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Lumière pour que la vie ne tombe pas en langueur

JL Restàn a lu Lumen Fidei. Traduction de Carlota (11/7/2013)

     

Une lumière pour que la vie ne tombe pas en langueur
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Le triptyque des vertus théologales a été finalement terminé en l’année de la Foi.
Lumen Fidei, la Lumière de la Foi, c’est le titre de cette belle lettre qui rend évidente la continuité du chemin de l’Église.
Elle porte évidemment la signature de François et c’est son autorité qui nous la remet et nous la confie, mais lui-même a voulu consigner par écrit que Benoît XVI « avait pratiquement terminé une première rédaction » et qu’il a voulu assumer ce travail « en ajoutant au texte quelques apports ». Une nouveauté dans l’histoire de cette littérature pontificale, qui dans le fond démontre la stupidité de quelques prises de position contraires que certains se sont aventurés à construire.

Au début l’Encyclique reconnaît que dans notre monde actuel « la foi a fini par être associée à l’obscurité ». Ce n’est pas en vain que le siècle dit des Lumières a vu l’attaque contre la Tradition chrétienne (*) qui maintenant a acquis sa charte naturelle. La lumière a été associée fondamentalement à la science, ou plus généralement à une raison empirique toujours plus fermée à la question du sens, aux grandes questions de l’homme. C’est pour cela que la foi est apparentée dans tant d’images des médias avec ce qui est obscure et ésotérique. Il suffit de promener son regard sur les étagères d’une librairie de gare pour découvrir le ténébreux mépris réservé à tout ce qui a à voir avec la foi chrétienne.

Et cependant nous sommes peut-être en train d’assister à la fin du cycle débuté à cette époque-là. Cette raison qui dédaignait la foi n'a pas accompli ses promesses, et la foi qui était annoncée défunte n’a pas disparu de la carte, bien au contraire.
Et c’est ainsi que le premier grand texte du magistère d’un Pape venu de la jeune Amérique n’hésite pas à présenter la foi comme une lumière qui est à découvrir, parce que notre monde a déjà l’expérience amère de ce que « quand sa flamme s’éteint toutes les autres lumières finissent pas s’affaiblir ». La conviction qui animait la mission des premiers chrétiens était précisément que la foi était la lumière qui libérait des attaches et terreurs typiques du monde antique, une lumière qui rendait la vie grande et entière.
Mais, en quoi consiste cette foi ?... en ce que nous a été donné un grand Amour, que nous a été adressée une bonne Parole, et que, si nous accueillons cette Parole, qui est Jésus Christ, le Verbe incarné, l’Esprit Saint nous transforme, éclaire nous chemin vers le futur, et donne des ailes à notre espérance pour le parcourir avec joie ».

Il nous a été donné. Il y a un fait qui est précède toujours le mouvement de la raison et de la liberté humaines. Un fait déconcertant et inespéré, qui rompt nos schémas mais qui n’est pas étranger à notre désir, à notre attente. La foi illumine les racines les plus profondes de notre être, elle permet de reconnaître la source de la bonté qu’il y a à l’origine de toutes choses, et confirme que notre vie ne procède par du néant ou du hasard. Le fait décisif duquel surgit la foi chrétienne est Jésus, son incarnation, sa mort et sa résurrection. « L’histoire de Jésus (rappelons ici le Jésus de Nazareth de J.Ratzinger) est la pleine manifestation de la fiabilité de Dieu ». Par conséquent la foi chrétienne fait référence à un Dieu qui est entré dans l’histoire avec tout ce que cela entraîne de scandale mais aussi de promesse.

Le deuxième chapitre, le plus dense et provocateur, fait référence à la relation entre la foi et la vérité, ou si nous préférons, entre la foi et la connaissance. Là s’affronte la dramatique fracture avec la modernité qui a prétendu « défaire la connexion de la religion avec la vérité ». Mais une foi qui renoncerait à la question de la vérité (comme cela se passait dans les cultes de l’Antiquité) ne peut sauver ; et une vérité qui se ferme à l’horizon du Mystère se réduit à une simple technique, incapable de rendre compte d’une vie qui est souffrance et anxiété de plénitude. Mais l’homme ne peut cesser de désirer et de chercher la vérité, et avec cette recherche le christianisme entame toujours et encore son dialogue.

La vérité que propose la foi “ne s’impose pas avec la violence, n’écrase pas la personne”, parce cette vérité est en même temps amour et naît de l’amour. C'est pourquoi « le croyant n’est pas arrogant ; au contraire, la vérité le rend humble, en sachant que, plus que la posséder, c’est elle qui l’embrasse et le possède. Au lieu de nous rendre intolérants, la sécurité de la foi nous met en chemin et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous » (**)

Il est beau de voir se déployer dans le texte la foi comme un écouter, un voir et un toucher. La foi est l’écoute d’une Parole, mais c’est aussi la contemplation d’un visage et finalement c’est être « touché » par une force (une grâce) qui transforme réellement la vie. Jésus est un homme présent qui parle, qui se mesure avec la raison de ceux qui l’écoutent, qui invite à le suivre, qui traite et soigne, qui allume une espérance inconnue. Et ce dynamisme continue aujourd’hui dans la vie de l’Église (mère de notre foi) à travers la proclamation de la Parole, la célébration des sacrements, l’expérience de la charité qui donne forme aux relations et au service de l’autorité apostolique. « Le passé de la foi, cet acte d’amour de Jésus, qui a fait germer dans le monde une vie nouvelle, nous arrive dans la mémoire des autres, des témoins, conservé vivant dans ce sujet unique de la mémoire qu’est l’Église ».

Le dernier chapitre nous montre comment la foi se met au service concret de la justice, du droit, de la paix, en permettant aux hommes de construire une cité fiable. Loin de nous écarter du monde et de ses soucis concrets, la foi élargit l’horizon de la vie, elle nous fait découvrir que notre vocation est l’amour et que cela vaut la peine de construire parce que la confiance en Dieu est plus forte que toutes nos faiblesses. Au contraire quand la foi est expulsée du domaine de la cité commune, « il manque le critère pour distinguer ce qui rend précieuse et unique la vie de l’homme …et alors il perd son poste dans l’univers, il se perd dans la nature, en renonçant à sa responsabilité morale, ou bien il prétend être un arbitre absolu, en s’attribuant un pouvoir de manipulation sans limites » (***).

Concluons en revenant aux premières pages. En 1865, le jeune Nietzsche invitait sa sœur Élizabeth à entreprendre de nouveaux chemins en abandonnant l’obstacle de la foi ancienne reçue des générations précédentes. De cette façon elle pourrait jouir de la vie comme d’une recherche libre et d’une passionnante aventure. Le philosophe combattif n’a jamais imaginé que 150 ans plus tard un Pape l’honorerait avec cette citation dans un texte qui montre la foi comme une lumière pour pénétrer dans le tissu palpitant de la vie. Son intuition de ce que la vie est une aventure où chacun de nous doit chercher la vérité, la reconnaître librement et l’embrasser, n’était pas erronée. Mais il s’est trompé d’ennemi et a tracé un chemin qui ne pouvait se transformer qu’en un dramatique manège. Au contraire nous avons besoin de récupérer cette vision de Dante qui décrivait la foi comme une « étincelle qui fait scintiller la moindre étoile dans le ciel ».

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Remarques de traduction
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(*) Il convient de remonter sans doute, non pas au Siècle des Lumières, mais à la Renaissance, qui avait déjà contribué à vouloir plonger dans l’oubli ce qui lui avait justement permis de devenir cette époque d’explosions intellectuelles qui allait aussi déboucher sur la Révolution de la Réforme, avant celle dite française.

(**) « ….Au lieu de nous rendre intolérants, la sécurité de la foi nous met en chemin et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous » : à méditer et à faire sien en ce moment, alors que nous nous trouvons face à un pouvoir (politique) et à une université (notamment dans le domaine médical) qui s’arc-boutent par idéologie et non par raison, avec une violence dans l’intolérance qui est stupéfiante mais finalement logique...

(***) Nous en avons la preuve la plus absolue avec notamment « nos » partis écologistes qui combattent toutes les attaques contre la nature, mais votent d’une seule voix pour les manipulations de l’embryon humain et la déconnexion sous toutes ses formes entre la sexualité et la procréation (toujours des êtres humains) !