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Douze jours avec le Pape François

Le regard de JL Restàn, résolument confiant, traduit par Carlota (28/3/2013)

     

Le titre du dernier article de José Luis Restán me paraît excellent, douze jours, et déjà tout le ban et l’arrière ban du progressisme qui se dit catholique (mais pour être juste aussi, leur équivalent de l’autre bord) a déjà écrit et réécrit le pontificat du Pape François.
Est-ce ce sont les moyens techniques actuels qui sont à l’origine d’une telle production de mots ? Douze jours… !

Article en espagnol: http://www.paginasdigital.es/
(Carlota)

     

Douze jours avec le pape François

« Nous avons besoin d’une vision plus au-delà de l’Europe » confiait le cardinal canadien Marc Ouellet à la revue Maclean’s. Selon son point de vue, François est un pasteur qui arrive d’Amérique du Sud; très proche de son peuple comme s’il était un curé de paroisse. Un homme de grande simplicité et de radicalité évangélique, avec beaucoup d’expérience et aussi une capacité de réforme.

Celui qui parle est l’homme qui a été appelé par Benoît XVI au poste de commandement de la Congrégation pour les évêques, un très bon connaisseur de la situation ecclésiale sur les cinq continents, mais aussi de la Curie romaine. D’autre part Ouellet, francophone et de formation très européenne, connaît merveilleusement le catholicisme latino-américain, et ce qui est mieux, il a appris à l’aimer sur le terrain, durant dix années comme missionnaire en Colombie.
Fin théologien de la même école que Ratzinger, son enthousiasme pour le Pape François disqualifie l’hypothèse de la rupture mise en avant avec un certain succès par des milieux déterminés à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église.
Pour Marc Ouellet, Benoît est tout simplement « un grand Docteur de l’Église » et son impressionnant héritage alimentera l’Église durant longtemps.

Nous avons à peine douze jours de pontificat et François n’a pas prétendu (pas plus que Benoît ne l'a prétendu) dessiner une carte détaillée de gouvernement.
Il a surpris par une série de gestes qui reflètent plus sa personnalité qu’un programme de gouvernement.
Bergoglio a toujours été un homme d’une austérité marquée, un ascète dans la suite d’Ignace de Loyola. Un évêque qui aimait marcher dans la rue, qui profitait de rencontrer les gens ; avec un verbe rapide et riche de suggestions, parfois qui claquait comme un fouet, d’autres fois comme un brise. Il a toujours été plus un missionnaire qu’un intellectuel, un homme qui avant de théoriser la nouvelle évangélisation (comme l’ont fait tant de « pastoralistes » – ndt dans le sens de théoriciens de la pastorale), la vit face à face depuis des années, poussant ses curés à sortir à la croisée des chemins, à créer de nouvelles formes de présence.

Il l’a déjà dit aux cardinaux lors de son premier discours après l’élection: « L’Esprit Saint donne à l’Église le courage de persévérer et aussi de chercher de nouvelles méthodes d’évangélisation, pour amener l’Évangile jusqu’aux confins de la terre ; la vérité chrétienne est attrayante et persuasive parce qu’elle répond à la nécessité profonde de l’existence humaine, en annonçant de manière convaincante que le Christ est l’unique Sauveur de l’homme dans sa totalité et de tous les hommes. Cette annonce continue à être valable aujourd’hui, comme elle le fut aux commencements du christianisme, quand c’est produit la première grande expansion missionnaire de l’Évangile ».

En ces quelques jours François a laissé voir, effectivement, le principe et le fondement de son pontificat: cheminer à la lumière de Dieu pour mener une vie irréprochable, édifier l’Église sur le sang du Christ, confesser Son Nom sans renier la croix. Parce que dans le cas contraire, les possibles opérations de réforme seront chose de manucure, elles rechercheront l’applaudissement des tribunes mais transformeraient l’Église en « ONG pieuse » (Bergoglio savait aussi être mordant). Et nous savons ce qu’il abomine le plus est ce qu’il appelle, dans un phrase prise à Henri de Lubac, « la mondanité spirituelle ». Il est certain qu’en ces douze jours François a prodigué aussi la prédication de la miséricorde, de la bonté et de la tendresse d’un Dieu qui jamais ne se fatigue de pardonner. Il se peut que cet entrelacement de sévérité et de douceur soit un des signes de l’identité de son pontificat.

Il est également important d’écouter ses premiers messages vers l’extérieur de l’Église. Et c'est précisément là que nous trouvons des jugements de fond sur son ministère pétrinien. La dénonciation de la vision selon laquelle l’homme se réduit à ce qu’il produit et ce qu’il consomme comme une des tromperies les plus dangereuses pour notre temps ; et de la dictature du relativisme qui laisse chacun comme mesure de lui-même et met en danger le vivre ensemble parce qu’il ne peut y avoir de véritable paix sans vérité. Des thèmes où se fait également évidente la continuité de fond avec son prédécesseur.

On attend avec attention la façon dont François va concrétiser l’exercice de son ministère de Successeur de Pierre.
Quelques signes (par exemple son insistance à s’appeler évêque de Rome) indiquent le désir de poursuivre et approfondir le chemin montré par Jean-Paul II dans l’encyclique Ut Unum Sint, dans le sens de trouver un exercice de Primauté qui sans réduire son exigence théologique peut être mieux compris et accepté par les Églises d’Orient et les communautés de la Réforme. Sans oublier que Benoît XVI tout au long de ses huit années et surtout avec sa dernière décision, a produit un mouvement dans cette direction dont nous ne pouvons encore évaluer totalement l’ampleur.

Après une semaine de constructions et d'oppositions virtuelles des média, et d’un enthousiasme souvent pollué par la frivolité, l’image de deux frères (ndt: allusion à la rencontre entre "les deux papes") qui ont été successivement appelés à chausser les sandales du pêcheur est restée pour l’histoire d’une Église qui continue à cheminer entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu.
C’est une image qui transmet du coup la certitude sereine et pacifique qui devrait saisir toute le peuple de Dieu. Nous ne savons pas de quoi Benoît et François ont parlé. Mais nous avons vu leur accolade et leur regard commun vers Celui qui conduit la barque de l’Église. Même s’Il le fait à travers des hommes qu’Il choisit, « parce que c’est ainsi qu’Il l’a voulu ».