Accueil | D'un Pape à l'autre | Retour au Vatican | Collages de Gloria | The hidden agenda | Lumen Fidei | Lampedusa | Benoît et les jeunes

Synode, ou collège?

Sur son blog personnel, Sandro Magister s'interroge sur les propos tenus par le Pape lors de la messe de la solennité des Saints Pierre et Paul (1er/7/2013)

Je relevais hier (cf. Réformes en vue ):
"Pour le moment, la distinction entre collégialité et synodalité risque d'échapper au catholique lambda, et de passer pour un débat d'initiés".

De quoi s'agit-il au juste?
Magister a eu la bonne idée de retourner à Lumen gentium, citée à trois reprises dans l'homélie du Pape.

Article en italien ici: magister.blogautore.espresso.repubblica.it/2013/06/30/sinodo-o-collegio-il-traduttore-corregge-il-papa

     

Synode ou collège? Le traducteur corrige le Pape.
----

Dans la troisième et dernière partie de l'homélie prononcée dans la fête des Saints Pierre et Paul, en présence des représentants du patriarcat œcuménique de Constantinople, François a cité trois fois "Lumen Gentium", la Constitution du Concile Vatican II sur l'Eglise (www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19641121_lumen-gentium_fr.html ).

La première citation était tirée du paragraphe 18, qui "comme objet certain de foi" re-propose "la doctrine de l'institution, de la perpétuité, de la valeur et de la nature du Primat sacré du Pontife romain et de son magistère infaillible".
La seconde était tiré du paragraphe 19, qui rappelle comment Jésus constitua les apôtres, leur donnant la forme de collège, c'est-à-dire d'un groupe stable, à la tête duquel il mit Pierre, choisi parmi eux.
La troisième était tiré du paragraphe 22, qui répète que "le collège ou corps épiscopal n'a pas d'autorité, si on ne le conçoit pas uni au Pontife romain, successeur de Pierre, comme son chef, et sans préjudice de sa puissance de primauté sur tous, tant pasteurs que fidèles".

Dans la constitution "Lumen Gentium" tout entière, il n'est pas fait mention de l'institution dénommée synode des évêques. Et même, le mot même "synode" n'y est pratiquement pas. On le trouve une seule fois, comme synonyme du Concile oecuménique lui-même.

Du Synode des évêques, dans tous les documents de Vatican II, on parle brièvement: seulement dans le paragraphe 5 du décret "Christus Dominus" sur la mission pastorale des évêques. Où l'on lit:
"Une plus efficace collaboration avec le pasteur Suprême de l'Eglise peut être prêtée, dans les modalités établies ou à établir par le Pontife Romain lui-même, par les évêques choisis dans différentes régions du monde, réunis dans le Conseil appelé synode des évêques. Ce synode, représentant tout l'épiscopat catholique, est un signe que tous les évêques font partie d'une communion hiérarchique de la sollicitude de l'Eglise universelle".

Il est pourtant arrivé que le Pape François, en prononçant la troisième partie de son homélie, se soit écarté en trois points du texte écrit. Et qu'il ait préféré dire "synode des évêques" à la place de "collège des évêques", et "synodalité" à la place de "collégialité".
Voici la transcription intégrale de cette troisième partie de l'homélie, en soulignant les ajouts oraux au texte écrit.

Confirmer dans l’unité. Ici je m’arrête sur le geste que nous avons accompli.
Le Pallium est symbole de communion avec le successeur de Pierre, « principe et fondement perpétuels et visibles d’unité de foi et de communion » (Conc. Œcum. Vat. II, Lumen gentium, 18). Et votre présence aujourd’hui, chers confrères, est le signe que la communion dans l’Eglise ne signifie pas uniformité.
Vatican II, se référant à la structure hiérarchique de l’Eglise, affirme que le Seigneur « en fit ses Apôtres, leur donnant forme d’un collège, c'est-à-dire d’un groupe stable, et mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux » (Ibid., 19).

Confirmer dans l’unité : le Synode des évêques, en harmonie avec la primauté. Nous devons avancer sur cette voie de la synodalité, grandir en harmonie avec le service de la primauté.

Et le Concile continue : « par sa composition multiple, ce collège exprime la variété et l’universalité du Peuple de Dieu » (Ibid., 22).
Dans l’Eglise la variété, qui est une grande richesse, se fonde toujours sur l’harmonie de l’unité, comme une grande mosaïque dans laquelle les tesselles s’assemblent pour former l’unique grand dessein de Dieu. Et cela doit nous pousser à dépasser toujours les conflits qui blessent le corps de l’Eglise.

Unis dans la différence : il n’y a pas d’autre manière catholique de s’unir
.

C’est cela l’esprit catholique, l’esprit chrétien : s’unir dans la différence. Voilà la route de Jésus ! Le Pallium, s’il est le signe de la communion avec l’Evêque de Rome, avec l’Eglise universelle, avec le Synode des évêques, est aussi un engagement pour chacun de vous à être instrument de communion.

* * *

Ce n'est pas la première que le pape Jorge Mario Bergoglio fait comprendre qu'il a l'intention de renforcer le rôle du synode des évêques.
Mais cette fois, il s'est exprimé sous une forme qui - si elle avait été mise par écrit à l'avance - aurait fait lever les sourcils à quelque réviseur de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Parce qu'un synode des évêques, institution partielle et éphémère, n'est pas la même chose que le collège épiscopal universel, constitutif depuis toujours et pour toujours de la structure de l'Eglise.
Ainsi, le traducteur officiel en français de l'homélie du Pape François, arrivé à la dernière ligne de la troisième partie, a buté sur cette approximation, il lui a échappé de ... corriger le pape, mettant entre parenthèses la traduction littérale accompagnée d'un point d'interrogation:
“… avec le Collège (Synode?) des évêques…”. (en français dans le texte).

Aux journalistes accrédités près de la salle de presse vaticane, la première version en français de l'homélie du Pape est arrivée comme ci-dessus, peu après la fin de la célébration.
Ce n'est qu'un peu plus tard, quand l'homélie est parue sur le site du Vatican, que la version française est apparue nettoyée, sans plus l'apostille du traducteur.
“… avec le Synode des évêques…”.