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François et Benoît: des vies parallèles

Christophe J. s'interroge lui aussi sur "l'enthousiasme si étrange et médiatiquement cultivé à l'égard du pape François et, en quelque sorte, contre la personne et l'héritage du pape Benoît" (17/5/2013).

Voir également:
>>> Sandro Magister: "Le Saint-Père m'a dit" (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350512?fr=y )
>>> JL Restàn: Becciu dit: c'est un peu curieux…

     

A force de lire et de recouper les informations, j'en arrive au point de réflexion que je vous communique et où je vois comme déterminant le problème posé par certains membres de la Curie et par leurs assistants, plus que par les structures de la Curie même si elles sont perfectibles...

Il me semble que l'évolution du discours médiatique concernant le pape François dépend, certes, de la manière dont les médias vont atterrir, mais aussi de la manière dont les médias se sentiront ou pas légitimes à colporter des fariboles suivant l'évolution de l'attitude du personnel de la Curie que, à la suite de Benoît XVI mais à sa manière, le pape François s'efforce de "recadrer"

(CJ)

François et Benoît : des vies parallèles.

Les Anciens, l’exemple de Plutarque est connu, aimaient écrire et lire des « vies parallèles », séries de biographies de personnages issus de milieux sociaux variés et de diverses régions, ayant exercé des fonctions dans des conditions différentes mais pourtant pas sans points communs. Bien au contraire puisque l’ensemble de ces biographies était en quelque sorte problématisé, illustrant, par exemple, en quoi l’exercice d’un pouvoir avait été pertinent. Ainsi donc le mot « parallèle » n’a pas toujours eu la signification que la géométrie, enseignée au collège, lui donne en parlant de droites parallèles qui ne se rencontrent jamais. Par conséquent, il serait simplet de faire comme si les « vies parallèles » des Anciens étaient des récits étrangers les uns aux autres, au point de pouvoir affirmer que, suivant les dispositions de qui avancerait pareille inexactitude, ce serait aussi vain ou aussi malhonnête que de confondre le Pirée avec un homme ou de prétendre que les calendes grecques ont existé jadis.
Or, depuis l’élection du pape François, nous sommes très nombreux à avoir l’impression que, sans relâche et dans divers médias, on nous fait le coup des vies parallèles de Benoît et François, au sens simplet du terme, de manière vaine et avec une bonne dose malhonnêteté. Je pense à un point particulier, que je vois à la racine des autres : la réforme de la Curie.
Voici, en effet, nous dit-on, que le pape François va s’attaquer à la réforme de la Curie et on nous dit comment : il va établir la collégialité, sorte de panacée ecclésiastique que son prédécesseur est censé avoir eue en horreur. Partant de là, on brode à l’infini sur le choix d’un groupe de huit cardinaux et sur les inquiétudes ou les enthousiasmes que cela suscite. Mais les précisions sont égales à zéro quant au fond, c'est-à-dire quant à savoir en quoi consiste la collégialité, notamment ce qu’en pense François ou ce qu’en pense Benoît. Si vous voulez savoir ce qu’est la collégialité, vous pouvez toujours « vous brosser », comme on dit avec une certaine familiarité. La familiarité manque certainement d’élégance mais ce manque d’élégance a ici l’avantage de rendre clairement compte de l’esprit avec lequel on diffuse des informations tendant à faire croire au public que les vies de Benoît et de François ne doivent jamais se rejoindre sur aucun plan.
Cependant le public arrive peu à peu à obtenir des précisions qui gênent considérablement les stratégies des on. Je pense particulièrement aux nombreuses informations contenues dans un article récent de Sandro Magister, publié le 7 mai 2013 sur le site internet « Chiesa » et intitulé « Le Saint-Père m’a dit… ». Les lecteurs apprennent que le pape François a fermement recadré certains cardinaux et/ou leurs assistants qui, soit pour briller un moment en société, soit en pensant à un plan de carrière à plus long terme, se permettent de répandre des informations plus ou moins vraies concernant des sujets aussi importants, dans le fond et dans l’écho médiatique qu’ont ces sujets, aussi importants, donc, que les affaires économiques du Vatican, avec la gestion de l’Institut des Œuvres de Religion, ou que le renouveau de la vie consacrée avec le rappel à l’ordre de la fédération de religieuses américaines appelée L.C.W.R.. Outre que cela confirme des orientations données par Benoît XVI, notamment dans le cas de la L.C.W.R., cela montre combien ont brodé ceux qui ont sciemment voulu faire croire au public qu’il existait une discontinuité irréductible entre les deux papes. En effet, nous savons que le gouvernement de Benoît XVI fut incommodé par des dysfonctionnements de la Curie, nous savons aussi qu’il commença à la réformer par certaines modifications de structures mais surtout en appelant les personnes à renouveler leur manière d’exercer leurs fonctions en son sein, stigmatisant particulièrement les membres du clergé séduits par le carriérisme et se faufilant dans une malheureuse bureaucratie… Et maintenant voici ces personnes, autant de on, cardinaux et autres, appelées à faire des travaux pratiques par le pape François : la collégialité, quelle que soit la signification qu’on lui donne, commence par le respect d’une parole qui sait avoir des répercussions pour l’ensemble de la communauté. Et vlan ! Fini le temps de broder sur des concepts abstraits, sur des décisions pas prises, sur des rumeurs, et tout cela sur l’air nunuche de « youpi François ! » : passons à l’action concrète et quotidienne, en commençant par tenir sa langue et en s’en tenant aux priorités qu’on affiche si volontiers en parlant du service qu’on dit rendre.
Depuis plusieurs jours, je relis les résumés des homélies matinales du pape François communiqués par l’agence Zenit. Je les trouve fort utiles pour mon édification personnelle mais je me dis qu’elles sont aussi prononcées dans les lieux où passent régulièrement la plupart des personnes censées servir à la Curie, donc se dévouer pour l’Église universelle, donc pour le Christ, et pas pour elles-mêmes ou pour un projet qu’on imagine bon pour les autres… Et je constate, qu’à sa manière, le pape François leur dit ce que le pape Benoît leur avait dit en son temps, parfois en utilisant des termes comme bureaucratie ou carriérisme.
C’est dans cette perspective que je comprends bien d’autres choses, en particulier les rumeurs récentes et répandues depuis le Vatican, concernant la situation des divorcés remariés relativement à la communion ou encore la nomination de Mgr Piero Marini à la congrégation pour la liturgie… voilà de l’agitation typique de la part des on qui savent surfer pour leur propre compte sur les divisions de clans existant à l’intérieur de l’Église. À propos de Mgr Marini, j’en veux pour preuve que des commentateurs ont aussitôt pensé que la rumeur provenait des « ratzinguériens » angoissés par cette éventuelle nomination, hypothèse que je trouve un peu amusante parce que je ne vois pas en quoi on ne pourrait voir, dans cette rumeur, un effet du délire de tel groupe étiqueté « progressiste », lesquels progressistes ne cessent de fantasmer au sujet de projets qu’ils prêtent au pape François. Toutefois, ce disant, je dois rester sobre par crainte d’embrouiller le fil de ma pensée en même temps que le lecteur, et pour éviter de tomber dans le piège qu’on tend au public, dont je fais partie, en agitant devant nous des choses simplettes aux effets redoutables. Je m’explique : certes il existe des clans avec, éventuellement, des « ratzinguériens », des « progressistes » et d’autres, certes les médias ont leurs dérives en s’exprimant à tort et à travers, mais il me semble que tous ensemble et chacun ne sont pas ou plus si puissants que ça, et qu’ils sont en fait habilement manipulés par les on, individualités d’autant plus nuisibles qu’elles vivent à l’ère de l’individualisme et savent, par le truchement de médias superficiels – mais c’est un autre volet du problème, de même l’action des pendants des on romains dans les bureaucraties religieuses locales - détourner l’attention sur tel ou tel clan pour dissimuler leurs petites et leurs grandes magouilles. L’une des plus pernicieuses étant de cultiver l’idée suivant laquelle la réforme pertinente de la Curie dépend plus d’un changement de structures que du changement de perspectives et de comportement de personnes pas forcément nombreuses qui, en son sein, font tout dérailler, influencent des médias qu’elles savent peu consciencieux, trouvent des relais partout où, dans l’Église, sévissent des ambitieux et de gros naïfs.
Ainsi la vie du pape François me semble parallèle à celle du pape Benoît, au sens où l’entendaient les Anciens, c'est à dire au sens où ces vies disent des choses communes de la bonté du Christ même si c’est de manière différente. Et il me semble que cela culmine dans le sens éminent du sacerdoce qu’ils expriment l’un et l’autre, sachant par ailleurs que beaucoup de on, qui leur ont causé ou leur causent tant de soucis, sont des prêtres ou agissent en se référant à un prêtre. Je pense que ces deux vies doivent d’autant plus se rejoindre dans la prière que les catholiques sont appelés, par eux deux, à adresser au Dieu vivant avec ferveur, pour le pape François et pour son prédécesseur Benoît.