproposé le schéma des rencontres avec Jean-Paul II, interrompu en 2000 à cause de l'aggravation de la maladie du Pontife. Benoît XVI lui-même a été interviewé par radio Vatican avant les JMJ de Cologne, ou par des journalistes des pays qu'il allait visiter, comme avant les voyages en Pologne et en Bavière, en 2006.
Ce livre naît justement de la volonté de "remettre en file" les idées et les réflexions que Benoît XVI a offertes aux médias du monde entier à l'occasion de ses voyages.
Textes intégraux permettant à ceux qui les lisent de comprendre pleinement la pensée du théologien Joseph Ratzinger et du Pape Benoît XVI, mais aussi de connaître sa profonde humanité, et son envie de communiquer au monde l'unique vraie nouvelle qui change l'histoire.
Dans certains cas, ce sont les journalistes qui ont posé directement les questions au Pape, dans différentes langues. D'autres fois, c'est le Père Lombardi qui a résumé les différentes interrogations de la presse mondiale. Les réponses sont essentiellement en italien, langue de travail des vaticanistes, mais Benoît XVI utilise souvent d'autres langues, comme le français, l'anglais, l'espagnol, et évidemment l'allemand. Le Pape est un perfectionniste, et les conversations sont en général révisées par la Secrétairerie d'Etat, avant d'être publiées, sans toutefois en modifier la fraîcheur du style. Evidemment, ces conversations n'épuisent pas la richesse des thèmes que le Pape affronte dans les discours prononcés dans ses voyages, mais rendent plus faciles de s'orienter dans le magistère de Benoît XVI.
Un voyage, justement, dans le coeur du "grand amoureux" qui, de l'Amour et de la Joie, a fait les mots-clés de tour un Pontificat.