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Que lit notre Pape émérite?

Eh bien, un ouvrage bien trapu: «Esthétique théologique» de Hans Urs von Balthasar (1). Des précisions de Marie-Anne (16/4/2013)

>>> L'image ci-contre date de l'été 2006, elle figure dans un calendrier édité par Famiglia Cristiana pour 2007 (cf. beatriceweb.eu/blog06)

     

Son corps est sans doute fatigué, mais pas sa tête!

Un article récent (de-bonnes-nouvelles-de-benoit) paru sur la presse italienne nous donnait quelques nouvelles du Saint-Père Benoît:

A Castel Gandolfo, Benoît XVI a apporté un certain nombre de livres, à commencer par «L'esthétique théologique» de Hans Urs von Balthasar, le grand théologien suisse avec qui il fonda la revue Communio en 72.

Marie-Anne m'écrit :
"Ayant lu Balthzar en 1978, je me suis demandée quel était le livre que notre Pape émérite a pris avec lui pour se "ressourcer".
Il renoue avec l'idéal de sa jeunesse - et donc, selon Marc-Aurèle, il ne vieillira pas (vieux est seulement celui qui a déserté son idéal, disait-il)".

Elle m'envoie une petite brochure, contenant l'avant propos de l'ouvrage "Les aspects esthétiques de la révélation", de Hans Urs Von Bathasar.
La version originale en allemand de l'ouvrage est parue en 1961 sous le titre:
"Herrlichkeit. Ain Theogische Ästhetik".

Je l'ai scannée.
Disons honnêtement que c'est trapu - enfin, réservé aux spécialistes (2)

(ci-contre: http://www.editionsducerf.fr...)

Marie-Anne a également retrouvé l'avant-propos, plus abordable, d'un petit livre du même Hans Urs Von Balthazar: "L'amour seul est digne de foi", 1966 (collection "Foi vivante", n. 32) dont elle nous laisse partager cet extrait:

(..) Le présent essai éclairera le dessein de mon grand ouvrage, "Herrlichkeit", qui veut être une esthétique théologique, au double sens d'une doctrine de la perception subjective et d'une doctrine de la manifestation objective de la gloire divine (...).
Ce que nous appelons ici "esthétique" a donc un caractère purement théologique: c'est la perception et l'accueil, que la foi seule rend possible, de l'amour souverainement libre de Dieu, manifestant sa gloire.
(..) Le présent essai ne contient rien de foncièrement nouveau. Il ne cherche qu'à prolonger la tradition théologique: Augustin, Anselme, Bernard, Ignace, Jean de la Croix, François de Sales, Thérèse de Lisieux. Ce sont ceux qui aiment qui en savent le plus long sur Dieu, c'est eux que le théologien doit écouter
(Bâle, janvier 1963)

     

Notes

(1) Hans Urs von Balthasar, né à Lucerne (Suisse) le 12 août 1905 et décédé à Bâle (Suisse) le 26 juin 1988, est un prêtre catholique suisse du diocèse de Coire. Jésuite de 1928 à 1950 et théologien de grand renom il est créé cardinal par Jean-Paul II en 1988, mais meurt quelques jours avant d'en recevoir les insignes.
...
L'œuvre de Hans Urs von Balthasar est immense et pratiquement sans aucun équivalent au cours du xxe siècle. Henri de Lubac a dit de lui qu'il était peut-être l'homme le plus cultivé de son temps. Pour entrer dans son œuvre, on pourra lire les deux petits livres "l'amour seul est digne de foi", et "Dieu et l'homme d'aujourd'hui". Son œuvre la plus imposante est sa trilogie, qui à partir du bon, du beau et du vrai, se décline en 17 volumes entre une esthétique (La Gloire et la Croix), une dramatique (Dramatique Divine) et une théologie en particulier de l'Esprit Saint (Théologique).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hans_Urs_von_Balthasar

(2)
On a tenté, dans cet ouvrage, de développer la théologie chrétienne à la lumière du troisième transcendantal, c'est-à-dire de compléter la considération du vrai et du bien par celle du beau (pulchrum). L'introduction montrera quel appauvrissement a résulté, pour la pensée chrétienne, du renoncement toujours plus accentué à ce point de vue, qui jadis avait si fortement marqué la théologie. Il ne s'agit donc pas de l'engager, en vertu d'une vague nostalgie, sur une voie secondaire et peu fréquentée, mais bien plutôt de la ramener sur une voie essentielle qui avait été délaissée, - sans vouloir affirmer, bien entendu, qu'à l'avenir c'est le point de vue esthétique qui devra la régir, au détriment des points de vue logique et éthique. Les transcendantaux toutefois sont inséparables; négliger l'un d'entre eux ne peut avoir qu'un effet dévastateur sur les autres. C'est donc dans l'intérêt d'un problème commun que l'on ose recommander, d'une manière générale, de ne pas rejeter a priori cette tentative - il ne s'agit ici de rien de plus - en la traitant « d'esthétisme », mais d'y prêter quelque attention, pour essayer de comprendre ce qu'elle veut dire.
Dans le premier volume, il nous faudra, par des approches objectives et historiques, nous frayer lentement une voie d'approche vers l'objet de notre requête. Dans sa partie principale, ce volume soulève la question de la connaissance théologique, tout d'abord celle de sa structure objective, puis celle de ses présupposés dans l'objet théologique. A ce propos il nous faudra parler de bien des choses, qui d'ordinaire sont traitées par ce que l'on appelle théologie fondamentale. Mais cela ne doit pas faire croire que l'on entreprend de développer ici une théologie fondamentale, distincte de la dogmatique et opposée à elle; la marche de nos réflexions s'efforcera plutôt de convaincre le lecteur que ces deux aspects de la théologie sont inséparables.
Pourtant cela ne saurait suffire pour ouvrir complètement l'accès à l'objet propre qui nous intéresse, à savoir la confrontation dans la théologie dogmatique de la beauté et de la révélation : à cette fin, le deuxième volume fournira d'abord une garantie et une démonstration historiques, qui en même temps complèteront le premier volume. On n'y trouvera pas une histoire suivie de l'esthétique théologique, telle que par exemple Edgar de Bruyne en a écrit une pour le Moyen Age, mais plutôt une série de monographies sur les créateurs les plus représentatifs de la théologie depuis Irénée jusqu'à l'époque actuelle; ce sera donc une typologie du rapport entre beauté et révélation. Les formes de ce rapport sont variables à l'infini, mais dans son ensemble il prouve qu'il n'y a et ne peut y avoir de théologie vraiment grande et historiquement féconde qui n'ait été expressément conque et enfantée sous la constellation du « beau »et de la « grâce ». Un de ses chapitres, dédié au seul théologien protestant représenté, Johann Georg Hamann, a déjà paru dans le volume d'hommages à Alois Dempf.
Le troisième volume aura comme contenu essentiel la confrontation de l'esthétique philosophique et de l'esthétique théologique. Il aura à approfondir bien des points qui dans le premier volume restent sans justification. Il s'agira donc :1. d'amener à se rencontrer la figure totale de la beauté présente dans la révélation biblique et celle de l'esthétique profane, théorique et pratique; 2. soumettre en détail à la mesure esthétique les modes théologiques de l'existence humaine et terrestre (paradis et beauté, chute originelle et beauté, rédemption, justification, sanctification et beauté, Église et beauté, eschatologie et beauté); 3. déceler, dans tous les domaines, les rencontres de la création et de l'attitude esthétiques humaines avec l'Ars Dei Revelantis, et leur compénétration mutuelle.
Si tout ce qui est beau se trouve objectivement au croisement de deux facteurs que saint Thomas appelle species et lumen, figure et éclat, la rencontre de la beauté est caractérisée par ces deux facteurs ,apercevoir et être ravi. La doctrine de l'aperception et de l'observation du beau («esthétique» au sens où «la Critique de la Raison pure» emploie ce mot), et la doctrine de la puissance ravissante du beau sont ordonnées l'une à l'autre, parce que nul n'aperçoit en vérité qui ne soit déjà ravi, et nul ne peut être ravi, qui n'ait déjà aperçu. Cela est également vrai de la relation théologique entre foi et grâce dont la première, en se donnant, saisit la figure de révélation, cependant que la deuxième a emporté et élevé le croyant dans le monde de Dieu. C'est pour cette raison que le premier et le troisième volume de cet ouvrage se renvoient sans cesse l'un à l'autre. Pour trouver son juste équilibre, une « esthétique théologique » devrait être prolongée par une « dramatique théologique » et par une « logique théologique ». Si la première a pour objet principal la perception de la manifestation divine, celui de la « dramatique » serait surtout le contenu de cette perception, c'est-à-dire l'agir divin envers les hommes, tandis que la « logique » aurait pour objet la manière divine (plus exactement divino-humaine, c'est-à-dire déjà théologique!) d'exprimer cette action. C'est alors seulement que le pulchrum serait à sa place dans tout l'édifice : il apparaitrait comme la manière dont le bonum de Dieu se donne et dont le verum est exprimé par lui et compris par les hommes. Ce n'est pas en paroles formulées que Dieu a donné à Abraham la première injonction de croire : ce que celui-ci perçut, c'était la vérité d'une action divine à son égard qui n'a peut-être été exprimée en une parole humaine que des siècles plus tard. Cela, non pas au sens du « au commencement était l'action » de Faust et de Fichte, car le drame entre Dieu et l'homme est déjà un logos, un mot chargé de sens; mais c'est une parole advenante, qui a une dimension de plus que la parole d'attestation.

Hans Urs Von Balthasar.