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Le mariage gay en France vu par l'OR

Lucia Scaraffia: le silence de l'Eglise serait aussi un choix politique. (29/5/2013)

J'ai traduit l'éditorial de Lucia Scaraffia, qui est une "vieille connaissance" de ces pages.
Répétons à nouveau: le "journal du Pape" n'est pas forcément "la voix du Pape", nous l'avons plus d'une fois constaté sous le Pontificat de Benoît XVI. Et l'"Eglise", c'est "l'Eglise en France".
Ceci dit, l'article est largement partageable, à une réserve près:
L'information globale fonctionne en circuit fermé, et l'Osservatore n'y échappe pas. Ne devrait-il pas s'interroger sur cette auto-référentialité que le Pape ne cesse de dénoncer dans l'Eglise? Or, pour tâter l'opinion catholique française, Lucetta Scaraffia se base sur ... "le Monde". Et la presse catholique, c'est "La Croix". D'autres, pourtant très impliqués dans la lutte, et pas forcément d'extrême-droite, seraient-ils infréquentables?
Quant à l'opposition à la loi Taubira qui viendrait aussi de milieux laïcs éclairés, je demande à voir. Ces intellectuels se sont peu faits entendre, ou on les a peu interrogés, au moins dans les médias grand public. Cette tranversalité du mouvement d'opposition à la loi Taubira (dont le Rabbin Bernheim a été la figure de proue) ressemble de plus en plus à une pieuse fiction.

     

Catholiques dans le débat démocratique.
Le cas français
Lucetta Scaraffia
(Raffa)
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En France, ayant pris acte que la loi sur le mariage homosexuel a été approuvée en dépit des manifestations répétées de protestations, le monde catholique s'est divisé. Jusqu'à il y a quelques semaines, il semblait avoir soutenu avec une certaine compacité l'opposition à la loi, mais à présent, «Le Monde» a publié plusieurs articles qui mettent en évidence le mécontentement des fidèles qui voudraient abandonner cette bataille.
En substance, une partie des catholiques est opposée à ce qui est défini comme une sorte de politisation de la religion. Selon eux, en effet, elle devrait rester en dehors de l'arène politique, où elle court le risque - comme dans ce cas - d'être apparentée à l'un des partis en lutte.
Il s'agit sans doute de catholiques inquiets par la consonance entre l'opposition de l'Eglise et les positions de l'extrême droite, une proximité décidément encombrante.
La situation française met en évidence les problèmes qui sont maintenant l'expérience quotidienne dans les pays où les catholiques sont impliqués dans la vie politique démocratique: devant les questions de bioéthique ou les nouveaux droits, toutes questions qui enflamment les partis politiques, l'Eglise, tout en suivant sa réflexion et ses cohérences internes, devient malgré elle un acteur politique. Et cela se produit non seulement quand elle appuie l'un des partis, au lieu d'être «au-dessus», dans une neutralité qui, selon certains garantirait son caractère apolitique, mais aussi quand elle est attaquée: pour beaucoup, en effet, prendre position contre l'Église représente une élément positif indiscutable.
Si cette politisation non voulue constitue sans aucun doute un danger, il y a cependant une autre conséquence qui pour l'instant n'est pas prise en considération: le silence de la part de l'Eglise sur les questions chargées de signification anthropologique auraient lui une signification politique, car il signifierait que, plutôt que de se lier à un parti, les catholiques choisissent de garder le silence sur des questions qui affectent leur vision du monde. En fin de compte, ce serait aussi un choix politique.
Les catholiques qui critiquent la mobilisation de l'Eglise dans ces situations opposent à l'idée d'une institution militante, qui indique ce qui est bien et ce qui est mal, un institution accueillante et aimante, qui ne juge pas mais aime tout le monde. Et en effet trouver un équilibre entre charité et justice a toujours été dans l'histoire une tâche difficile de l'Eglise, généralement résolue en associant à des positions strictes une pratique pastorale d'accueil et de miséricorde.

Mais ici, il ne s'agit pas de comportement personnel discutable ou de violence facilement exécrable, autrement dit d'épisodes isolés condamnables: dans ces cas - comme dans la légalisation du mariage entre homosexuels - il y a un problème plus grave, une transformation anthropologique de la société, qui conduit à un changement profond. Sur lequel les préoccupations ne viennent pas seulement des catholiques et des milieux conservateurs, mais aussi par d'intellectuels laïques progressistes, dont les réserves, généralement très bien argumentées, en France, ont enrichi la discussion de ces derniers mois et ouvert à l'Eglise un précieux champ de réflexion.

Comme l'a rappelé «La Croix» du 27 mai, la directrice Dominique Quinio (Lucia Scaraffia écrit "le directeur", elle ne la connaît donc pas), «c'est autour d'une conception globale de la société que manifestent de nombreux Français».
Bien sûr, chaque cas est un unicum sur lequel il faut réfléchir séparément, mais le le cas français offre sans nul doute plusieurs occasions de réflexion pour tous, et ne peut pas être écarté à la légère, en invoquant un appel à l'accueil qui semble toujours tout arranger et plaire à tout le monde.

(© L'Osservatore Romano le 29 mai 2013)