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Lire Lumen Fidei: Marco Politi

L'ex-vaticaniste de la Repubblica, ennemi déclaré de Benoît XVI est certes résolument négatif, ce qui est plutôt bon signe... mais ce qu'il dit, en dehors du commentaire théologique n'est pas dénué d'intérêt (7/7/2013)

Il va sans dire que Politi (*) prend ses désirs pour des réalités, et qu'il est tout à fait offensant envers Benoît XVI. Au moins, les choses sont claires.

>>> Rubrique spéciale: Lumen Fidei

     

Une encyclique écrite par deux papes qui se contredisent
Marco Politi
Il fatto quotidiano (texte en italien ici)
6 Juillet 2013
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La vraie encyclique, le pape François la publiera l'année prochaine et elle sera sur la pauvreté. Parce que c'est le thème qui lui tient le plus à cœur au moment où la crise frappe au niveau mondial les pauvres et les démunis.
Ce n'est pas un hasard si le secrétaire papal, don Xuereb (ndt: en fait, le second secrétaire de Benoît XVI, le maltais), commentant la visite à Lampedusa, a déclaré: «Alors que dans le nord, il y a des riches qui gaspillent, de l'autre côté, il y a un Sud qui laisse tout pour tenter sa chance et trouve souvent la mort».
Lumen Fidei
, l'encyclique écrite à quatre mains avec l'ex-pontife Ratzinger - François le reconnaît expressément dans l'introduction - est au contraire un acte politique. Benoît XVI avait laissé l'encyclique inachevée et il s'agissait de neutraliser toute éventualité, même la plus petite, qu'il reste trace d'un magistère bipolaire. La «parole» de l'ex contre les «mots» du pontife régnant.

François a eu et a d'autres programmes. Remodeler à fond l'IOR, réorganiser la Curie, réformer le Synode des Évêques, mettre en place un mécanisme de gouvernance collégiale avec l'épiscopat. Mais Ratzinger a eu la fâcheuse idée de s'inventer le titre de «pape émérite», préférant endosser l'habit blanc plutôt que le froc gris du moine et s'appeler seulement - noblement - «Père Benoît».

Et donc Bergoglio, ces derniers mois, a dû aussi faire face à ce problème. Il a expliqué que Benoît XVI, en abdiquant, a écouté la voix du Seigneur, il l'a embrassé comme un frère à la retraite, il l'a mis sur le même banc à Castel Gandolfo, et hier, il l'a pris avec lui à la bénédiction d'une statue de l'Archange Michel à l'intérieur du Vatican, et donc l'encyclique écrite à quatre mains (une première absolue dans l'histoire des papes) est une façon affectueuse et élégante de conclure la partie. Enterrant toute ombre de dualisme papal.
Dans le texte, on peut voir les différentes mains. Ratzinger cite Nietzsche et Dostoïevski, il disserte sur la faiblesse de la raison qui ne produit pas assez de lumière quand elle nie la foi.

Bergoglio insiste sur l'engagement patient à pardonner, sur la foi comme «une lampe qui n'est pas une lumière qui dissipe toutes nos ténèbres, mais une lampe qui guide nos pas dans la nuit».
Son approche est, en somme, celle qui fascine les pèlerins à Saint-Pierre.
«Chemin» est l'un de ses mots-clés. Et donc «le croyant n'est pas arrogant», la foi l'encourage au «témoignage et au dialogue avec tout le monde». La foi ne doit même pas seulement «servir à construire une cité éternelle dans l'au-delà: elle nous aide à construire notre société», elle favorise un chemin vers un avenir d'espérance. L'évêque théologien Bruno Forte note que pour François le croyant ne peut jamais rester dans son propre «moi», en ignorant le bien commun.

Mais c'était aussi la position de Benoît XVI depuis sa première encyclique Deus Caritas Est. En soutenant le lien inséparable entre la vérité et l'amour, Ratzinger et Bergoglio se rencontrent. «Sans amour - lit-on dans Lumen Fidei qui vient en conclusion de l'Année de la Foi - la vérité devient froide, impersonnelle, oppressive».
Mais en fin de compte, François n'aime pas «raisonner» sur la foi. Il aime, fondamentalement - et les croyants comme les non-croyants l'ont compris - un christianisme réellement pratiqué avec la solidarité de la miséricorde.
C'est pourquoi dans l'encyclique (au-delà des citations encyclopédiques traditionnelles sur l'amour conjugal entre un homme et une femme) sont exaltés comme des exemples Saint François et Teresa de Calcutta. Parce que chez les lépreux et les pauvres «ils ont compris le mystère qui est en eux».
Ce qui importe pour le pape Argentin, c'est une foi qui enseigne le chrétien à reconnaître le visage de Dieu «à travers le visage de son frère».
Il y a beaucoup d'inquiétude dans différents secteurs conservateurs du catholicisme - pas seulement dans certains secteurs vaticans - pour le nouveau cours, pour la révolution, vers laquelle, étape par étape, Bergoglio dirige l'Eglise.
Bergoglio veut faire passer l'énorme structure ecclésiastique du catholicisme impérial romano-centrique à une Église-communauté.
En proclamant saints à l'automne Jean XXIII et Jean-Paul II, il relance les idées directrices du Conseil et conclut symboliquement l'ère des discussions (et de la répression) de la période post-conciliaire. «La foi - dit l'encyclique - n'est pas un refuge pour les personnes sans courage, mais la dilatation de la vie».

Ce courage de l'avenir effraie les conservateurs, qui redoutent de trop grands changement. C'est pourquoi dans les couloirs du Vatican, ils insistent pour dire que «l'Eglise est toujours la même, tandis que chaque pape a son propre style».
Il ne s'agit pas de style. Il s'agit d'objectifs. Bergoglio travaille pour le changement.

Prochaine étape: la nomination du secrétaire d'État et du ministre des Affaires étrangères. Et oui, peut-être, un élargissement du Conseil de la Couronne des huit cardinal. Mais la plus grande crainte, c'est celle des monsignori de la Curie cités pour raisons de carriérisme, sexe et corruption dans le grand dossier secret sur Vatileaks. Le pape, qui a décapité l'IOR n'aura pas peur de faire tomber la tête de quelque prélat.

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Note sur Marco Politi

(*) A relire, cet article traduit de Corrispondenza Romana: benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/marco-politi-continue-de-desinformer.php