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La leçon d'humilité de Benoît

La contribution-hommage du Père Abbé de l'Abbaye Sainte-Madeleine de Le Barroux, Dom Louis-Marie Geyer d’Orth au hors-série de La Nef "Benoît XVI. Le pontificat de la joie" (20/4/2013)

>>> http://www.lanef.net
>>> Voir aussi http://benoit-et-moi.fr/2013-I/livres-dvd/hors-serie-de-la-nef.php

Comme je n'ai pas sous la main le livre, j'ai traduit en français le texte traduit en italien ici: romualdica.blogspot.it/2013/04/la-lezione-dellumilta.html

     

La leçon d'humilité de Benoît
Dom Louis-Marie Geyer d'Orth OSB
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Nous n'étions pas peu fiers du fait que l'élu du conclave ait choisi comme patron de son ministère pétrinien le grand patriarche de l'Occident: Saint-Benoît. Mais nous devons reconnaître que Benoît XVI nous a donné une bonne leçon: celle de la vraie humilité.
C'est une vertu rare. L'humilité est rare, très rare, même dans la milice bénédictine. En fait, il est facile de la confondre avec le paupérisme et la lâcheté. Benoît XVI a accompli les douze degrés de l'humilité décrits au Chapitre VII de la Règle de saint Benoît. C'est le plus long chapitre, parce que l'humilité est le fondement de la vie chrétienne. Jésus lui-même en est un maître envers ses disciples, comme celui qui est doux et humble de cœur. Charles Péguy (1873-1914) a bien perçu l'importance de cette vertu lorsqu'il a écrit dans Un nouveau théologien : «Cette religion, qui a mis l'orgueil au sommet des péchés capitaux, qui a fait l'humilité peut-être plus qu'une vertu: son style même et son rythme, son goût secret, son attitude extérieure et profonde, charnelle et spirituelle, sa posture, ses mœurs, son expérience perpétuelle, presque son être lui-même» .
Mais qu'est-ce que l'humilité? En premier lieu, c'est de vivre constamment sous le regard de Dieu Benoît XVI l'a montré à travers la conscience avec laquelle il a tenu son propre rôle. C'est un homme consciencieux, un homme qui vit à partir de ce lieu secret du cœur où l'on entend la voix de Dieu. Il l'a démontré avec ses prises de position courageuses, notamment à Ratisbonne, au Bundestag, à Westminster, et des actes forts, tels que le motu proprio Summorum Pontificum.
L'humilité signifie obéir, même dans des conditions difficiles. Benoît XVI l'a démontré en acceptant la lourde tâche de souverain pontife à l'âge de 78 ans. Il l'a en outre démontré non pas en imposant son propre programme, mais en suivant l'Esprit Saint selon l'Écriture Sainte, la Tradition et le Magistère antérieur. Il a suivi la foi de l'Eglise, thème récurrent dans son enseignement, en particulier dans son dernier discours au clergé du diocèse de Rome. Il parle du «grand "nous" des croyants».
Et encore, quelle humilité dans la simplicité avec laquelle il raconte ses souvenirs! On a le sentiment qu'il n'a rien à cacher. Nous savons que sa vie et sa jeunesse ont été passées au crible de l'inquisition médiatiques. Mais le pape qui venait d'Allemagne avait déjà tout dit. C'est le cinquième degré d'humilité, qui consiste pour le moine à ne rien cacher à son abbé.
Il a démontré la vertu de l'humilité dans la démission, sans aucun doute. Il ne s'est absolument pas senti nécessaire. Il a évalué en conscience que la tâche le dépassait, dépassait ses forces physiques et personnelles. Il a accompli, encore une fois, le sixième et le septième degré d'humilité. «L'Église n'a plus besoin de moi». S'il n'avait pas donné l'exemple du courage et du dur labeur, on aurait pu croire à une faiblesse de caractère, mais sa vie entière a été consacrée corps et âme au travail dans la vigne du Seigneur. Tout son travail intellectuel et ses diverses charges pastorales le prouvent.
Enfin, Benoît XVI a accompli les cinq derniers degrés de l'humilité, qui concernent les attitudes extérieures: la réserve et la maîtrise du comportement, les mots, les rires, la façon même de parler et de marcher. Toutes les personnes qui ont eu l'occasion de le saluer, même brièvement, sont unanimes à dire qu'il a dans le regard quelque chose de grave, simple et joyeux.
Saint Benoît dit que le moine qui passe à travers les douze terribles degrés de l'humilité parviendra à une charité qui chasse toute crainte. Nous oubliions les gestes protocolaires de respect, mais nous ne nous serions jamais permis une queconque familiarité avec lui.
Le dernier signe de son humilité: la Terre entière semble s'être arrêtée de stupeur devant sa démission. Comme les apôtres devant Jésus-Christ transfiguré sur le Thabor. Jamais un homme public de notre époque n'a eu autant d'autorité que lui à ce moment. Comme si, à travers lui, la vraie humilité était enfin apparue et avait résonné au moins un bref instant dans le cœur des hommes. Il a montré ainsi la vérité de la parole de notre Seigneur Jésus-Christ: "Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé» . Merci, Saint-Père, merci du fond de mon cœur.

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(1) Règle de Saint-Benoît

Le chapitre 7, le plus long de notre Règle, est consacré à l’humilité. Saint Benoît nous présente une échelle de l’humilité composée de douze degrés qui, en fait, « sont moins des échelons à gravir l’un après l’autre que des signes de vertu qui peuvent et doivent se montrer simultanément ». Avec saint Thomas d’Aquin, nous ordonnerons ces différents échelons comme suit : le premier degré, la révérence envers Dieu, le sens de la présence de Dieu (RB 7, 10-30), est comme le fondement de l’humilité; les quatre degrés suivants régleront la volonté humaine, le deuxième nous invite à ne pas suivre notre volonté propre (RB 7, 31-33), le troisième à se régler d’après le sentiment des supérieurs (RB 7, 34), le quatrième à obéir même dans les contrariétés (RB 7, 35-43); l’humilité doit aussi régler notre intellect, ainsi nous devons reconnaître nos défauts (5è degré, RB 7, 44-48), nous considérer d’indignes et mauvais serviteurs (6è degré, RB 7, 49-50) et mettre les autres avant nous (7è degré, RB 7, 51-54); enfin l’humilité doit s’étendre à nos attitudes extérieures : chercher à ne pas se distinguer des autres (8è degré, RB 7, 55), à se modérer dans ses paroles (9è et 10è degrés, RB 7, 56-59) et dans toutes ses actions (11è et 12è degrés, RB 7, 60-66).
(Source)