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Vertu, raison et un appel pour les croyants. Cette oeuvre à «quatre mains» qui couronne le triptyque de Benoît (7/7/2013)

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La foi qui non seulement n'est pas les ténèbres, comme l'ont appelé ceux qui ont allumé les «Lumières» du XVIIIe siècle, mais est capable d'éclairer non seulement l'humanité, mais aussi les vies des individus.

Corriere della Sera, 6 Juillet 2013
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Vertu, raison et un appel pour les croyants. Cette oeuvre à «quatre mains» qui couronne le triptyque de Benoît
Vittorio Messori
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La voilà donc, la première encyclique, pensée et écrite «à quatre mains», pour reprendre l'expression du Pape Bergoglio lui-même. Lequel signe, seul, avec un Franciscus manuscrit, mais explique dans le même texte, comment sont les choses: «Ces considérations sur la foi entendent s'ajouter à ce que Benoît XVI a écrit dans les Lettres encycliques sur l'espérance et sur la charité. Il avait déjà presque terminé la première ébauche d'une encyclique sur la foi. Je lui en suis profondément reconnaissant et, dans la fraternité du Christ, j'assume son précieux travail, en ajoutant quelques contributions supplémentaires au texte». En réalité, ces contributions du pontife Argentin semblent un accompagnement. Selon le sociologue des religions faisant autorité, Massimo Introvigne, on les retrouve surtout dans le fait que François «insiste sur sa thèse favorite, à savoir que la foi nous libère de l'autoréférentialité, à cause de laquelle nous parlons toujours seulement à nous-mêmes au lieu de "sortir" pour parler avec les autres». Tant le schéma de pensée que certaines expressions ou des références à des auteurs, approuvés ou réfutée (beaucoup d'entre eux allemands, à commencer par Nietzsche) sont clairement ratzingeriens. Il s'agit, en somme, de la conclusion homogène du triptyque que Benoît XVI avait décidé de consacrer aux trois vertus théologales, pour commencer à partir des racines le projet de nouvelle évangélisation qui était déjà celui de Jean-Paul II.

Nous avons déjà expliqué, dans ce journal (Il Corriere della Sera), d'expliquer pourquoi une telle nouveauté de «magistère à deux» n'est pas source de confusion, mais, au contraire, la confirmation d'une vérité chrétienne et, en particulier, catholique. Ce n'est pas un hasard si le pape François lui-même écrit, après avoir rappelé le rôle décisif de son prédécesseur dans la rédaction de l'encyclique: «Le Successeur de Pierre, hier, aujourd'hui et demain, est de plus en plus appelé à confirmer ses frères dans cet incomparable trésor de la foi que Dieu donne comme lumière sur la route de chaque homme». Chez les papes qui se succèdent, la diversité des caractères, de la culture, de l'histoire personnelle, peut être intéressante mais finalement sans importance (au moins pour ce qui compte vraiment). En effet, le rôle de l'évêque de Rome - «hier, aujourd'hui, demain », précise Bergoglio - est celui de Maître et de Gardien du depositum fidei, qui n'est pas à lui mais qui lui a été confié: qu'il peut mieux comprendre et approfondir, mais pas changer d'un iota. Donc, la première encyclique à «quatre mains» n'est que la confirmation de cette vérité, souvent oubliée, même par les croyants (y compris les historiens) qui mettent l'accent sur les différences entre les divers pontificats. Le style ou l'attention sur certains thèmes, peut changer, mais pas le contenu, quand un pape réannonce la vérité de l'Evangile.

Précisément parce qu'elles sont tellement ratzingeriennes, les quatre-vingt dix pages de Lumen fidei sont d'une grande densité théologique. Comme nous le verrons probablement dans les documents que François non seulement signera mais élaborera en personne, l'orientation pastorale sera plus prononcée que celle doctrinale. C'est l'importance du texte qui suggère de renvoyer à plus tard une analyse en profondeur, pour l'heure empêchée par l'urgence journalistique. Ici, nous nous limitons à une constatation, que nous pensons non apologétique, mais objective.

Comme le rappelle l'encyclique dès le début, le mouvement de pensée qui a commencé avec la modernité, a voulu prendre le nom de «Lumières», par opposition aux «ténèbres» chrétiennes et en particulier catholiques. Les temps de la domination religieuse ont été décrits comme des «âges sombres».

Il advint toutefois que les flambeaux allumées pour guider l'humanité vers de nouveaux destins, apportèrent très vite la Terreur révolutionnaire, les massacres napoléoniens (deux millions de jeunes européens, l'avenir de l'Europe toute entière, sacrifiés aux ambitions du Corse), et puis, peu à peu, les résultats désastreux de tous les «ismes» créés pour dissiper les ombres chrétiennes: socialisme, communisme, fascisme, national-socialisme et, aujourd'hui, un libéralisme et un libertinisme sauvages dont nous payons les conséquences. C'est donc aussi à la lumière de l'histoire que l'encyclique a été volontairement nommée, selon ses deux premiers mots, «la lumière de la foi».
La foi qui non seulement n'est pas les ténèbres, comme l'ont appelé ceux qui ont allumé les «Lumières» du XVIIIe siècle, mais est capable d'éclairer non seulement l'humanité, mais aussi les vies des individus.

Tout au long du texte, on retouve la grande, légitime préoccupation du théologien post-moderne qu'est Joseph Ratzinger: bien avant qu'aux sentiments, il fait appel à la raison, pour montrer que celle-ci, non seulement n'exclut pas la foi, mais peut ouvrir la route vers elle. Les «raisons de croire» sont réaffirmées avec force, suivant, au fond le propos de Pascal que l'histoire semble vraiment avoir confirmé: «La critique peut sembler éloigner de l'Evangile. Mais la critique de la critique est toujours possible et peut y ramener».