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Leonardo Boff aime François...

La figure de proue de la théologie de la libération dit à Andrea Tornielli, lui même emballé, tout ce qui lui plaît chez le pape. Et pendant ce temps-là, la françoismania bat son plein (26/7/2013).

Leonardo Boff (1) avait dit avant le voyage au Brésil qu'il espérait rencontrer François, plaidant la cause de la théologie de la libération, et la sienne propre, en passant.
A défaut, il a rencontré Andrea Tornielli (qui fait là, dira-t-on, un simple travail de journaliste, encore que je n'ai pas souvenir qu'il ait jamais interviewé un représentant de la FSSPX, mais je peux me tromper). Et ce qu'il dit contredit toutes les théories lénifiantes sur la continuité entre Benoît XVI et François, - seul intérêt, mais non négligéable, de cette litanie de tous les clichés lus et entendus depuis 4 mois. En passant, le vieux contestataire, franciscain défroqué qui a désormais femme et enfants, règle ses comptes avec le Cardinal Ratzinger.
Quant à Tornielli (de plus en plus militant), il revient sur LA question qui le taraude: l'accusation que François désacraliserait la papauté.
Interviewé récemment dans L'Express (2), il y a ré-affirmé que c'est Benoît XVI lui-même qui a désacralisé la papauté en démissionnant.
Comme s'il avait besoin d'en convaincre les gens.

A propos de la françoismania qui a redoublé ces derniers jours, Marie-Christine me signale une interviewe de Mgr Podvin sur RTL. Copié-collé de l'enthousiasme Boff-Tornielli. Le porte-parole de la CEF affirme qu' «avec le Saint-Père, les 28e Journées mondiales de la jeunesse, organisées en ce moment au Brésil, ont retrouvé "l'ambiance des premiers temps"».

Bref, il m'est difficile d'accepter que l'exaltation de la papauté de François passe par l'oubli de son prédécesseur, et l'impression se fait de plus en plus insistante qu'il a été trahi par tous, ses ennemis avérés, mais plus encore par ses prétendus soutiens.
Mais comme me l'écrit bellement Marie-Anne:

L'histoire dévoilera sa grandeur en temps voulu, après ce temps d'oubli bien regrettable. C'est comme dans l'histoire de la musique : Bach a atteint un tel sommet qu'on a dû changer de style après lui. Sont venus les classiques, comme Mozart. Mais à l'époque romantique grâce à Mendelssohn on l'a redécouvert ! Nous sommes - vous et votre cercle d'amis dont j'ai l'honneur de faire partie - comme les Memores Domini qui tiennent en éveil avec la mémoire du Seigneur, celui qui se désignait comme l'humble travailleur de sa vigne.

     

L'interviewe de Boff par Tornielli

Comme Saint François, Bergoglio reconstruit l'Église
Entretien avec Leonardo Boff, l'ancien franciscain et théologien de la libération que Joseph Ratzinger n'a pas réussi à «adoucir»
Andrea Tornielli
http://vaticaninsider.lastampa.it/
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«Trois semaines avant l'élection de Bergoglio, j'ai écrit sur Twitter: Le futur pape sera François, parce que comme l'a fait le saint d'Assise, il faut quelqu'un pour reconstruire l'Église qui a perdu sa crédibilité ...».
Leonardo Boff ne porte plus le froc, après les conflits avec Rome pour ses positions théologiques, il a quitté l'ordre franciscain et s'est marié. Mais la barbe blanche est restée la même que quand il était moine. Le théologien de la libération que Joseph Ratzinger n'a pas réussi à amadouer parle avec "La Stampa" du voyage au Brésil du premier pape latino-américain dans l'histoire.

- L'accueil que la foule à Rio de Janeiro a fait à François vous a surpris?
«Non, c'est un enthousiasme dû à sa simplicité, au fait qu'il est venu sans un grand appareil de sécurité, à son désir de parcourir les rues de la ville dans une voiture simple et avec les fenêtres toujours ouvertes, au fait qu'il se laisse atteindre et toucher par les gens, qu'il s'arrête pour embrasser les enfants. On voit que c'est un pasteur, un évêque qui est au milieu de son peuple. Pas un monarque».

- François a voulu commencer son voyage par une visite au sanctuaire d'Aparecida. Pourquoi?
«Parce que là, en 2007, les évêques latino-américains ont publié un document qui donne à nouveau la place aux pauvres et affirme que certaines méthodes d'évangélisation sont vieilles et doivent être remplacées. Nous avons besoin de pasteurs qui ont l'odeur de la brebis plus que le parfum des fleurs de l'autel».

- François montre qu'il a une grande dévotion à Marie et une grande attention à la piété populaire. Des aspects qui ne semblent pas tellement proches de la sensibilité des progressistes ...
«Et au contraire, ils le sont, ils sont proches de la théologie de la libération. En Argentine, celle-ci s'est particulièrement développée comme une théologie du peuple, portée en avant par le jésuite Juan Carlos Scannone, qui a enseigné à Bergoglio. Le Pape est proche de cette théologie. Ce n'est pas une dévotion populaire "pieuse" (pietistica, ce qui a une connotation, on s'en doute, péjorative...), mais une dévotion qui conserve l'identité du peuple et s'engage pour la justice sociale».

- Le Pape parle souvent des pauvres et à l'hôpital de Rio, il a réaffirmé qu'aller vers les pauvres signifie «toucher la chair du Christ». Qu'est-ce que cela signifie?
«Le pauvre est le véritable représentant du Christ, en un sens, le pauvre est le véritable "Pape", et le Christ continue d'être crucifié dans le corps des condamnés de la terre. Le Christ est crucifié dans le crucifié de l'histoire».

- Qu'est-ce qui change dans l'Église avec le pape François?
« Je pense que beaucoup de choses vont changer. François ne réforme pas seulement la Curie, il est en train de réformer la papauté. Son insistance d'être évêque de Rome, le fait qu'il ait quitté le palais dpour habiter dans la résidence de Sainte Marthe, signifie aller vers le monde. Le Pape explique qu'il préfère une Église accidentée mais qui va dans la rue, plutôt qu'une Église en état d'asphyxie et enfermée dans le temple. Maintenant, on sent que l'Eglise est un foyer d'espérance et non une forteresse assiégée toujours en polémique avec la modernité, ou un dogme qui contrôle et régule la foi au lieu de la faciliter».

- Il y en a qui critiquent François en disant qu'il a désacralisé la papauté ...
« Non, il ne la désacralise pas, il la présente dans sa véritable dimension évangélique. Il est le successeur de Pierre, et Pierre était un simple pêcheur. Il faut combattre la «papolâtrie» (ndt: Est-ce que Boff se moque de nous???) que nous avons vu au cours des dernières décennies. Les cardinaux ne sont pas des princes de l'Église, mais les serviteurs du peuple de Dieu. Les évêques doivent participer à la vie des gens. Et le pape ne se sent pas un monarque: même devant la présidente du Brésil, il a déclaré:. «Je viens ici en tant qu'évêque de Rome», c'est-à-dire comme celui qui préside l'Eglise dans la charité et non pas dans le droit canon».

- Que va provoquer au Brésil et en Amérique latine un pape latino-américain?
« Je pense que François se rend compte que le pouvoir doit écouter les pauvres, doit écouter les jeunes qui protestent dans les rues. Son insistance sur la justice sociale peut aider les démocraties latino-américaines et favoriser une plus grande participation. Notre démocratie, au Brésil, est une démocratie de faible intensité: le Pape appelle les politiciens à être de vrais serviteurs du peuple».

- Regrettez-vous d'avoir quitté l'habit franciscain?
« Non, parce que j'ai quitté l'habit, mais j'ai gardé l'esprit et je continue à me sentir franciscain: je travaille pour la protection de la création et pour que, sur notre terre, nous nous sentions tous frères et sœurs».

     

Notes

(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Leonardo_Boff
Lire aussi cet article du Monde, qui est tout un aveu: Le pape François s'inscrit "dans l'héritage de la théologie de la libération"

Leonardo Boff révèle que le pape François souhaiterait le recevoir à Rome après avoir réformée la curie. Lui ne veut pas "forcer la situation" car "tant que vivra Benoît XVI", il sera difficile que "moi, qui ait eu un affrontement doctrinal avec le cardinal Ratzinger", je "puisse être reçu" au Vatican.
Le théologien de la libération aurait "aimé le rencontrer au Brésil", mais il "comprend que cela puisse être mal interprété par la presse et la curie", qui y verrait "une attaque" personnelle contre elle.

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(2) Tornielli dans l'Express :
[La communauté de vision théologique entre les deux Papes se réduit comme neige au soleil. Bientôt, on va nous dire qu'ils croient tous deux que Jésus est le Fils de Dieu!!! Quant à la réforme des structures, le dernier "pasticcio" autour de la nommination de Ricca et de Chaouqui prouvent que ce n'est pas si simple (cf.
La braderie de la "Vatican SPA" est commencée, et bien sûr le dernier billet de Sandro Magister].
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<<< Chaque pape a sa spécificité: Jorge Mario Bergoglio a vingt ans d'expérience pastorale, notamment dans les favelas. Mais sa vision théologique est la même: comme Ratzinger, il pense que ce n'est pas le pape qui guide l'Eglise, mais Dieu. Le pontife n'est qu'un serviteur.
Benoît XVI a lui-même désacralisé la mission papale en renonçant à sa charge. Ce qui est sûr, c'est que depuis l'élection de François, la place saint Pierre est pleine le dimanche. Plusieurs prêtres italiens m'ont confié que des fidèles étaient revenus se confesser au lendemain de Pâques, après avoir entendu le nouveau pape dire que Dieu ne se fatiguait jamais de pardonner. Le changement est aussi visible au sein de la curie: deux jours après son élection, les cardinaux qui rencontraient le pape François dans la salle clémentine avaient troqué leur croix en or autour du cou pour une croix en fer, la même que celle du pontife!

Il peut déplaire à certains courants conservateurs, c'est vrai. Par le passé, Bergoglio avait été décrié parce qu'il organisait des pélerinages durant lesquels il baptisait les gens au bout de seulement deux jours! Mais si son message de miséricorde de l'Eglise et de proximité avec les fidèles passe, les critiques cesseront. Il n'est pas sûr, du reste, qu'il ne compte pas autant d'adversaires dans le camp des progressistes, qui n'apprécient pas forcément sa dévotion populaire aux saints, un peu trop "naïve" à leur goût, ou la distance qu'il a pris en Argentine vis-à-vis de la théologie de la Libération. Il faut se garder d'adopter des grilles de lecture trop simplistes: ce n'est pas parce qu'on met l'accent sur les pauvres qu'on est progressiste. Les cardinaux d'Amérique latine qui ont appuyé François lors du conclave sont aussi très fidèles à Rome.
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Je ne crois pas du tout qu'il ait été une solution de secours. Sa candidature s'est très vite imposée durant le conclave. Les cardinaux ont voulu un pape animé d'une foi profonde et qui sache aussi parler aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui. Ils ont été très marqués par son intervention du 7 mars, durant le conclave. Elle n'a duré que trois minutes et demies, mais elle a marqué les cardinaux: "Il a parlé avec son coeur", ont-ils pensé.
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La réforme a déjà commencé avec son nouveau style. Sa grande simplicité - il sert lui-même le petit déjeuner! - est un message fort en ces temps de crise. Mais c'est aussi un homme de gouvernement, il sait très bien ce qu'il veut: oeuvrer pour une Eglise plus proche des gens et plus crédible dans ce monde sécularisé. Au sein même de la curie, il a déjà insufflé un esprit très collégial en nommant un petit groupe de cardinaux experts auprès de lui pour le conseiller sur les réformes, notamment amender la constitution "Pastor Bonus" sur l'organisation de la Curie. Sur les huit prélats qui se réuniront du 1er au 3 octobre prochain au Vatican, sept n'appartiennent pas à la curie, même s'ils la connaissent très bien - c'est une façon de dire que celle-ci ne peut pas se réformer toute seule - et ils appartiennent à divers courants. Cette forme de collégialité n'est pas une nouveauté : elle a été appliquée dès le XIIIe siècle. Toutefois, François a volontairement choisi des cardinaux de divers horizons géographiques : Amérique du Nord, Europe, Asie, etc. Là encore, c'est un signe fort.

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