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L'Encyclique pour les mal-entendants

L'Encyclique sur la foi, qui serait aujourd'hui sur le point d'être reprise par François, Benoît XVI l'a écrite pendant huit ans. Le beau commentaire de don Uccoiardo, du site "Da porta Sant'Anna" (1er/5/2013)

>>> Cf. L'encyclique inachevée de Benoît

L'Encyclique pour les mal-entendants
http://www.daportasantanna.it/2013/04/lenciclica-per-i-non-udenti/
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En ce moment, on parle beaucoup de l'encyclique sur la foi que Benoît avait l'intention de donner à l'Eglise.
Vu la grandeur de son magistère, nous ne pouvons que regretter de ne pas avoir pu profiter d'un texte qui aurait idéalement complété la trilogie sur les vertus théologales. Cela peut être une source de joie de connaître, par des rumeurs autorisées, la volonté de François de faire usage des ébauches de son prédécesseur pour un document qui sera livré à la fin de l'Année de la Foi. Mais ce n'est pas important. La continuité est donnée par le ministère pétrinien, et certes pas par l'utilisation des pensées du Pape émérite. Le Saint-Père a parfaitement le droit d'écrire ce que bon lui semble. S'il veut offrir une encyclique sur la foi, nous ne devrions pas nous réjouir d'hypothétique langage Ratzingérien, mais seulement du nouveau don que Dieu nous donne par son Vicaire. Si ensuite nous pouvions redécouvrir la présence de thèmes du précédent pontificat, nous ne pourrions que remercier la divine Providence, qui sait tirer des choses anciennes et nouvelles du dépôt immuable de la foi.

Ce que je ne comprends pas, c'est l'étonnement de nombreux commentateurs. Paradoxalement, ils semblent plus satisfaits de la possibilité de lire les paroles de Benoît que d'en entendre de nouvelle de François. C'est vraiment étrange, compte tenu de l'ostracisme qui a été réservé à la figure de Benoît XVI et de l'opposition forcée entre de nombreux thèmes des dernières années et ceux qui émergent, par ailleurs sans caractère systématique, en ces premiers jours du nouveau pontificat. Il semble que l'on pourrait leur appliquer ces parole de l'Evangile: «A qui donc comparerai-je les hommes de cette génération, et à qui ressemblent-ils? Ils ressemblent aux enfants assis dans la place publique, et qui, se parlant les uns aux autres, disent: Nous vous avons joué de la flûte, et vous n'avez pas dansé; nous vous avons chanté des complaintes, et vous n'avez pas pleuré. » (Luc 7: 31-32)!.

C'est vraiment singulier, parce que l'encyclique sur la foi, Benoît l'a écrite. En fait, il l'a criée pendant huit ans, mais avec le ton humble d'un père qui fait appel aux raisons du cœur plutôt qu'à son autorité. Il a l'criée par la parole et par l'exemple.

Il a dit, tout d'abord, que cette foi est aujourd'hui en crise. Une évaluation approfondie et franche, afin d'assurer le fondement d'un discours qui pourrait apparaître pessimiste, ou seulement eurocentrique. Qu'on le veuille ou non, la plupart des pays où le catholicisme est présent, raisonnent selon des catégories nées en Europe. Et on ne voit pas, à première vue, comment pourrait naître du jour au lendemain d'autres catégories. Tout en respectant le naturel chemin d'inculturation de la foi, nous devons reconnaître que ces tentatives ont largement échoué. Peut-être parce que l'on a négligé le fait que la foi élève les cultures; elle ne doit pas nécessairement accepter tous les éléments de différentes cultures. Mais c'est une autre histoire! Nous voulons dire que la crise de la foi dans notre continent, aussi au niveau de la compréhension ou de l'exposition, a eu des conséquences dans une grande partie du monde catholique. Benoît nous a dit quelles sont les causes de cette crise. Il a été attentif autant aux raisons externes qu'à celles internes. Le leitmotiv de son pontificat a été représentée par l'opposition au relativisme et à la sécularisation. De là ont dérivé les plus grands risques pour la compréhension de la foi.

Rien de nouveau, si nous prêtons attention à ce que François nous a dit de la situation de l'Eglise et la mondanité. Jusqu'à ce matin (cf. ici): «C'est le plus grand danger! Quand l'Église devient mondaine, quand elle a en elle l'esprit du monde, quand elle a cette paix qui n'est pas celle du Seigneur - cette paix quand Jésus dit: "Je vous laisse la paix, c'est ma paix que je vous donne", et non pas celle que donne le monde - quand elle a cette paix du monde, l'Eglise est une Eglise faible, une Eglise qui sera vaincue et incapable d'apporter l'Evangile, le message de la Croix, le scandale de la croix ... Elle ne peut pas le porter à nouveau si elle est mondaine» (Homélie du 30 avril 2013).

Benoît nous a rappelé que la foi qui n'est pas solide, qui est détachée de la communion vivante avec l'Eglise, est susceptible de conduire à des formes émotionnelles, qui sont bien autre chose que la façon légitime d'exprimer la relation avec le Seigneur. C'est pourquoi il a été attentif aux manifestations de la foi, à commencer par les Journées mondiales de la Jeunesse à Cologne. C'est pourquoi il a été particulièrement attentif à la centralité du Christ, qui est présent et vient à notre rencontre quand nous célébrons les mystères de notre salut. Au grand discours lié à l'herméneutique correcte de Vatican II, il a associé aussi celui de la célébration dans le sillage de la continuité ininterrompue. Il voulait que justement dans le mystère fondamental de la foi, dont l'Église elle-même dérive, on puisse affirmer la centralité du Christ et la vie qu'il communique à son Église.

Il le rappelait dans sa Lettre aux évêques du 10 Mars 2009: «... à certains de ceux qui se proclament comme de grands défenseurs du Concile, il doit aussi être rappelé que Vatican II renferme l’entière histoire doctrinale de l’Église. Celui qui veut obéir au Concile, doit accepter la foi professée au cours des siècles et il ne peut couper les racines dont l’arbre vit». Et puis, dans les mots les plus amers de la totalité de son pontificat: «Parfois on a l’impression que notre société a besoin d’un groupe au moins, auquel ne réserver aucune tolérance ; contre lequel pouvoir tranquillement se lancer avec haine. Et si quelqu’un ose s’en rapprocher – dans le cas présent le Pape – il perd lui aussi le droit à la tolérance et peut lui aussi être traité avec haine sans crainte ni réserve».
(cf. http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/letters/2009/documents/hf_ben-xvi_let_20090310_remissione-scomunica_fr.html)

Benoît a voulu nous éduquer par son exemple. Il n'était pas naïf, mais il espérait encore dans la sainte émulation.
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Benoît s'est efforcé de rendre belles, en plus d'être crédibles, les raisons de la foi. Il les a défendues devant les Parlements, il les a exposées aux savants et aux simples, il les a corroborées par de splendides catéchèses sur les grands témoins, par des homélies dignes de Léon le Grand, par des documents d'une rare profondeur théologique et spirituelle.

L'encyclique sur la foi, Benoît l'a écrite. Dommage qu'elle n'ait pas été comprise. Non pas tant à cause de difficultés de réception du langage, mais pour un choix clair et, tous comptes faits, cohérent. La décision d'attendre, comme les soldats de garde, l'aube qui mettrait un terme à la souffrance. Nous verrons comment ils accueilleront les paroles de François sur la foi. Après tout, par sa formation, ce pape devrait s'entendre en discours militaires .

Don Antonio Ucciardo