Accueil | D'un Pape à l'autre | Retour au Vatican | Collages de Gloria | The hidden agenda | Lumen Fidei | Lampedusa | Benoît et les jeunes

François et les trompettes de Jéricho

Dans son dernier billet, JL Restàn revient, avec le ton positif qui lui est habituel, sur l'écho médiatique de la conférence de presse improvisée du pape François dans l'avion de Rio à Rome:
"Je crois que c’est une excellente nouvelle que les paroles du Pape Bergoglio aient le don des trompettes de Jéricho, celui de faire écrouler des murs et des préjugés obstinément affirmés". Traduction de Carlota (31/7/2013)


>>> Dans l'avion du Pape

Carlota,
30 juillet
------
Je continue à avoir bien du mal à comprendre le Pape François quand il s’exprime d’une manière informelle face aux médias, même s’il est dans la continuité de son prédécesseur, nous dit-on ou bien quand il fait lui-même brièvement référence aux « textes de base » comme tout récemment en évoquant l’homosexualité : « Le catéchisme de l’Église catholique explique cela de très belle manière ».
Oui, je suis très souvent perplexe malgré ma « petite culture catholique ». Alors que doit-t-il en être de ceux qui n’en n’ont pas ou la rejettent complètement ?

Toutefois, la façon dont le Vatican (via le Père Lombardi) puis le Pape ont répondu aux journalistes sur l’affaire du prélat Ricca m’a fait m’interroger:

a) Les faits rapportés par Sandro Magister à partir de sources également uruguayennes n’ont pas été révélés par la presse de Montevideo à la nomination de Ricca, mais après la parution des articles en Italie.
b) Il n’y avait rien de probant dans le dossier individuel de Ricca au bureau des ressources humaines du Vatican. Rien n’y est arrivé ou le dossier a été caviardé et peut-être une d’une façon toute réglementaire comme l’on efface certaines condamnations d’un dossier judiciaire après une certaine période et selon la gravité des faits et la non récidive…Des observateurs catholiques conservateurs argentins peu favorables déjà à J. Bergoglio avant son élection comme Pape, avaient dès le début de l’affaire Ricca révélée par l’Espresso début juillet, pronostiqué que le Pape ne renverrait pas « l’aubergiste de Sainte Marthe ». Ils ont gagné leur pari !
c) La confession et le pardon, et c’est incontestable pour les catholiques, remettent les pendules à l’heure. C’est encore plus facile à comprendre pour les non catholiques, je suppose, quand il n’y a pas de suite judiciaire et pas de délits ou crimes : de toute façon ce sont des chaînes « hiérarchiques » et des procédures, différentes ! Un pécheur peut être pardonné dans la confession mais monter à l’échafaud comme criminel, enfin quand la peine de mort existait encore ; et nous avons en ce moment de multiples preuves de l’inverse …

Je crois que pour être compris de tous, il faut mieux employer des mots simples mais néanmoins très exacts pour que les élèves - même ceux à l’esprit lent, parmi lesquels je me compte – comprennent. Dans notre monde de la rapidité, la pédagogie ne doit pas paraître approximative sous couvert de langage consensuel, et il est si facilement pour les médias au sens large (surtout quand les phrases informelles sont prononcées en espagnol ou dans une langue étrangère) d’entendre ce qu’ils ont envie d’entendre.

Mais a priori mes interrogations ne semblent pas partagées par de nombreux chroniqueurs enthousiasmés par les dernières déclarations du Pape. Voilà ce qu’en dit José Luis Restán: alors que je vois des phrases plutôt consensuelles et politiques, lui perçoit les trompettes de Jéricho… Tant mieux s’il a raison. Énigmatique François, lumineux Benoît !

Texte en espagnol: www.paginasdigital.es

     

François et les trompettes de Jéricho

À peine François avait-il atterri de son épuisant vol depuis le Brésil jusqu’à Rome, « plus content que fatigué » que le monde Twitter avait déjà lancé la fumée d’un enthousiasme notablement frappant parmi ceux qui avaient réservé à ses prédécesseurs un traitement néfaste voire mensonger. Au dessus de l’Atlantique le Pape avait concédé une large interview (une heure vingt selon les chroniques) sans éluder une quelconque question, de la réforme de la Curie et de l’IOR à la supposée existence d’un lobby gay au Vatican, en passant par la question de la pauvreté, sa relation avec Benoît XVI ou sa persistance à se dénommer « Évêque de Rome ».

L’enthousiasme venait, surtout, de ce passage : « Quand l’on se trouve avec une personne ainsi, il faut distinguer entre le fait d’être gay du fait de faire un lobby, parce que aucun lobby n’est bon. Si une personne est gay et cherche le Seigneur et a de la bonne volonté, qui suis-je pour le juger ? Le catéchisme de l’Église catholique explique cela de très belle manière ». Il dit que l’on ne doit pas marginaliser ces personnes pour cela ». Le Pape répond en faisant référence à tout ce que dit, « d’une très belle manière », le Catéchisme de l’Église Catholique. Je me rappelle un entretien avec le Cardinal Ratzinger peu de mois avant qu’il soit élu pape, dans laquelle il parlait avec une grande délicatesse de « tant d’homosexuels qui cherchent le moyen de mener une vie juste ». Cela personne ne l’a mis en avant.

Des heures avant de prendre connaissance de cet entretien, l’éditorialiste Gabriel Albiac avait publié un intéressant commentaire dans le journal ABC (*). Depuis son athéisme reconnu Albiac se confesse comme un enthousiaste de Benoît XVI et reconnaît sans honte (il est l’un des rares) que le Pape émérite arrive à lui beaucoup plus directement que François. Mais il reconnaît que tous les deux, de leur plus haute autorité dans l’Église, ont soutenu la nécessité d’une saine laïcité de l’État, et pour cela il leur montre de la gratitude et de l’amitié. Il est curieux que "El País" (ndt: le journal espagnol) ait détaché en pleine page cette affirmation que François n’a faite qu’une fois, à l’occasion de son discours aux politiques brésiliens. Benoît XVI avait fait de ce thème l’un des axes de son magistère mais le journal prisaïque (**) jamais ne l’a reconnu. C’est une histoire qui se répète ces jours-ci, par exemple avec le thème mentionné de l’homosexualité ou avec le souhait d’une Église plus austère, plus simple, plus dé-mondanisée.

Avec cela je ne veux pas dire que François a dit ce qui est toujours dit, et rien de plus. Certainement il a dit ce qui est toujours dit, ce que Benoît et Jean-Paul disaient à leur manière de nombreuses fois, mais il est aussi certain qu’il s’agit de communiquer une vie non une pierre. Et cela implique des registres, des nuances, des angles, un sens de l’opportunité. Je crois que c’est une excellente nouvelle que les paroles du Pape Bergoglio aient le don des trompettes de Jéricho, celui de faire écrouler des murs et des préjugés obstinément affirmés. Parfois à cause d'un manque ou d'une rigidité de la communication ecclésiale, et dans beaucoup d’autres, à cause d'une hostilité presque maladive. Sûrement Benoît qui selon ce qu’a dit François aux journalistes, vit au Vatican, comme un grand-père chez lui, le grand-père sage qui est vénéré, aimé et écouté, aura souri en contemplant le résultat. Celui qui en sait tant des orchestres, peut juger mieux que personne le dont de la trompette dont joue François. Pour le bien de tous.

-

Notes de traduction

(*) Gabriel Albiac est un philosophe et professeur à l’Université Complutense de Madrid, né en 1950, il a notamment été primé pour un essai sur les sources juives de la philosophie de Spinoza (« La sinagoga vacía: un estudio de las fuentes marranas del spinozismo » - Madrid, Hiperión, 1987 ; les marranes étaient les juifs baptisés mais demeurés fidèles au judaïsme dans l’Espagne des Rois Catholiques). Il collabore à différents journaux. L’article dont parle Restán est peut-être celui intitulé « Saintetés laïques » paru le 29 juillet 2013 mais qui est en consultation payante (cf ici «
http://kioskoymas.abc.es/noticias/opinion/20130729/abcp-santidades-laicas-20130729.html
)

(**) Néologisme très employé en Espagne à partir du nom du Groupe de Presse PRISA, présent dans 22 pays dont l’Espagne et l’Amérique hispanophone. Son principal actionnaire depuis 2010 est le « Liberty Acquisition Holding » - fonds d’investissement estatsuniens). PRISA est également propriétaire de journaux économiques et sportifs, de maisons d’édition ; de radio et de chaines TV. L’on peut aussi le comprendre le mot comme du Système, y compris quand on parle des hommes politiques.