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"Il s'est laissé façonner par la foi"

JL Restàn revient sur la magnifique homélie du cardinal Ratzinger en 1978, en hommage au Pape Paul VI. Traduction de Carlota (26/6/2013)

>>>Texte de l'homélie: Une homélie inédite de Joseph Ratzinger

     

Il a résisté à la « télécratie », il s’est seulement laissé former par la foi.
José Luis Restán
Original en espagnol: www.paginasdigital.es
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Le cinquantième anniversaire de l’élection de Jean-Baptiste Montini comme Pape Paul VI offre une nouvelle opportunité de contemple le cours de ce morceau d’histoire de l’Église qui commence avec la convocation du Concile Vatican II. La décisive et pas qu’une peu douloureuse position du Pape Montini est essentielle pour comprendre l’histoire récente, mais aussi le moment présent.

Pour célébrer cet anniversaire, l’Osservatore Romano a publié une impressionnante homélie, restée inédite jusqu’à maintenant, prononcée quatre jour après la mort de Paul VI par le jeune archevêque de Munich, Joseph Ratzinger, un homme sur qui s’était fixé l’intuitif regard de ce grand Pape qui n’a pas eu peur de rompre des inerties et des conventions pour l’asseoir sur le siège de Saint Corbinien, au cœur de la catholique Bavière, quand éclatait la contestation anti-romaine toujours sur le point de germer dans le sous-sol germain. On pourrait dire avec la perspective que donnent les ans, que cette surprenante décision d’un Pape dont la santé déclinait à grande vitesse (à peine s’écoulera un an et demi entre la nomination de Ratzinger et sa mort) serait un cadeau aux incalculables conséquences pour l’Église que Paul VI avait voulu servi passionnément jusqu’à son dernier souffle.

Au cours de cette homélie qui d’une manière surprenante était restée confinée dans le numéro 28 du bulletin de l’archidiocèse munichois, sans qu’elle ait été publié dans aucun autre endroit, l’archevêque Ratzinger se fixe sur la métamorphose que la foi avait provoquée en Paul VI au cours des ans d’un fécond mais très douloureux pontificat, une métamorphose qui l’a changé et l’a purifié en le faisant « chaque fois plus libre, plus perspicace, simple et meilleur ». Et en rappelant les mots de Jésus à Pierre, que nous pouvons considérer comme l’héritage qu’il a donné à chacun de ses successeurs, il affirmait : « Paul VI s’est laissé conduire, chaque fois plus, là où humainement, par lui-même, il n’aurait pas voulu aller… chaque fois plus le pontificat a signifié pour lui se laisser prendre par un autre et être attaché à la croix ».
Puis il nous transmet avec une grande vivacité le sentiment qu’éprouvait cet homme appelé au siège le plus mystérieux de la terre, celui de l’apôtre Pierre : « Nous pouvons imaginer jusqu’à quel point cela a du lui être lourd de penser ne plus s’appartenir, de ne plus disposer d’un moment privé, d’être enchainé, jusqu’à la fin, avec le corps même qui se décline, à une tâche qui exige l’engagement entier et décidé de toutes les forces d’un homme ». Des mots qui, lus aujourd’hui, décrivent avec une précision tranchante ce qu’a du éprouver Benoît XVI ces mois derniers, quand comme Paul VI en son temps, il mûrissait l’idée de renoncer.

Et il poursuit en rappelant qu’il ne trouvait aucun plaisir dans le pouvoir, dans la position, ni dans la carrière réalisée, et précisément pour cela il est arrivé à avoir une autorité aussi grande et aussi crédible, parce que jamais il ne l’a cherchée mais qu’il l’a supporté comme une souffrance. Impressionnantes ces phrases dites quelques heures après la mort du Pape Montini, parce qu’elles tracent un portrait d’une grande profondeur et expression, mais aussi par le caractère prophétique qu’elles acquièrent quand les lit quelqu’un qui a connu l’ « intrahistoire» du pontificat de Benoît XVI. Il y a un passage particulièrement incisif où Ratzinger affronte les critiques amères qu’eut à souffrir Paul VI, spécialement dans la phase finale de son pontificat : « Paul VI a résisté à la "télécratie" et à la démoscopie (i.e. la science qui étudie les sondages), les deux puissances dictatoriales du présent, et il a pu le faire parce qu’il ne prenait comme paramètres ni le succès ni l’approbation, mais la conscience qui se mesure avec la vérité, avec la foi ». Et c’est cela même qui lui a permis d’être un roc quand il voyait en jeu la Tradition essentielle de l’Église, qui lui a permis d’être flexible en beaucoup d’autres choses, parce qu’il comprenait que la foi offre beaucoup d’espace ouvert à diverses possibilités.

La foi est (d’une certaine manière) une mort à tant de choses, mais c’est aussi une métamorphose pour entrer dans la vraie vie.
Et contempler la description que ce jeune et prometteur archevêque du centre de l’Europe faisait de cette métamorphose qui a transformé les apparentes défaites dans la vie de Paul VI, en une splendide victoire du Christ, produit une joie forte et sereine : « la foi lui a donné du courage, elle lui a donné de la bonté, en lui l’on voit clairement que la foi ne ferme pas mais qu’elle ouvre…
Finalement notre mémoire conserve l’image d’un homme qui tend les mains ». Il semble que c’est comme si c’était arrivé à l’instant même.